FMJ MtlÉPIPHANIE DU SEIGNEUR – A
Frère Thomas
Is 60, 1-6 ; Ps 71 ; Ép 3, 2-3a.5-6 ; Mt 2, 1-12
5 janvier 2014
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Le pèlerinage de la foi des mages

L’Épiphanie, cela signifie « manifestation du Seigneur ».
Avant que la fête de la Nativité du Seigneur soit célébrée,
on fêtait, dans l’Orient chrétien, l’Épiphanie.
Cette fête englobait trois mystères :
celui de la manifestation du Seigneur Jésus aux nations païennes,
avec l’épisode de l’adoration des mages ;
celui de la manifestation du Seigneur Jésus au peuple d’Israël,
avec la théophanie du Baptême de Jésus ;
et celui de la manifestation du Seigneur Jésus à ses disciples,
avec le miracle de l’eau changée en vin à Cana.

Dans chacune de ces trois manifestations,
des humains se mettent en marche.
Ils se mettent en route dans la foi, dans la précarité des moyens.
Ils questionnent, rencontrent des témoins
pour les éclairer sur leur route.
Et enfin ils adorent le Seigneur après l’avoir trouvé,
dans un acte rempli de dignité, de liberté et de vérité.

Je vous propose de suivre les mages venus d’Orient,
que la liturgie de l’Occident offre à notre contemplation en ce jour,
dans leur pèlerinage de la foi.

Lorsque je regarde ces hommes païens,
qui se sont mis en route pour un pays lointain,
pour aller adorer un roi qu’ils ne connaissaient pas,
dans une religion qui leur était étrangère,
je ne peux qu’être en admiration pour leur foi.
Pensez donc !
Voilà des hommes qui acceptent de faire un long voyage
pour voir quoi ? Le roi des Juifs qui vient de naître.
Les exégètes pensent qu’ils venaient de la Chaldée,
c’est-à-dire la région de Babylone, dans l’actuel Irak.
Pour aller à Jérusalem, ils ont eu à traverser le désert.
En quoi la figure du roi des Juifs pouvait-elle les attirer ?
Les Juifs avaient été cinquante ans durant exilés à Babylone.
Leur passage a laissé des traces dans les mémoires,
même chez des mages qui pratiquaient l’astrologie et la divination.

Toujours est-il qu’ils se sont mis en route.
Ils ont bravé la fatigue, la soif, les dangers de la route.
Ils ont bravé leurs doutes, la méfiance ancestrale
que les Babyloniens pouvaient avoir vis-à-vis du peuple Juif.
Ils ont aussi bravé le manque d’accueil à leur quête
que leur ont réservé les autorités politiques
et religieuses de Jérusalem,
pourtant les premiers concernés par la naissance du roi des Juifs.
Et, arrivés à Bethléem,
ils n’ont vu qu’un nouveau-né bien ordinaire.

Qu’est-ce qui les faisait marcher ?
L’étoile – nous dit Saint Matthieu – à la vue de laquelle
ils éprouvaient une très grande joie.
Mais il y avait certainement plus que cela :
sinon comment auraient-ils pu entreprendre
ce voyage jusqu’au bout ?

Il y avait en eux un grand désir, le désir d’une vie en plénitude.
Ce désir les a fait sortir de leur pays.
Il les a même fait sortir des ornières habituelles de leur profession.
Ils sont sortis de la perspective des profits immédiats,
des gains faciles, pour entrer dans le dépouillement
d’un cheminement laborieux, ingrat.

Ils sont entrés dans un pèlerinage de la foi.
Si nous vivons de la foi en Jésus Christ,
ne nous étonnons pas que notre chemin
peut parfois nous apparaître bien ingrat.
À la suite des mages, nous devons alors consentir
à peiner souvent sans voir le bout de nos peines,
pendant que d’autres autour de nous vont à leur aise.

Mais il y a une étoile en nous et en dehors de nous
qui nous guide et nous encourage à continuer :
car à la suite des mages, nous voyons plus loin,
nous voyons plus profond.

Si les mages se sont mis en route dans la précarité,
l’incertitude et la peine,
ils n’ont pas hésité à questionner les habitants de Jérusalem.
Ils étaient attirés par le roi des Juifs, le Messie d’Israël.
Sans doute avaient-ils connu des Juifs
qui leur avaient parlé du Messie annoncé par les prophètes.
C’est pourquoi ils vont aux sources du judaïsme,
dans la ville de Jérusalem.
Même si le roi Hérode et tout Jérusalem
sont pris d’inquiétude à l’annonce de la naissance du roi des Juifs
– ils devraient plutôt s’en réjouir –
les mages apprennent finalement que l’Enfant – selon l’Écriture –
doit naître à Bethléem.

Si les mages avancent laborieusement,
cependant ils ne restent pas seuls dans leur quête.
Ils s’informent auprès de ceux qui comme eux
devraient partager leur quête.

Si donc nous cherchons Jésus,
si nous cherchons Celui qui donne le sens véritable à notre vie,
il importe que nous ne restions pas seuls.
Tout un peuple de croyants
partage notre quête depuis des millénaires.
Le peuple d’Israël, et depuis 2000 ans, l’Église.

Il se peut que parfois, comme les mages,
nous soyons déçus par l’attitude
de ceux que nous interrogeons sur Jésus.
Les mages avaient parcouru des centaines de kilomètres
pour voir l’Enfant Jésus,
et ceux qui étaient aux portes de Bethléem
se trouvent pris d’inquiétude à cette annonce !
Mais ils donnent un indice supplémentaire aux mages,
qui vient se joindre à l’étoile qui les guide ;
et qui leur permet de trouver l’Enfant Jésus qu’ils cherchent.
Et nous pouvons imaginer que l’accueil
que Marie et Joseph leur feront
– eux qui partagent pleinement leur quête de Jésus –
donnera aux mages le signe ultime
pour leur dire qu’ils ne se sont pas trompés.

Puis les mages se sont prosternés devant l’Enfant Jésus,
ils l’ont adoré en Lui offrant des présents royaux et divins.
Voilà le but ultime de leur long voyage atteint.
Tout ce voyage pour s’agenouiller
devant un enfant apparemment ordinaire,
et pour lui offrir de si riches cadeaux !
Les mages ont bien perçus que cet enfant n’était pas ordinaire,
et même qu’il dépassait la figure limitée du roi des Juifs.
Ils vivent la dignité de ceux
qui se prosternent devant Celui qui est digne d’adoration
parce qu’Il est le Créateur et le Sauveur de tout,
en raison de sa miséricorde.
Ils vivent un acte de parfaite liberté, de pure vérité.
Leurs cœurs s’en trouvent nourris, dilatés.
Et ils perçoivent en songe la perversité du roi Hérode,
qui veut mettre à mort cet enfant,
car il vit dans la peur et le mensonge.

Que Dieu soit béni par ces mages,
prémisses des nations païennes,
qui marchent à la lumière du Seigneur.
Pour leur pèlerinage dans la foi.
Pour leur questionnement de la Tradition d’Israël.
Pour leur adoration libératrice !

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