FMJ Mtl6e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – A
Frère Antoine-Emmanuel
Si 15, 15-20 ; Ps 118 ; 1 Co 2, 6-10 ; Mt 5, 17-37
12 février 2017
Maison de prière, Mont St-Hilaire, QC

Seigneur, que c’est exigeant !

En entendant ces paroles de Jésus, qui d’entre nous ne dira pas :
« Seigneur, que c’est exigeant !
Seigneur, que Tu es exigeant… »

Le Premier Testament condamnait le meurtre,
Toi, tu condamnes même la colère.
Le Premier Testament condamnait l’adultère,
Toi, Tu condamnes le regard de convoitise sexuelle.
Le Premier Testament condamnait le parjure,
Toi, Tu condamnes les paroles ambigües.
Quelle exigence !

Il y a deux manières de recevoir
cette exigence de Jésus.

La première, c’est de les recevoir comme une loi pénible,
une morale dure,
qu’il faut accomplir par peur du châtiment.
« Jésus, Je ne t’aime pas quand Tu me demandes autant,
mais j’ai peur d’être puni,
alors je vais mettre en pratique ces exigences
et s’il le faut, à la force du poignet ».
Cela peut mener à toutes sortes de durcissements.
Cela fabrique des gens qui partent en croisade contre le mal
et qui souvent, font plus de mal que de bien
parce qu’ils réduisent l’Évangile à un code de la route moral.

La deuxième manière de recevoir ces exigences
qui nous viennent bien de Jésus,
c’est de les recevoir comme une libération.
Regardez : Jésus ne S’adresse pas à des gens
nécessairement plongés dans le mal et le vice.
Jésus, sur la montagne, S’adresse à des gens ordinaires
comme vous et moi,
qui essayent de suivre leur conscience
et qui veulent vivre selon les commandements de Dieu.

Mais il y a un risque : celui d’une double réponse.
D’un côté, je dis oui sincèrement aux commandements :
je veux vivre chaste, pauvre, obéissant devant Dieu.
Je choisis la droiture, le respect, la solidarité, l’amitié.

Mais en même temps, je laisse se créer en moi
des espaces privés où je n’ai pas tort
de faire ce que veut ma chair.
Une sorte de zone « oui, mais… ».
Une zone où le péché est permis.
Et même où Dieu « me permet » le péché…
Une sorte de petit paradis fiscal
où j’ai bien le droit de faire ce qui me plaît.

En fait de petit « paradis », cette zone est en réalité une prison.
C’est un domaine de ma vie
où je suis en train de perdre ma liberté.
En considérant que Dieu permet ce péché,
je suis en train de m’éloigner de Dieu,
de m’éloigner de l’Amour.

C’est pour cela que le Siracide nous dit avec force :
Non… Dieu n’a commandé à personne d’être impie.
Il n’a donné à personne la permission de pécher (Sir 15,20).

Mais ..moi, je n’ai jamais tué personne,
mais j’ai bien le droit d’être en colère
et de rester en colère contre untel
parce qu’il a agi avec moi de telle ou telle manière.

Moi, je n’ai jamais trahi mon époux ou mon épouse,
mais j’ai bien le droit de désirer sexuellement cette personne :
« je ne fais de mal à personne ».

Moi, je n’ai jamais rompu une promesse faite à qui que ce soit,
mais je peux bien dire des demi-vérités
ou des demi-mensonges pour préserver mon confort.

Là, Jésus vient me chercher.
Il vient par amour, pour me libérer de ces pièges
où j’ai une belle apparence de justice
comme les pharisiens ou les scribes dont Jésus parle,
mais où je m’éloigne de l’Amour et de la Vérité.

C’est Jésus Bon Pasteur qui vient me chercher.
Il me parle, Il m’enseigne, Il m’appelle.
Si je L’entends, alors Lui va me donner la force
de quitter mon « paradis fiscal »
pour entrer dans la communion, dans l’amour, dans la joie.

Et si je ne veux pas L’écouter ?
Il est fort probable qu’Il va retirer sa grâce,
me laissant désarmé face au mal,
et que le mal va gagner sur moi.
C’est ce que la Bible appelle l’endurcissement du cœur.
Dieu « endurcit » mon cœur ;
Il permet que je tombe pour que, finalement,
je tombe dans ses bras.

L’Évangile à toutes ses pages est toujours « Évangile ».
L’Évangile, même quand il est exigeant ou très exigeant,
est Bonne Nouvelle.
Parce que Celui qui nous parle, nous parle toujours par amour.
Il est le créateur et l’amant de notre liberté.
Il est en personne la résurrection de notre liberté.

Mais Il ne nous sauve pas sans nous.
Il nous demande notre collaboration.
Il nous veut collaborateurs du Salut.
C’est pour cela qu’Il nous dit :
Tu as blessé ton frère ?
Va vite te réconcilier ton frère.
Laisse ton offrande à l’autel et va !
Tu es fragile dans la chasteté ?
Évite les situations, les lieux où tu risques de tomber.
Tu as tendance à mélanger vérité et mensonge ?
Veille sur tes paroles :
que ton oui soit oui, que ton non soit non.

Mais Seigneur, tout cela me coûte ;
tout cela me fait mourir à moi-même !
C’est là qu’il faut entendre aujourd’hui l’apôtre Paul.
Nous, chrétiens, nous vivons d’une autre sagesse
qui est en fait très loin de la « sagesse » du monde.
Nous, chrétiens, nous savons que la vraie vie,
la vraie liberté, ne peut advenir en nous
sans un dépouillement de nous-mêmes,
sans des renoncements.
Mais surtout nous savons que si nous renonçons-avec-Jésus,
si nous mourons-avec-Jésus,
nous entrons avec Jésus dans une Vie nouvelle.
Nous laissons la croix venir dans notre vie,
parce qu’elle est l’Arbre de Vie.
Nous laissons la croix, notre croix, nous dépouiller,
pour pouvoir donner la Vie autour de nous.

Si nous choisissons la charité, elle sera contagieuse.
Si nous choisissons la chasteté, elle sera contagieuse.
Si nous choisissons la vérité, elle sera contagieuse.
Parce que c’est Jésus que nous choisissons.
Ou plutôt, parce que Jésus nous a choisis
et qu’à l’exemple de Marie, notre oui est un oui.

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