FMJ MtlSAINT LUC, ÉVANGÉLISTE – C
Frère Antoine-Emmanuel
2 Tm 4, 10-17 ; Ps 144 ; Lc 10, 1-9
18 octobre 2013
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Beaucoup de moisson et peu d’ouvriers

« Beaucoup de moisson,
et peu d’ouvriers.
Implorez donc le Seigneur de la moisson
qu’il fasse sortir des ouvriers pour sa moisson »
. (Lc 10, 2)

Pourquoi Jésus emploie-t-il l’image de la moisson
quand il parle de la mission ?
En quoi l’annonce d’une nouvelle formidable
accompagnée de guérisons et de libérations,
ressemble-t-elle à une moisson ?

La moisson, c’est le dur labeur de ceux
qui s’en vont dans les champs
couper les épis de blé,
battre le blé pour séparer le grain de la paille,
engranger le grain
et se défaire de la paille.

Quel rapport avec l’annonce d’une bonne nouvelle
par les villes et les villages ?

Il nous faut remonter plus haut dans la tradition biblique,
au chapitre 4 du livre de Joël.

Que les nations se mettent en branle ;
qu’elles montent vers la vallée nommée : « Le Seigneur juge ».
C’est là que je vais siéger pour juger toutes les nations d’alentour.
Brandissez la faucille,
la moisson est mure
(Joël 4, 12-13a)

La moisson est l’image du jugement final de Dieu.
Le Seigneur a semé la vie ;
le Seigneur a semé sa Parole.
L’humanité a poussé, comme poussent des épis.
Et vient un moment final, irréversible, décisif
où se font un tri, un discernement,
entre ce qui doit perdurer dans le grenier de Dieu,
et ce qui doit disparaître.

Nous retrouvons cette image dans la prédication de Jean Baptiste
qui annonce le Messie comme celui qui a en main
les outils nécessaires pour séparer le grain de la paille.
il purifiera bien son aire, son lieu de battage du blé,
et il rassemblera son blé dans le grenier;
la bale, il a brûlera au feu jamais éteint.
(Mt 3,12)

L’Apocalypse enfin nous parle du Fils d’homme
qui a en main une faucille tranchante (Ap 14,14).
Alors l’heure est venue de moissonner
car la moisson de la terre est mûre
(Ap 14,15).

La moisson c’est donc le jugement de Dieu
qui met fin à la lente maturation de l’histoire.

Que dit donc Jésus à ses disciples,
aux douze chez Saint Matthieu,
aux soixante douze chez Saint Luc ?
« La moisson est abondante. »
C’est-à-dire : l’heure de la moisson est venue
et il y a beaucoup de grain, beaucoup de bon grain à engranger !

L’Incarnation, la sortie du Verbe qui vient parmi nous
est donc déjà l’accomplissement de l’histoire.
Par l’image de la moisson,
Jésus fait comprendre aux apôtres
que nous sommes déjà dans les derniers temps.
Leur ministère fait partie du jugement de Dieu sur l’histoire.
Quand nous portons l’Évangile,
nous annonçons la décision finale de Dieu sur l’histoire.
Nous annonçons Celui qui accomplit l’Écriture : Jésus.

On imaginerait alors volontiers
que si l’heure de la moisson de Dieu est venue,
Dieu va envoyer une armée puissante de moissonneur
… or c’est le contraire :
les ouvriers sont peu nombreux.
Le Seigneur ne suscite pas une armada d’ouvriers
qui vont convertir le monde en un clin d’oeil.

Les ouvriers étaient – et sont encore – peu nombreux.
Pourquoi ?
Le Seigneur ne le dit pas…
Mais nous pouvons prier, contempler,
et peut-être comprendrons-nous avec le coeur
que le style de Dieu reste toujours
celui de la faiblesse, de la croix.

Une « Église » puissante dans le monde est-ce encore l’Église ?

Les disciples partent donc avec cette fragilité
qui… devient leur point d’appui !
Le petit nombre d’ouvriers exige d’emblée
que l’on s’en remette à Dieu
que l’on commence par implorer Dieu.

La moisson, l’annonce de l’Évangile,
ne pourra jamais être notre affaire,
notre business.
Nous ne serons jamais « seigneur de la Moisson ».
Jésus nous dit clairement que c’est le Père
qui est « Seigneur de la moisson ».

L’évangélisation gardera toujours le sceau de la faiblesse.
Mais, et c’est là un paradoxe,
aussi peu nombreux que nous soyons,
nous portons cependant une vraie responsabilité.
Ce n’est pas Dieu qui s’en va moissonner sans nous.
C’est nous les moissonneurs….

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