FMJ Mtl16e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – C
Frère Thomas
Gn 18, 1-10 ; Ps 14 ; Col 1, 24-28 ; Lc 10, 38-42
21 juillet 2013
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

 

Recevoir notre être de Jésus

Que cherche Marthe ?
Elle cherche certes à bien accueillir Jésus dans sa maison,
à bien le servir.
Pour cela, elle voudrait que sa sœur Marie l’aide,
et elle se fâche même contre Jésus
qui, selon elle, l’accapare.
Mais voilà que Jésus donne raison à Marie
et non à Marthe.
En fait Marthe cherche à être une bonne servante de Jésus…
mais sans Jésus.

Voulons-nous être par nous-mêmes,
sans recevoir notre être de Dieu ?

Que cherche Marie ?
Elle cherche simplement à écouter Jésus.
Elle cherche à être enseignée par Lui,
à être servie par Lui.

Voulons-nous nous recevoir de Dieu ?
Savons-nous nous recevoir de Dieu ?

Abraham, lui, sert Dieu,
mais afin de L’écouter, de tout recevoir de Lui.
Paul annonce le Mystère du Christ,
mais après avoir été saisi tout entier par le Christ.
L’un et l’autre reçoivent leur être entièrement de Dieu.

Quelle devait être la joie de Marthe
de recevoir Jésus dans sa maison !
Cet homme de bien,
d’une grande simplicité.
Cet homme de Dieu aussi.
Nous savons aussi qu’il y avait une belle amitié
entre Jésus, Marthe, Marie sa sœur et Lazare son frère.

Mais Marthe avait sa conception
de son rôle de maîtresse de maison.
Servir Jésus, oui ;
mais me laisser enseigner par Lui, non !

Grande peut être ainsi notre tentation de faire le bien,
de faire des choses pour Dieu même,
mais sans Dieu.
Nous pouvons alors aspirer à être une personne charitable,
une personne avec des compétences,
une personne priante,
une personne sainte même…
mais sans Dieu.
Ou plutôt Dieu n’est plus alors un sujet
qui nous fait être ce que nous sommes,
mais Il devient un objet au service de nos aspirations.

Dieu reste cependant notre créateur,
c’est toujours de Lui
que nous tenons la vie, le mouvement et l’être
– comme le disaient déjà les anciens philosophes grecs.
Mais nous pouvons l’oublier,
et surtout faire comme si soudain
nous nous suffisions à nous-mêmes.
« Pour les êtres humains, l’existence précède l’essence »
– disait le philosophe Jean-Paul Sartre.
Ainsi, par les choix que je fais de mes actions,
de mon mode de vie,
par l’existence que je choisis…
je pourrais déterminer ce que je suis.

Nous voyons aujourd’hui jusqu’où peut mener
une telle conception philosophique
où l’être humain s’arroge le droit de se reconstruire
selon ses envies les plus folles.

Ainsi Jésus réprimande Marthe
– qui Dieu merci n’en est pas encore là –
mais qui ne veut pas encore recevoir de Lui
son être de maîtresse de maison.
Ainsi Jésus nous réprimande
si nous nous fabriquons notre être par nous-mêmes.

Marie, elle, profite de la présence de Jésus dans la maison,
pour écouter sa parole, d’une manière toute personnalisée.
Jésus, certes, faisait beaucoup de guérisons, de miracles
– cela faisait sa célébrité –
mais sa Parole faisait autorité :
nul n’avait jamais parlé comme cet homme.
Marie veut se laisser enseigner, façonner par la Parole de Jésus.
Sans doute l’a-t-elle interrogé sur un point
dès que sa sœur Marthe l’a fait entrer dans la maison.

Mais la Parole de Jésus, qui est la Parole de Dieu,
n’est pas une parole ordinaire.
Les autres paroles sont en décalage
avec la réalité qu’elles expriment.
Mais quand Dieu parle, cela est.
Il commande et cela existe.
Plus encore : la Parole de Dieu est Dieu –
ainsi que nous le dit l’Évangile selon Saint Jean.
Si nous la recevons en vérité,
alors elle nous façonne,
elle nous refaçonne,
elle nous recrée.
Si nous recevons la Parole de Dieu,
nous recevons alors notre être de Dieu.

Cela, Marthe ne l’avait pas encore compris,
elle qui voulait que sa sœur Marie
soit une servante de Jésus comme elle.

Cela, Marthe ne l’avait pas compris,
elle qui voulait utiliser la parole de Jésus
pour faire que Marie soit comme elle.

Comment donc la Parole de Dieu
pourra-t-elle se frayer un chemin jusqu’à nous ?
Même si je l’écoute proclamée,
même si je la lis,
même si je la médite ou la prie…
me laisserai-je façonner, recréer par elle ?
Laisserai-je la Parole de Dieu me donner mon être ?
Laisserai-je la Parole de Dieu exercer sur moi sa seigneurie ?

Que cherche Abraham lorsque le Seigneur
lui rend visite sous la forme de trois hommes,
aux chênes de Mambré ?
Il cherche à bien l’accueillir,
avec toutes les attentions de l’hospitalité du désert.
Mais il s’en remet au bon vouloir de son hôte.
Il court à leur rencontre, se prosterne devant eux
et les presse de s’arrêter auprès de lui.

Lorsque ses visiteurs acquiescent,
Abraham demande à Sarah,
ainsi qu’à l’un de ses serviteurs,
de leur préparer un bon repas.
Et pendant qu’ils mangent,
Abraham se tient debout auprès d’eux.
Quelle différence entre Abraham et Marthe ?
L’un et l’autre pourtant s’empressent à bien servir leurs hôtes.
C’est qu’Abraham est à l’écoute de Dieu qu’Il reçoit.
C’est en écoutant Dieu
qu’Abraham est parti de la terre de ses ancêtres.
C’est afin d’écouter Dieu
lui promettre la naissance d’un fils en sa vieillesse
qu’Abraham Le sert.

Un jour, au moment de la résurrection de son frère Lazare,
Marthe sera cependant davantage à l’écoute de Jésus.

Que cherche Paul en étant ministre de l’Église ?
Il cherche à annoncer le mystère du Christ
par lequel il a lui-même été saisi.
Et c’est à travers les souffrances
qu’il supporte pour les croyants
que Paul accomplit cela.

Abraham et Paul, chacun à sa manière,
reçoivent leur être de Dieu.
L’un pour être le père des croyants,
et l’autre pour être l’apôtre des païens.
De la même façon,
Dieu a pour chacun d’entre nous un plan d’amour.
Si nous nous laissons à Sa Parole, Lui façonne notre être.
Nous devenons durablement ce que nous sommes ;
ses enfants bien-aimés, dans la dignité et la liberté véritable.

Nul besoin donc de nous inquiéter
ni de nous agiter pour nous construire une identité.
Le Christ, en Sa Parole, est notre meilleure part.
Lui, qui nous a façonnés,
nous fait véritablement devenir et être.

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