FMJ Mtl5e DIMANCHE DE PÂQUES – B
Frère Antoine-Emmanuel
Ac 9, 26-31 ; Ps 21 ; 1 Jn 3, 18-24 ; Jn 15, 1-8
7 mai 2012
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

La main du Père qui nous émonde

Cette page d’Évangile se comprend en regardant
le soin qu’un vigneron prend pour sa vigne.
Un soin quasi amoureux :
il la plante, la garde, l’arrose, l’émonde…
Un soin démultiplié,
uni à une grande attente :
celle d’une récolte pleine d’abondance et de joie.

C’est cette image bien concrète
que Dieu inspire aux prophètes pour révéler
son amour pour son peuple.
Israël, le peuple de Dieu, est la vigne de Dieu,
la vigne dont Dieu ne cesse de prendre soin
et dont il attend un beau fruit d’amour.

Mais cette attente est profondément déçue
parce que ce peuple, cette vigne,
ne donne qu’un fruit mauvais.

« Pouvais-je faire pour ma vigne
plus que je n’ai fait ?
J’en attendais de beaux raisins,
pourquoi en a-t-elle produit de mauvais ? » (Is 5,4)
dit Dieu le Vigneron.

Attente profondément déçue
jusqu’au jour où une voix s’élève
et proclame au Père et au monde :
« Moi je suis la vigne véritable » (Jn 15,1).

Cette voix est celle de Jésus
au moment où il entre dans sa Passion.

Jésus s’offre, Jésus meurt,
pour donner VIE à la multitude.
Par sa mort il devient comme le cep de vigne
par qui une multitude de sarments reçoivent une vie nouvelle.
Par la mort et la résurrection de Jésus,
c’est une vigne immense couvrant la Terre
qui se met à vivre, à fleurir
et à porter un fruit tout nouveau.

Nous tous qui étions des sarments secs ou amers,
depuis Pâques une vie nouvelle nous traverse
qui fait la joie du Vigneron, c’est-à-dire du Père.

En accueillant ensemble la vie de Jésus ressuscité,
nous devenons le vignoble du Père,
nous devenons la joie du Père.

Mais tout dépend de notre attachement à Jésus.
La vérité et la fécondité de notre vie
ne se mesure pas à nos succès et nos échecs humains :
elles se mesurent à notre attachement à Jésus.

Si nous quittons Jésus et Sa Parole
n’en faisant qu’à notre tête,
le Père nous enlève de la vigne (cf. Jn 15,2).
Nous sommes comme les sarments desséchés
que l’on jette au feu.
Au feu des passions, des mondanités,
du péché, et de la mort.

Si au contraire nous demeurons en Jésus et dans Sa Parole,
la même main du Vigneron, c’est-à-dire du Père,
ne va plus nous enlever, mais nous émonder.
Elle va nous dépouiller de ce qui en nous,
consomme beaucoup d’énergie
mais ne conduit pas à l’Amour.
Émondage douloureux,
mais nécessaire pour que nous donnions le meilleur fruit.

Le Seigneur ne veut pas que nous continuions
à ne porter qu’un fruit de moyenne qualité.
Il sait que nous pouvons porter ce fruit de choix
que les prophètes appellent le soreq :
un raisin rouge vermeil excellent
qui donne le meilleur vin.
Rouge comme le sang du Crucifié.

Jésus est le premier à être émondé par la main du Père :
« Mon Dieu, mon Dieu,
pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mt 27,46)
La main du Père à la fois
se retire et soutient Jésus
pour qu’Il descende jusqu’au sommet de l’amour.
Il est pressé comme les olives de Gethsémani ;
Il meurt comme le grain de blé ;
et c’est ainsi qu’Il accède en son humanité
à la plénitude de l’Amour.

Et nous, nourris de ce Pain,
abreuvés de ce Sang,
oints de cette huile,
nous pouvons renoncer à notre posture spirituelle d’aujourd’hui
et aller plus loin dans l’amour.

La main du Père qui nous émonde
nous fait signe aujourd’hui : viens !
Viens plus près de Moi,
entre dans le plus grand amour.

Il s’agit de nous laisser brasser,
de nous désinstaller.

Ne ressemblons-nous pas aux apôtres incapables
d’accueillir la nouveauté de la conversion de Paul ?
Oui, Seigneur je crois en Toi,
mais ne me brasse pas…
Accueille le petit vin de mon amour d’aujourd’hui
et ne m’en demande pas plus !

Mais le Seigneur ne veut pas nous laisser tranquilles.
Mieux : Il ne veut pas nous laisser mourir.
Il nous émonde, Il nous réveille
et aujourd’hui nous appelle à aimer
en acte et dans la vérité (1 Jn 3,18).

Saint Jean a été très clair tout à l’heure :
ce qui compte, c’est l’amour,
l’amour bien concret.
L’amour en vérité, c’est-à-dire l’amour qui donne sa vie
comme Jésus, en Jésus.
Qu’importe si ton cœur est bruyant, troublé, inquiet…
ce qui compte c’est l’amour qui est dans ta vie, dans tes choix.

Ne nous laissons pas impressionner
par nos états d’âme et nos discours intérieurs ;
une seule chose compte : croire en Jésus
et aimer en acte et en vérité.

Si le Père nous émonde, c’est pour que notre vie se simplifie
autour de la foi en Jésus et de l’amour bien concret.

*

Ce qui glorifie le Père,
c’est que nous portions en abondance, le fruit de l’amour.
C’est bien là le sens
de ce que nous allons vivre dimanche prochain.
À quoi bon faire de grandes liturgies
si ce n’est pas pour que l’Amour grandisse
en nous et autour de nous ?

La dédicace de ce sanctuaire
n’a de sens qu’en vue de nous,
famille eucharistique qui nous retrouvons
pour prier dans ces murs.
S’il n’y avait pas de communauté eucharistique priant ici,
il n’y aurait certainement pas de dédicace.

Si l’évêque vient ici dimanche prochain,
ce n’est pas à cause des murs,
c’est à cause de nous tous.

Ce bâtiment et cet autel sont le signe, le symbole,
de ce que nous sommes.
Ils disent notre vocation à la communion, à l’adoration
et à une présence rayonnante dans la ville.

Leurs dédicace dimanche prochain
est comme un baptême de notre famille eucharistique
en vue d’un plus grand amour
et une confirmation de notre commune vocation.

Par nous, Dieu veut faire resplendir
le mystère eucharistique de son Fils Jésus.
Quelle belle mission en plein Montréal !

© FMJ – Tous droits réservés.