FMJ Mtl26e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – C
Frère Thomas
Am 6, 1.4-7 ; Ps 145 ; 1 Tm 6, 11-16 ; Lc 16, 19-31
29 septembre 2013
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Pour l’ouverture à l’Amour qui vient de Dieu

Il  y a un chapiteau sculpté,
dans la nef romane de la basilique de Vézelay, en France,
qui illustre bien l’Évangile que nous venons d’entendre.
Nous y voyons Lazare qui meurt pauvrement,
seul et couché par terre,
mais dont l’âme est enveloppée dans une mandorle de gloire
et emportée par les anges.
Nous y voyons aussi le riche qui meurt dans son lit,
entouré, mais deux démons
se disputent sauvagement son âme.

Ce n’est pas la misère de Lazare qui est récompensée,
mais son humilité.
De même ce n’est pas la richesse du riche qui est châtiée
mais son orgueil.
Ainsi cet Évangile est un appel pressant
à l’humilité qui ouvre nos cœurs aux autres.

Apparemment le riche connaît la Loi de Moïse,
qui pourtant commande de venir en aide
à ceux qui sont dans le besoin.
Se pourrait-il qu’ayant connu l’amour de Dieu,
nous négligions d’aimer à notre tour ?

Le caractère définitif de la séparation du riche d’avec Dieu
ne doit pas nous faire peur,
mais nous faire mesurer le sérieux
de la portée des choix de vie que nous faisons :
que faisons-nous de la liberté qui est la nôtre ?

Lazare, qui était couché devant le portail du riche,
couvert de plaies, ne demandait pas grand-chose.
Il aurait simplement voulu se rassasier
de ce qui tombait de la table des festins somptueux du riche.
Il attendait un regard compatissant,
une simple attention d’un être humain
de cette maison d’opulence auprès de laquelle il se tenait.
Mais il ne recevait la visite que de chiens
qui venaient lécher ses plaies.
On ne le voyait pas.
Ou plutôt on ne voulait pas le voir.
Peut-être que le riche se disait
que ce n’était qu’un paresseux, un profiteur, un parasite.

Mais voilà qu’au séjour des morts la situation est inversée.
C’est le riche qui aurait bien voulu que Lazare
trempe le bout de son doigt pour lui rafraîchir la langue.
Seulement çà !
Est-ce la richesse qui a produit cela ?
Non, car Abraham aussi était riche,
mais il pratiquait l’hospitalité ;
Job était riche, mais il était juste ;
Tobie était riche, mais il faisait l’aumône.
C’est son orgueil,
c’est la fermeture de son cœur qui l’ont rendu aussi dur.

Le riche était contrarié
de ce qu’un pauvre mendie ainsi à sa porte.
Il avait pourtant les moyens pour en prendre soin,
afin de l’aider à s’installer en un endroit plus adéquat et plus digne.
« Malheur à ceux qui vivent bien tranquilles dans Jérusalem
– disait le Seigneur par le prophète Amos –
ils mangent les meilleurs agneaux du troupeau (…)
mais ils ne se tourmentent guère du désastre d’Israël » (Am 6,4).
Ce n’est pas un péché que de faire la fête à l’occasion !
Mais quel sens cela peut avoir
si cela nous ferme les yeux
sur les malheurs de nos contemporains.
C’est un fait qu’une telle fermeture
finit toujours par retomber
sur ceux qui se laissent prendre par elle.

Lazare, de son côté, pouvait se révolter,
il pouvait maudire le riche et sa maison
qui n’avaient pas un regard pour lui.
C’est son humilité, c’est son ouverture,
qui lui permettaient d’entrer, après sa mort,
dans la gloire du Seigneur.

Le riche, en proie aux tourments du séjour des morts,
demande alors à Abraham d’envoyer Lazare pour avertir ses frères.
Nous apprenons alors qu’ils ont la Loi de Moïse et les prophètes…
tout comme lui l’avait de son vivant.
« Tu dois ouvrir ta maison à ton frère
– dit le livre du Deutéronome –
à celui qui est humilié et pauvre dans ton pays » (Dt 15).
s’ils ne veulent pas mettre la loi de Moïse en pratique,
même une résurrection ne convertira pas leur cœur.

Beaucoup aujourd’hui prétendent pouvoir aimer les humains,
leur faire du bien, sans se référer à aucune religion.
On peut comprendre une telle position,
quand tant d’hommes et de femmes
qui devraient aimer davantage de par leur religion
n’aiment pas, ou donnent franchement pas leur conduite
des contre-témoignages.
Et il nous faut saluer et reconnaître l’altruisme
dont peuvent faire preuve bon nombre de nos contemporains
qui se disent athées ou a-religieux.

Mais l’être humain livré à ses seules forces
peut-il persévérer dans l’amour ?
Peut-être le riche de la parabole était-il influencé
par des personnes qui lui disaient
que le pauvre Lazare ne valait pas la peine qu’on s’occupe de lui ;
qui étouffaient ainsi la voix de sa conscience
qui lui commandait d’en prendre soin.

La pratique de la charité demande bien des renoncements…
et elle peut nous conduire jusqu’à la mort.
Mesurons-nous la force inestimable de notre foi chrétienne,
où non seulement Dieu nous commande d’aimer,
mais où Il aime à son tour, jusqu’à la mort ;
et où l’amour triomphe de la mort.
« Continue à bien te battre pour la foi
– dit Saint Paul aujourd’hui à Timothée –
et tu obtiendras la vie éternelle » (1 Tm 6,12).
Notre foi a l’avenir devant elle,
puisqu’elle nous conduit à l’éternité, avec Lazare.

Cette parabole de Lazare et du mauvais riche
pose aussi la question de l’enfer et de la damnation éternelle.
Là encore, ne nous trompons pas.
Ce n’est pas Dieu qui inflige au riche des tourments sans fin.
Dieu n’a aucune idée du mal.
Il n’y a qu’amour et miséricorde en Lui.
Nous savons – avec la parabole du fils prodigue –
que Dieu est prêt à faire un festin
au moindre signe de repentir d’une personne qui a fait du mal.
Et où serait la justice de Dieu
s’Il infligeait un châtiment éternel
pour une faute commise dans l’espace et le temps !

Non ! Les tourments du riche de la parabole
sont causés par son propre orgueil,
par sa propre fermeture dont il n’a voulu à aucun moment sortir.
C’est là l’enjeu de ce que nous faisons de la liberté qui est la nôtre.
Nous sommes toujours libres
– quelles que soient les conditions de notre vie –
d’aimer, de nous ouvrir, aux autres, à nous-mêmes, à Dieu ;
ou de nous fermer sur nous-mêmes.
Vers où allons-nous si nous choisissons la fermeture ?
Quel est notre but ?
Ne sommes-nous pas déjà dans un enfer ?
Nous sommes dans une logique implacable du chacun pour soi.
Cela est bien illustré sur le chapiteau de la basilique de Vézelay,
où deux démons se disputent l’âme du riche,
avec la même avidité
qu’il avait à ne garder ses richesses que pour lui.
Voudrions-nous alors vivres toujours dans une telle logique ?

Que le Christ nous garde dans l’ouverture,
dans l’amour, dans l’humilité :
ce sont des valeurs d’éternité !!

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