FMJ Mtl30e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – C
Frère Thomas
Si 35, 12-14.16-18 ; Ps 33 ; 2 Tm 4, 6-8.16-18 ; Lc 18, 9-14
27 octobre 2013
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Une prière vraie

Comment nous représentons-nous la prière ?

Le pharisien, lui, rend grâce à Dieu
de ce qu’il est un homme juste et religieux.
C’est une prière superficielle,
où Dieu est comme ligoté :
on ne Le laisse pas agir.
C’est aussi une prière où l’être humain
reste comme figé, sans perspective de croissance.

Beaucoup de nos contemporains,
de tradition chrétienne, ont arrêté de prier,
ou bien se sont tournés vers des écoles de méditation
en dehors de la tradition chrétienne.
La prière leur apparaissait ennuyeuse, figée,
incompréhensible, ou dépourvue de sens pour leur vie.

Le publicain, lui, n’a pas peur de venir à Dieu
dans la vérité de ce qu’il est,
et dans l’espérance que quelque chose en lui pourra grandir.

Il est urgent, pour l’avenir de la foi chrétienne dans le monde,
que nous retrouvions la prière dans la vérité,
et que nous sachions en rendre compte de façon compréhensible
à nos contemporains assoiffés de vie et de vérité.

Comment prions-nous ?

Nous pouvons suivre tout un rythme quotidien,
hebdomadaire, annuel pour notre prière.
C’est ce que nous propose l’Église dans sa sagesse,
avec la liturgie, l’adoration, l’oraison silencieuse,
la méditation de la Parole de Dieu,
ainsi que les diverses dévotions.
C’est ce que beaucoup d’entre nous faisons.

Même si tout cela est bon et nécessaire,
il existe un danger :
c’est que nous en fassions notre affaire à nous.

« Je te rends grâce Seigneur,
parce que je suis un bon moine,
qui passe du temps à te prier,
alors que les autres Te prient si peu ou bien ils Te prient mal ».
Si telle était ma prière,
alors j’aurais vraiment peu de charité
envers les citadins au milieu desquels je vis.

Et pourtant cette tentation guette
tout homme, toute femme religieux, consacrés ou laïcs,
qui prient régulièrement.
C’est la tentation de dévier mon regard :
au lieu de regarder Dieu,
de considérer sa Parole qui m’appelle à la conversion
toujours renouvelée, à la sainteté, à la croissance ;
je me regarde moi, dans la perfection
que je pense avoir déjà atteint,
et je me compare aux autres.

Mon regard devient alors fermé :
je deviens comme le centre du monde,
les autres deviennent comme des rivaux de la petite sainteté
que je me constitue,
et Dieu n’a en fait pas de place dans ma vie.
Que de drames dans l’Histoire de notre monde,
lorsque des personnes qui prient ne sont pas charitables
ou qu’elles donnent par leur comportement
bien des contre-témoignages !

De fait beaucoup de personnes ont arrêté de prier.
Si la prière ne leur apparaît que comme des rites extérieurs
à accomplir pour entrer dans un groupe social,
elles prieront aussi longtemps
qu’elles ressentiront de la pression de ce groupe,
mais dès que cette pression disparaîtra,
elles cesseront de prier.

N’est-ce pas ce qui s’est passé pour bon nombre de personnes
dans nos pays de tradition chrétienne,
dès lors que la foi chrétienne
a cessé d’être une appartenance sociale !

Pourquoi prier si je ne comprends pas les mots que je dis,
si je ne vois pas le sens de ma prière
et surtout si je ne vois pas chez les personnes qui prient
les fruits d’une véritable humanisation ?

Si dans sa prière le pharisien juge
les voleurs, les adultères et les publicains,
il sera peu bienveillant vis-à-vis de toutes ces personnes
quand elles se présenteront sur sa route.
Et surtout il ne leur donnera pas envie de prier à leur tour.
Si moi, qui prie Dieu,
je deviens hostile aux autres à cause de ma prière,
quelle image de Dieu je donne !
Qui voudrait passer du temps à prier un tel Dieu !
Et en ce sens bon nombre d’athées refusent un Dieu
qui est la projection des mauvais sentiments des humains,
et ils ont bien raison.

Le publicain, dans l’Évangile,
prie en se tenant à distance,
en se frappent la poitrine et en disant :
« Mon Dieu, prends pitié du pécheur que je suis » (Lc 18, 13).
Quelle représentation a-t-il de Dieu ?
Pas celle d’un despote impitoyable,
sinon il ne s’adresserait pas à Lui.

Il se tient à distance dans le Temple,
parce qu’il a conscience que son comportement
le marginalise dans le peuple d’Israël.
Mais il sait que Dieu peut l’accueillir dans sa miséricorde ;
il sait que Dieu peut le faire grandir.
Il sait, qu’avec la grâce de Dieu,
la sainteté est possible, même pour lui.

Sa prière est ouverte :
ouverte à Dieu, à sa miséricorde, à la puissance de son amour.
Ouverte à lui-même, à la croissance qui est possible pour lui.
Ouverte aux autres mêmes,
qui un jour pourront l’accueillir parmi eux, tout transformé.

Quelle différence avec la prière du pharisien !
C’est la prière du pauvre qui – selon Ben Sirac le Sage –
traverse les nuées.

Si c’est à cette prière-là que notre prière ressemble,
alors elle pourra durer, d’autres voudront l’imiter,
et elle nous rendra plus humains, à l’image de Jésus Christ.
« Prie comme un pauvre » ‒
dit le livre de Vie de nos fraternités monastiques de Jérusalem.
Les pauvres sont nos maîtres dans la prière,
par ce que leur prière est vraie, sans fard.
Et le premier de ces pauvres, c’est Jésus Christ Lui-même.
Il n’a rien caché à son Père dans sa prière,
pas même son angoisse devant la mort sur la croix
qui se profilait devant Lui.

Nous n’avons rien à cacher devant Dieu :
ni de nos joies ni de nos peines, ni de nos difficultés,
ni d’aucun aspect de notre vie, ni de notre corps.
Il importe, pour que notre prière soit vraie,
qu’elle s’enracine dans la Parole de Dieu qui est vraie.

La liturgie de l’Église est toute pétrie de la Parole de Dieu :
les lectures, les psaumes, les divers cantiques.
Y sommes-nous attentifs ?
Y revenons-nous, les méditons-nous ?
Et simplement, connaissons-nous la Parole de Dieu ?
Avons-nous lu la Bible ?
La lisons-nous ?

Si nous accueillons véritablement la Parole de Dieu dans nos vies,
notre prière en sera toute transformée,
car alors nous connaîtrons mieux le Dieu
à qui nous nous adressons.

De la même façon, il importe que nous nous fassions aider
par une ou plusieurs personnes expérimentées
qui nous accompagnent,
pour nous aider à être vrais dans notre prière,
dans notre relation à Dieu, dans notre relation aux humains.
« Mon Dieu, prends pitié du pécheur que je suis ».

Seigneur Jésus, donne-nous ton Esprit Saint,
pour que notre prière soit vraie,
ouverte à la puissance de ton amour,
ouverte à la possibilité pour nous de grandir en sainteté !

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