FMJ MtlMardi, 9e Semaine du Temps ordinaire – C
Frère Antoine-Emmanuel
2 Pi 3, 12-15.17-18 ; Ps 89 ; Mc 12, 13-17
1 juin 2010
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Pharisiens et hérodiens

Il y avait là des pharisiens et des hérodiens.

Des pharisiens : des hommes zélés pour Dieu,
des hommes qui se « séparaient » des autres
– c’est le sens du mot pharisien –
pour être pleinement fidèles à Dieu et à sa Loi.
Leur passion était de rendre à Dieu ce qui est à Dieu.
Leur refus des compromissions avec le pouvoir politique
leur valut d’être souvent persécutés.

Des hérodiens : des juifs, eux aussi,
attachés eux aussi à la Loi et plus encore au culte,
mais qui estimaient que l’attachement
au pouvoir politique de la famille d’Hérode
était vital pour Israël.
N’est-ce pas grâce à Hérode-le-Grand
qu’Israël avait son temple qui faisait sa gloire ?
Pour subsister, Israël, pensaient-ils, doit s’allier avec César
comme Hérode et ses fils ont su le faire.
Il faut rendre à César ce qui est à César.

*

Pharisiens et hérodiens sont là, ensemble, devant Jésus.
Ils représentent deux visées différentes.
Pour les pharisiens, Israël subsistera en se séparant ;
pour les hérodiens, Israël subsistera en se liant à César.
Et Jésus est donné de choisir !

Or Jésus ne choisit pas l’une ou l’autre de ces voies :
Il demande à voir un denier et interroge ses auditeurs :
« De qui est l’effigie que voici ?
Et l’inscription ? » (Mc 12, 16)
« De César » répondent-ils.
Plus précisément, elle est de César divinisé,
de Tibère Auguste honoré comme un dieu.

« Rendez à César ce qui est à César
et à Dieu ce qui est à Dieu » leur dit alors Jésus, (Mc 12, 17)
et il s’agit là d’abord d’un appel à la justice :
ne volez pas César au nom de Dieu.
Ne vous servez pas de Dieu pour échapper
à ce qui est juste vis-à-vis de l’autorité politique.

Et ne volez pas Dieu au nom de César.
Ne donnez pas à César le culte qui revient à Dieu seul.

*

L’appel de Jésus est d’abord un appel à la justice.
Il comporte aussi comme un coup de glaive tranchant :
Jésus distingue clairement le pouvoir politique de l’autorité divine.
Cette distinction que l’occident et l’orient chrétiens
ont mis vingt siècles à faire passer dans la vie.

*

Mais, l’appel de Jésus est un appel
qui laisse les pharisiens et les hérodiens extrêmement surpris.
Surpris à cause du « et » !
Rendez à César ce qui est à César
« et » à Dieu ce qui est à Dieu.

Ce qui les opposait, ce qui leur semblait entièrement opposé,
Jésus le rassemble, Jésus le réunit.
Selon Jésus de Nazareth, on peut à la fois
rendre à Dieu ce qui est à Dieu
« et rendre à César ce qui est à César ».

Les Pharisiens portaient dans leurs convictions
quelque chose de juste.
Les hérodiens portaient aussi dans leurs convictions
quelque chose de juste.

Mais, ce qu’ils ignoraient,
c’est qu’ils avaient besoin les uns des autres
pour accomplir la volonté de Dieu,
et ce n’est qu’en s’approchant de Jésus
qu’ils découvrent cela.

S’ils étaient restés auprès de Jésus,
s’ils étaient devenus ses disciples
ils auraient vécu la joie extraordinaire de la communion
où chacun apporte et offre ce qu’il est,
où chacun reçoit et accueille ce que l’autre est.

La différence n’est plus une opposition ou une menace,
elle devient une richesse,
un enrichissement mutuel.
En m’approchant de Jésus, le courage m’est donné
pour renoncer à ma prétention de posséder toute la vérité,
pour renoncer à être autosuffisant.

Dans le Corps du Christ, j’offre ce que je suis,
et ce que je suis est infiniment précieux ;
et j’accueille ce que l’autre est,
et ce qu’il est, est infiniment précieux.

Aucun n’est autosuffisant.
En Christ l’on vit d’un échange,
d’une mise en commun de ce que nous avons
et surtout de ce que nous sommes.

*

Frères et sœurs aussi bien les pharisiens que les hérodiens
ne sont pas restés auprès de Jésus ;
ils l’ont exclu et mis à mort.
Et ce faisant ils se sont exclus de la grâce de communion
que Jésus ne cesse d’offrir à l’Église.

La beauté de l’Église c’est sa diversité ;
il y a de la place pour tant et tant de cultures, de sensibilités,
mais ce n’est qu’en Jésus que tout ensemble fait corps.

S’il nous arrive de nous opposer le uns aux autres,
n’est-pas souvent parce que nous nous sommes séparés de Jésus ?

Là où la foi est vive,
là où Jésus est vraiment aimé,
les différences ne nous opposent pas,
elles nous unissent !

Approche-toi de Jésus
et ton regard sur ton frère va changer…
Tu ne te sentiras plus menacé par sa différence,
tu te sentiras riche de sa différence !

Seigneur Jésus, nous te bénissons parce qu’en toi,
en ton corps,
se vit la communion
pour laquelle nous avons été créés !

© FMJ – Tous droits réservés.