FMJ MtlJeudi, 2e Semaine de Carême – A
Frère Antoine-Emmanuel
Jr 17, 5-10 ; Ps 1 ; Lc 16, 19-31
24 mars 2011
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Une échographie en trois questions

La liturgie de ce jour s’ouvre avec une demande
que l’on pourrait adresser à un médecin :
Scrute-moi, mon Dieu, et tu connaîtras mon cœur.
Une demande d’échographie et d’un diagnostic précis :
Vois si le mal ne fait pas en moi son chemin (Ps 138, 23-24).

C’est une prière pleine d’humilité, c’est-à-dire de vérité.
Seigneur, je voudrais bien savoir
par où le mal fait son chemin en moi.
Et pour cela, j’ai besoin de ta lumière
car nous avons tendance à grossir
ce qui n’est pas vraiment péché mais qui nous humilie,
et à être aveugle pour ce qui est véritablement péché
qui se niche en nous et fraye son chemin avec notre complicité.

Cette prière, si nous la faisons nôtre,
ne tarde pas à être exaucée.
Parce que les textes de ce jour
nous fournissent une échographie déjà très précise.

À bien lire et accueillir la Parole de ce jour,
trois questions ressortent et il nous suffira ce soir
de les poser et de les laisser nous sonder.

*

La première nous vient du prophète Jérémie
qui nous interroge sur la confiance.
Dans notre vie, dans nos démarches, dans nos choix,
dans ce que nous faisons au jour le jour,
sur qui nous reposons-nous ?
Où est notre point d’appui ?
Est-il en Dieu…
ou bien est-il en une ou plusieurs personnes
à commencer par nous-mêmes ?

Pour nous aider à répondre,
nous pouvons-nous demander :
quand ça va mal, à qui nous agrippons-nous ?
Ou encore :
quelle est celui ou celle dont nous pouvons dire :
« un seul être me manque » …et tout en moi vacille ?

Si notre confiance de fond repose dans l’humain,
nous ressemblons au buisson du désert :
le mal fait son chemin en nous laissant nous dessécher.
Si elle repose en Dieu,
nous ressemblons à l’arbre au bord des eaux…

*

La deuxième question nous vient du psalmiste.
Elle est très ordinaire : avec qui parlons-nous ?
Et surtout, de quoi parlons-nous ?
Est-ce que nous nous asseyons
au banc des moqueurs (Ps 1,1),
au banc de ceux qui murmurent, qui médisent,
qui jasent des autres et qui les jugent ?
Nos paroles – et nos pensées même –
construisent-elles vraiment la communauté ?
Que faisons-nous de ce petit instrument qu’est la langue
qui sert au meilleur ou au pire ?

Si nous acceptons les conversations mauvaises,
nous sommes, dit le psaume,
comme la paille balayée par le vent,
c’est-à-dire : ce qui au jour du jugement
ne peut pas entrer dans le grenier de l’Amour.

*

La troisième question nous vient de l’Évangile,
une question très simple elle aussi :
est-ce que la Parole nous atteint ?
Dans quelle mesure ressemblons-nous aux six frères de la Parabole
dont aucun, aucun, ne s’est laissé interpeller
par la voix des Prophètes qui ne cesse pourtant de retentir
et qui ne seraient même pas rejoints
si un Ressuscité se manifestait à eux ?

Question brûlante et quotidienne que celle-là ?
Que devient la Parole dans notre vie ?
Une manière très sûre de ne pas échapper à cette question
et de lui répondre en vérité,
c’est de nous demander :
Qu’est-ce que nous faisons du Lazare ou des Lazares
qui se tiennent près de nous ?
Si la Parole de Dieu nous atteint,
Lazare ne sera plus un étranger, mais un ami
et notre joie sera de prendre soin de lui.
Si la Parole ne nous atteint pas,
nous ne serons peut-être pas même capables
de nous rendre compte que Lazare est là tout près de nous,
car tous, nous avons un Lazare
ou des Lazares tout proches de nous.

*

Trois questions, donc, très simples pour démasquer le chemin
que le mal se fraye en nous.
En qui repose ma confiance de fond ?
De quoi je parle ?
Que fait la Parole en moi ?
Mon cœur est-il ouvert à Lazare ?

Trois questions qu’il nous faut aussi
avoir le courage de nous poser ensemble ?
Ma communauté ou la part de société
en laquelle je vis et je suis engagé,
sur quoi repose-t-elle effectivement ?
De quoi parle-t-elle quand on se rencontre ?
Quelle place la Parole de Dieu a-t-elle ?
Et Lazare ?

*

Laissons-nous interpeller ce soir et ces prochains jours
avec une certitude qui nous évitera
de tomber dans l’accablement ou le remords :
avec Dieu les buissons du désert
peuvent devenir de grands arbres auprès des eaux.
Il suffit de le lui demander
avec une foi qui engage tout notre être.

© FMJ – Tous droits réservés.