FMJ MtlJeudi, 12e Semaine du Temps ordinaire – C
Frère Antoine-Emmanuel
2 R 24, 8-17 ; Ps 78 ; Mt 7, 21-29
23 juin 2016
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Tu as bâti la communauté sur le roc

Nous approchons la fin d’une année pastorale
et la Parole de Dieu reçue en ce jour
nous permet de relire ce que nous avons vécu.

Que nous raconte la Première lecture ?
La dévastation de Jérusalem.
Jérusalem s’est rendue…
s’est remise entre les mains d’un roi étranger.
Le Temple est pillé et sera bientôt saccagé.
La famille royale et tous les dignitaires sont exilés,
de même pour l’armée et pour les artisans.
C’est la débâcle… tout s’est écroulé.
La tempête a soufflé et la ville s’est écroulée… (Mt 7,25)

*

Et nous en cette fin d’année ?
Notre petite Jérusalem à Montréal s’est-elle écroulée ?
S’est-elle rendue à ses ennemis ?
Il semble bien que non
puisque nous sommes là ensemble ce matin
en cette veille de la Saint-Jean.

Est-ce qu’il n’y a pas eu de tempête ?
Aucun vent, aucune épreuve, aucune adversité ?
Nul doute que les tempêtes n’ont pas manqué !

Les tempêtes intérieures d’abord
que les uns ou les autres nous avons traversées ;
les moments de combat intérieur,
de trouble, de doute, de fatigue, de découragement
et plus encore, les moments de discorde,
de suspicion, d’infidélité…

Il y a eu aussi les tempêtes de l’esprit du monde,
les agressions de la culture contemporaine
qui sans cesse nous poussent hors de la confiance en Dieu,
loin de la douceur, de l’espérance et de la vraie paix.

Mais il y a surtout eu les tempêtes
provoquées par le démon, par les forces du mal.
Notre seul vrai adversaire est là !
Car nous ne luttons pas contre des êtres de sang et de chair,
mais contre les Dominateurs de ce monde de ténèbres,
les Principautés, les Souverainetés, les esprits du mal
qui sont dans les régions célestes (Ép 6,12).
Combien de fois le démon a tenté
de nous diviser, de nous décourager, de nous faire tomber !
Et pourtant, nous sommes encore debout ;
fatigués par la route certainement,
avec nos fragilités, nos blessures, certes,
mais bien présents et rassemblés pour la louange eucharistique.

Qu’est-ce qui nous a fait tenir ?
La grâce certes !
La miséricorde et la tendresse prévenantes et guérissantes de Dieu
sans cesse puisées dans la Parole, dans les Sacrements,
et à la fontaine sacrée du fond de chacun de nos cœurs…

Mais l’Évangile de ce jour nous invite
à une prise de conscience plus précise encore :
ce qui permet à la maison de tenir,
c’est d’être bâtie sur le roc,
et nos vies, communautés sont posées sur le roc
lorsque nous écoutons la Parole et la mettons en pratique.

Aucun d’entre nous n’est un roc
et notre communauté n’est pas un roc.
Mais lorsque personnellement et communautairement
nous faisons des choix évangéliques,
nous bâtissons sur le roc
et les tempêtes certes nous ébranlent,
mais ne nous ruinent pas.

Lorsqu’au cours de cette année,
tu as posé un geste évangélique,
alors tu as contribué à bâtir
notre communauté eucharistique sur le roc !

Tu as choisi de pardonner à un frère, une sœur
qui t’a blessé…
Tu n’as pas fait payer l’offense…
Grâce à toi, la communauté s’est bâtie sur le roc.

Tu as uni ta souffrance physique, morale, spirituelle
à la Passion du Christ…
Tu as bâti la communauté sur le roc.

Tu as pris soin des plus vulnérables,
des personnes fragiles, ennuyeuses,
blessées, désagréables, malheureuses…
Tu as bâti la communauté sur le roc.

Tu as choisi de prier, d’adorer, de célébrer
avec fidélité y compris lorsque tu n’avais de goût
ni pour la prière ni pour être ensemble…
Tu as bâti la communauté sur le roc.

Tu as lutté pour la chasteté ;
tu as combattu pour garder la pureté
du cœur, du regard et du corps…
Tu as bâti la communauté sur le roc.

Tu es tombé, tu as péché, tu t’es égaré loin de l’Évangile,
mais tu t’es repenti, tu t’es confessé
et tu as re-choisi le chemin de l’Évangile.
Tu as bâti la communauté sur le roc.

Et la litanie pourrait se poursuivre.
Elle nous mène sûrement à rendre grâce à Dieu
mais aussi à poser un regard de gratitude les uns sur les autres
car chacun de nous a contribué
à la vitalité de la communauté eucharistique que nous formons.

Chaque acte, chaque choix évangéliques que nous posons
ont une fécondité que nous ne mesurons pas.

*

Je termine en regardant l’ultime tempête
que tous nous aurons à traverser : la mort.

La tempête de la dernière heure soufflera.
La tempête de l’agonie ;
la tempête qui demandera de lâcher prise totalement ;
la tempête qui exige de tout quitter,
de tout pardonner
et surtout de se laisser gracier,
de se laisser pardonner.
Tempête de la lutte spirituelle
où l’ennemi ne veut rien lâcher de nous
et où seul le Christ nous délivre,
le Christ et sa Sainte Mère, et les anges et les saints…

Au jour de cette tempête,
ce qui fera que notre maison
ne s’écroulera pas dans les ténèbres,
ce sont aussi chacun des actes évangéliques
posés tout au long de notre vie.
C’est cette seconde nature acquise par la grâce et par l’ascèse
qui nous met sur le Roc de la Miséricorde
et nous fera renaître pour une éternité de joie.

Aujourd’hui, nous accompagnons notre frère André de notre prière,
pour qu’il se laisse gracier,
et que sa vie monastique donnée jusqu’au bout
débouche dans l’éternité.
« Être, c’est aimer », c’était la conviction profonde d’André.
Nous prions que l’Amour le saisisse en plénitude
afin qu’il vive en plénitude.
Que l’Esprit Saint à qui il a livré sa vie depuis tant d’années
accomplisse pleinement en lui son œuvre de grâce et de beauté.
Qu’il l’en-ciel !

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