FMJ MtlMercredi, 1ère Semaine de Carême – A
Frère Antoine-Emmanuel
Jon 3, 1-10 ; Ps 50 ; Lc 11, 29-32
16 mars 2011
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

« Écoute, ô mon fils… »

Le Livre de Jonas est une parabole extraordinaire.
Imaginez une ville de l’antiquité
grande comme trois fois Montréal
où arrive un étranger, fidèle du Dieu Yahvé
qui se met à crier que la ville sera détruite d’ici quarante jours.

Et ce livre-parabole nous dit
que Jonas avait à peine marché une journée,
proclamant son message,
que déjà les habitants de Ninive croyaient en Dieu (cf. Jon 3,4).

Il y a là une provocation impressionnante.
De génération en génération le peuple d’Israël
se montre hésitant et inconstant dans la foi…
alors que cette ville païenne d’emblée écoute le prophète,
croit en Dieu,
et s’engage sur une route de conversion.

En d’autres termes, les fidèles en Israël se sont habitués à la Parole,
et ne l’écoutent plus.
La Parole de Dieu a pour eux le même effet
que les twitts du métro :
on voit, on lit, on y réfléchit à peine et l’on passe à autre chose.

Le livre-parabole de Jonas est un appel cinglant à l’écoute,
un appel à dépoussiérer en nos cœurs le « shema Israël »,
« Écoute Israël… » (Dt 6,4).

Or Jésus fait sien ce livre.
Dans quel contexte ?
L’opposition à Jésus et à sa parole montait
et se traduisait de deux manières :
ou bien l’on dit que les signes accomplis par Jésus
sont l’œuvre de Béelzéboul (cf. Lc 11,15),
ou bien l’on considère comme inexistants les signes accomplis
et l’on réclame à Jésus un signe venu du ciel (cf. Lc 11,16).
Face à cette deuxième réaction, Jésus est clair :
aucun signe ne sera donné à cette génération.
Aucun signe sinon celui de Jonas, (cf. Lc 11,29)
c’est-à-dire la conversion d’une multitude de païens :
« Vous, scribes et pharisiens,
vous, hommes religieux, scrupuleux dans les observances
et spécialistes de la Loi,
vous ne savez plus écouter.
Vous verrez les païens, les sans-Dieu, les incroyants
croire, se convertir et devenir le peuple nouveau,
vivant de la Nouvelle Alliance. »

Jésus en évoquant Jonas risque gros.
Avoir évoqué la veuve de Sarepta et le lépreux Naaman
a failli lui coûter la vie (cf. Lc 4,26-27)
Mais Jésus ne veut pas laisser son peuple,
le peuple d’Israël,
dans la noirceur de sa surdité.
Et il va jusqu’à donner en exemple une reine étrangère,
la reine de Saba,
qui a fait des milliers de kilomètres pour quoi ?
Pour aller « écouter »,
écouter la sagesse de Salomon (Lc 11,31).

*

Et nous, frères et sœurs,
est-ce que nous écoutons la Parole?
Et écouter Dieu en langage biblique veut dire obéir…

Quelle sera notre joie si au jour du jugement,
le Seigneur pourra nous dire :
« mon enfant, sois béni, toi qui m’as écouté. »

Pour trouver ou retrouver le chemin de l’écoute,
voici quelques lignes de dom Bernard,
moine bénédictin de Saint-Benoît-sur-Loire :

Il ne faut pas penser qu’il soit facile d’écouter
et qu’il suffise d’ouvrir les oreilles.
Toute la vie du moine
sera une « école du service du Seigneur »
pour apprendre à être disciple et serviteur de l’Évangile.
Spontanément notre écoute reste distraite ou sélective.
Nous écoutons ce que nous voulons bien entendre.
Le plus souvent nous sommes esclaves de nos désirs.
Aussi toute une ascèse est nécessaire pour purifier notre cœur.
Car, devenus disciples, nous devons apprendre à écouter
de tout notre cœur et de tout notre être,
à accepter de comprendre tout ce qui nous est dit,
à vaincre toutes nos résistances et nos peurs,
à aimer ce qui nous est demandé.

Comment prétendre être disciple du Seigneur
si nous choisissons dans la Parole ce qui nous plaît,
si nous n’avons pas appris à écouter de tout notre être,
à vouloir de tout notre cœur, de tout notre élan vital,
la volonté de Dieu qui, le plus souvent,
se présente sous la forme de l’épreuve et de la croix
et parfois s’avère même impossible à la nature ?
Comment obéir à la parole :
« Aimez vos ennemis ».
Et encore : « Soyez parfaits comme le Père céleste est parfait »,
ou « aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés »…
si nous n’avons pas appris à nous laisser imprégner
par la douce puissance d’amour de cette Parole
jusqu’à la laisser agir en nous ?

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