FMJ MtlMercredi, 7e Semaine du Temps ordinaire – A
Frère Antoine-Emmanuel
Si 4, 11-19 ; Ps 118; Mc 9, 38-40
23 février 2011
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Ne laisse rien filer de la foi

Voilà une page d’Évangile qui n’est pas des plus faciles :
« Qui n’est pas contre nous est pour nous » (Mc 9,40).

D’autant plus que vient à notre esprit une autre parole de Jésus
qui lui est bien proche :
« Qui n’est pas avec moi et contre moi » (Lc 11,23).

Distinguons bien ces deux paroles et leur contexte :

Dans l’Évangile d’aujourd’hui,
Saint Marc nous parle d’un homme
qui fait du bien au nom de Jésus,
sans pour autant appartenir à la communauté.

Dans ce contexte, Jésus affirme devant Jean et les autres disciples :
« Qui n’est pas contre nous est pour nous ».
Luc donne une version légèrement différente :
Qui n’est pas contre vous est pour vous » (Lc 9,50).
En d’autres termes : « Qui n’est pas en opposition
à la communauté est en faveur de la communauté ».
Quiconque croit au Nom de Jésus,
même s’il n’est pas de ta communauté,
est en faveur de ta communauté ;
il partage avec toi l’essentiel.

L’autre parole évangélique nous est rapportée par Matthieu et Luc :
« Qui n’est pas avec moi est contre moi.
Qui ne rassemble pas avec moi disperse » (Lc 11,23).
Le contexte est ici complètement différent :
les pharisiens viennent de proclamer que c’est par Béelzéboul
que Jésus expulse les démons (cf. v. 15 ; Mt 12,24).
Il y a donc une opposition claire à Jésus,
une mise en doute radicale de son ministère.

C’est dans ce contexte que Jésus dit à ses disciples :
Qui n’est pas avec moi est contre moi,
c’est-à-dire qui refuse mon œuvre de Salut
est en opposition avec moi.
Qui ne se met pas avec moi
au service de la réconciliation de l’humanité
dans le Cœur du Père
est en train de disperser l’humanité,
de la briser, de la détruire.

*

Les deux paroles de Jésus s’éclairent l’une l’autre
quand elles sont mises ensemble :
nous voyons bien qu’il y a deux niveaux :
un niveau de radicalité, d’exigence incontournable,
qui est celui de notre foi en Jésus Sauveur ;
et un niveau où Jésus appelle à l’ouverture,
à la souplesse intérieure,
qui est celui de l’appartenance à la communauté.

Dans un numéro récent de la Croix,
le portrait – magnifique – du Cardinal Robert Sarah
originaire de Guinée, comprend ces mots :
« Il y a du Ratzinger dans cet africain :
humilité dans la forme et fermeté dans le fond de la foi ».
Le journaliste parle de cet évêque
comme un homme qui se fait
l’apôtre du dialogue et de la réconciliation
mais sans rien « laisser filer, (comme il dit), de la foi ».

Voilà une belle illustration de ce à quoi Jésus nous appelle :
fermeté dans la foi, humilité, dialogue
et réconciliation dans les relations humaines.

Il nous faut être et rester fermes quand il s’agit de la foi :
« il n’y a pas d’autre nom (que le nom de Jésus)
par lequel nous puissions être sauvés » (Ac 4,12).
« Que votre oui soit oui ; que votre non soit non » (Mt 5,37).

Et il nous faut être ouverts et humbles
quand il s’agit des personnes et des communautés.

Cela veut dire en particulier
de nous souvenir que personne n’a le monopole du Nom de Jésus ;
il n’y a pas de copyright quand il s’agit du Nom de Jésus !

C’est la vieille histoire – qui est très actuelle –
d’Eldad et de Médad.
Comme ils sont précieux ces deux vieux juifs
qui n’étaient pas auprès de la Tente
quand l’Esprit Saint est tombé sur les soixante-dix anciens !

Ils n’étaient pas au rendez-vous,
mais Dieu était au rendez-vous !
« L’Esprit reposa sur eux (…)
Ils se mirent à prophétiser dans le camp » (Nb 11,26).

À cette effervescence mystique imprévue,
Josué et Moïse réagissent très différemment :
le jeune Josué s’offusque et dit à Moïse :
« Moïse, Monseigneur, empêche-les ! » (v. 28)
Le vieux et sage Moïse lui répond non sans humour :
« Serais-tu jaloux pour moi ? »
Et il ajoute cette parole extraordinaire d’humilité et d’ouverture :
« Ah ! Puisse tout le peuple de Yahvé être prophète,
Yahvé leur donnant son Esprit ! » (v. 29)

Le Seigneur aime susciter des « mystiques sauvages »
qui brisent nos schémas et nos catégories !
Les Eldad et les Médad de tous les temps sont bien précieux.
Cela nous garde de nous croire propriétaire,
de la marque déposée « Jésus-Christ » !

Non !
L’Esprit souffle où il veut (cf. Jn 3,8).
Il nous faut avoir la liberté de Paul
qui était bien conscient que certains annonçaient le Christ
en esprit de rivalité (Ph1,15)
et qui déclare clairement :
« Après tout, d’une manière comme de l’autre,
hypocrite ou sincère, le Christ est annoncé et je m’en réjouis.
Je persisterai même à m’en réjouir » (Ph 1,18).

Les Eldad et les Médad d’aujourd’hui
sont peut-être plus saints que nous !
Qui sait ?
En tout cas, ne les empêchez pas nous dit Jésus,
« car il n’est personne qui fasse en miracle en mon nom
et puisse vite mal parler de moi » (Mc 9,39).

*

Frères et sœurs, le Seigneur déverse son Esprit
sur nos frères évangéliques ?
Qu’il en soit béni !
Le Seigneur embrase le cœur de juifs pour Jésus ?
Qu’il en soit loué !
Le Seigneur vient envahir le cœur de non baptisés
qui se mettent à prophétiser ?
Qu’il en soit béni !

Aussi, face à toute proclamation fervente du nom de Jésus,
que nos cœurs soient en joie !
À toute hostilité ou mépris de la Seigneurie de Jésus,
ne donnons pas un pouce de notre confiance.
Et face à ce qui est mélangé, ce qui est douteux
comme certaines pratiques du yoga,
ayons beaucoup de prudence et de discernement.

Il ne nous faut rien « laisser filer » quand il s’agit de la foi en Jésus
unique Seigneur, unique Sauveur,
par qui le Salut est offert à toute l’humanité.

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