VIGILES DE LA PENTECÔTE – C
Frère Antoine-Emmanuel
Jl 3, 1-5a ; Ps 103 ; Rm 8, 22-27; Jn 7, 37-39
18 mai 2013
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Le grand procès

Je voudrais vous parler ce soir d’un grand procès.
Un procès qui remonte très loin dans le temps.

L’Accusé c’est Dieu.
Le plaignant c’est l’homme,
c’est l’humanité en colère contre Dieu.
Comme saint Jean, nous allons l’appeler le « monde ».

*

Vous souvenez-vous de la première mise en demeure ?
C’était au jardin d’Éden.
Adam et Ève venaient de refuser la limite que Dieu avait posée :
ils ont pris du fruit de l’arbre de la connaissance ;
ils ont voulu décider ce qui est bien et ce qui est mal.

Alors, quand, par amitié, par affection,
Dieu vient se promener dans le jardin,
eux se cachent parce qu’ils ont peur.
Dieu ne les accuse pas, Il questionne Adam sur leur choix.
Et Adam répond : « La femme que tu as mise auprès de moi,
c’est elle qui m’a donné du fruit de l’arbre
et j’en ai mangé » (Gn 3,12).
Sous entendu : ce n’est pas moi, c’est elle.
Et elle est là par ta faute.
Donc c’est toi le coupable.

C’est là le début d’une longue accusation,
dont les prophètes ont payé la note.
Il suffit de penser au rejet de Jérémie.

Dieu est accusé de tous le maux.
Accusé de nous avoir créés ;
accusé d’avoir permis le mal ;
accusé d’être l’auteur du mal ;
accusé d’être indifférent ou d’être omniprésent ;
accusé de ne pas intervenir ou de trop intervenir…

Le drame de ce procès, c’est qu’il défigure l’humanité.
En accusant Celui qui est Amour,
le monde se coupe de l’Amour.
Il scie la branche sur laquelle il était assis
ou plutôt, il met des menottes aux mains
qui pouvaient le consoler, le recréer, le caresser.

*

Aussi Dieu, dans sa grande tendresse,
voit que le monde a besoin d’entendre un témoin.
Un témoin qui ait vu Dieu, qui ait entendu Dieu,
et qui dise donc la vérité.

Qui est le témoin de Dieu… aucun humain ne l’est par nature,
parce que personne n’a jamais vu Dieu (Jn 1,18).
Seul Dieu peut être témoin de Dieu.
Aussi Dieu se fait-Il chair,
pour parler de Dieu,
pour montrer Dieu,
pour faire connaître son Amour.

L’Apocalypse parle de Jésus comme le témoin fidèle (Ap 1,5).
Jésus dans sa vie radicalement orientée
à l’amour, à l’abaissement, au service… dit Dieu.
Jésus dans sa Passion et dans sa Résurrection
nous a dit tout de Dieu.
Tout ce qui pouvait nous être dit de Dieu,
Jésus l’a dit dans son mystère pascal.
Sur la grande scène de l’histoire,
il y a désormais ce témoignage insurpassable.

Le Procès continue dans l’histoire
mais il y a désormais un témoignage formidable.
Et quiconque a le courage et la grâce d’écouter ce témoignage
désarme, cesse d’accuser Dieu, et se jette dans ses bras.

Le Procès continue, et en ce XXIe siècle,
il est virulent, très virulent.
Une sentence a même été posée :
« Dieu » est désormais interdit de la vie publique en occident.
« Dieu » est dangereux,
Il met en danger nos choix de société,
Il menace notre toute puissance sur l’humanité,
sur l’environnement,
alors Il Lui a été enjoint
de ne jamais être présent dans l’espace public.

Dans notre temps, Dieu a été convoqué à la cour.
Et le risque ce n’est pas la condamnation de Dieu,
car Dieu a déjà pris sur Lui toute la condamnation des hommes.
Le risque, c’est que, ce faisant, les humains se condamnent
à la tristesse, à la stérilité, à la mort.

Vous comprenez qu’il est urgent que des témoins
se présentent à la cour et disent les vraies choses.
Cette urgence, Dieu ne l’ignore pas
et pour que les humains ne se condamnent pas
Dieu a choisi des témoins
pour faire ré-entendre le témoignage de Jésus …
et les témoins c’est… NOUS !

Dieu nous a choisis pour aller à la cour.
Dieu nous a choisis pour être témoins.
Pour dire la vérité, la vérité de l’amour de Dieu.
Pour la dire pas d’abord par des discours,
mais par notre vie.
C’est-à-dire par une vie orientée à l’amour et à l’abaissement ;
une vie qui se donne, unie à Jésus qui Se donne ;
qui Se donne pleinement,
qui Se donne au point d’en mourir
et… ressuscite, reprend vie.

Les témoins de Dieu ce sont ceux qui au quotidien
aiment et pardonnent jusqu’à en mourir,
et à la surprise de tous – et d’eux-mêmes -,
continuent à vivre et même ont plus de vigueur dans l’amour.

Le monde se fatigue et se lasse
mais ceux qui espèrent le Seigneur renouvellent leur force.
Ils leur viennent des ailes comme aux aigles.
Ils aiment sans se lasser.
Ils pardonnent sans se lasser.
Et leur vie a un parfum de bonheur et de joie. (cf. Is 40, 30-31)

*

Dieu nous a choisis comme ses témoins.
Et parce que c’est totalement au-dessus de nos forces,
il envoie son Esprit Saint
qui vient témoigner en nous.
L’Esprit qui nous parle de Jésus
qui nous unit à Jésus,
qui nous rend capables de témoigner comme Jésus.

C’est cela la Pentecôte !
Relisez le chapitre 2 des Actes des Apôtres.
Sur les apôtres et les disciples vient un souffle d’en haut
et viennent d’en haut des langues de feu.
Ça ce sont les signes explicatifs.
Et la réalité de la Pentecôte c’est que ces langues de feu
rendent les apôtres capables de témoigner.
Ils sont rendus capables de rejoindre tous les humains
dans leurs langues et leurs cultures,
et ils leur témoignent des merveilles de Dieu.
Ils témoignent de la Résurrection.

Ils en témoignent en parole le jour de Pentecôte,
puis ils en témoignent par leur vie
tout au long de leur existence.

L’Esprit Saint, frères et sœurs
vient sur nous en cette fête exactement comme Il est venu
à la première Pentecôte à Jérusalem.
Le Souffle d’en-haut vient sur nous.
Des langues de feu se posent sur nous.
C’est invisible, mais c’est plus réel que le visible.
Nous sommes faits « témoins », consacrés « témoins ».
L’Esprit Saint nous rend capables d’aller à la cour,
qui est la vie quotidienne dans la ville,
et de rendre témoignage à l’Amour de Dieu.

Nous sommes envoyés dans nos milieux
pour rendre témoignage à l’amour qui ressuscite.

Nous pouvons aimer.
Nous pouvons aimer jusqu’à nous perdre.
C’est là que nous ressuscitons,
c’est alors que nous devenons témoins !

Viens Esprit Saint,
libère-nous de la peur d’aimer
Conduis-nous dans la joie d’aimer,
pour que le monde voie et entende le témoignage
que le Père nous demande, personnellement, à chacun de nous.

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