FMJ Mtl3e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE– A
Frère Thomas
Is 8, 23 – 9, 3 ; Ps 26 ; 1 Co 1, 10-13.17 ; Mt 4, 12-23
26 janvier 2014
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

La joie de partager l’Évangile

« Le Christ ne m’a pas envoyé pour baptiser
mais pour annoncer l’Évangile » (1 Co 1,17).
nous dit Paul aujourd’hui.
L’Évangile, c’est la Bonne Nouvelle qui nous transforme
et nous apporte une joie profonde,
ainsi que nous le rappelle le pape François.
L’Évangile cependant a cela de particulier
qu’il reste associé à une pauvreté.
Et enfin – comme l’appel de Jésus
à ses quatre premiers disciples nous le montre –
l’Évangile est contagieux.

Le peuple qui marchait dans les ténèbres
a vu se lever une grande lumière (…) (Is 9,1).
Tu as prodigué l’allégresse,
tu as fait grandir la joie (v. 22).
Le prophète Isaïe annonce une Bonne Nouvelle
qui arrive sur le peuple comme une grande lumière
et qui apporte la joie.
Mais de quelle joie s’agit-il ?

Ils se réjouissent devant toi
comme on se réjouit en faisant la moisson,
comme on exulte
en partageant les dépouilles des vaincus. (9,2)
Il s’agit donc d’une joie très circonstanciée.
La joie de recevoir, de prendre des biens à notre profit,
au détriment d’autres personnes.
Car le joug qui pesait sur eux,
le bâton qui meurtrissait leurs épaules,
le fouet du chef de corvée, tu les as brisés
comme au jour de la victoire sur Madiane (v.3).
C’est la joie de la libération de la servitude, de l’esclavage.
C’est une joie véritable, authentique,
mais une joie circonstanciée.
Bien souvent nos contemporains
ne se sentent pas rejoints par l’Évangile
parce qu’ils ont ce qui leur faut
– du moins le pensent-ils – pour être heureux.
Ils ont le plus souvent les biens matériels qu’il leur faut,
et s’ils ne les ont pas, ils ont leur liberté, à laquelle ils tiennent.

En évoquant un jour avec un brave homme
habitant dans une résidence pour anciens itinérants
la figure de Jésus Sauveur,
il me répondit – sur un ton mi-sceptique, mi-moqueur –
« Au secours ! Au secours ! »

Si Jésus est Sauveur, beaucoup de nos contemporains
ne voient pas de quoi Il peut les sauver.
Ainsi beaucoup n’ont pas accès à la joie de l’Évangile.
Et même beaucoup de chrétiens ne vivent pas de cette joie.
Pourtant cette joie est bien réelle et elle est pour tous ;
« personne n’est exclus de la joie que nous apporte le Seigneur »
nous rappelle le pape François, en citant le pape Paul VI.
Mais pour véritablement découvrir cette joie,
le pape François « invite chaque chrétien,
en quelque lien et situation où il se trouve,
à renouveler aujourd’hui même sa rencontre personnelle
avec Jésus Christ ou, au moins, à prendre la décision
de se laisser rencontrer par Lui,
de Le chercher chaque jour sans cesse. »

Si l’homme contemporain a ce qu’il lui faut, s’il est libre,
est-il véritablement heureux pour autant ?
Ce n’est pas sûr.
Lors du Parvis de Noël, le 22 décembre dernier,
je demandais aux passants
quels étaient leurs souhaits pour les Fêtes.
Beaucoup répondaient : La paix dans le monde,
de bonnes relations entre les personnes.

Beaucoup de nos contemporains
ont en fait une grande aspiration à de meilleures relations.
Cela, ni leurs richesses matérielles ni leur liberté
ne peuvent le leur donner.
Et quelle joie quand ils y parviennent, ne serait-ce qu’un peu !
En nous laissant rencontrer par Jésus Christ,
notre cœur s’élargira à l’image de son cœur,
et nous pourrons rencontrer en vérité
et nous laisser rencontrer par les humains nos semblables,
et spécialement par ceux
qui sont les plus pauvres, les plus lointains.
Voilà la joie de l’Évangile !
C’est une joie dont nul n’est exclu et une joie intarissable.

« Le Christ m’a envoyé pour annoncer l’Évangile – dit Saint Paul –
et sans avoir recours à la sagesse du langage humain,
ce qui viderait de son sens la croix du Christ » (1 Co 1,17).
Avant de venir à Corinthe,
Paul avait essayé d’annoncer l’Évangile aux Athéniens,
dans un discours pétri de sagesse et de philosophie grecque.
Mais dès qu’il avait abordé
la résurrection de Jésus d’entre les morts,
la plupart des Athéniens ont cessé de l’écouter.
Dans sa Première épître, Paul exhorte les Corinthiens à l’unité,
à renoncer à prendre parti pour tel ou tel prédicateur.
Puis il les interpelle :
« Le Christ est-il donc divisé ?
Est-ce donc Paul qui a été crucifié pour vous ? » (1 Co 1,13).

Hier soir, au cours de la rencontre que nous avons eu
avec la paroisse orthodoxe voisine du « signe de la Théotokos »,
le théologien John Hadjinicolaou nous a parlé
de l’unité des chrétiens qui découlait de l’unité dans la Trinité
et de la contemplation de la Passion du Christ.

Si donc le cœur de l’Évangile c’est la Pâque du Christ,
il n’est pas étonnant que ceux et celles qui l’annoncent
vivent dans leur chair quelque chose de cette Pâque.
Il n’est pas étonnant que ceux et celles
qui veulent annoncer l’Évangile ressentent bien de la pauvreté
devant toutes les sagesses, sciences et doctrines de ce monde.

L’Évangile a toujours un côté rebutant, repoussant,
car il comprend la croix du Christ.
Mais c’est cet Évangile-là qui fait la véritable unité.
Un Évangile où les actions et les attitudes
sont ajustées aux paroles.
Un Évangile qui ne cherche pas à persuader, ni à séduire,
encore moins à contraindre,
mais qui est témoignage de vérité.
Un Évangile qui renvoie chaque personne
à sa liberté de conscience, à sa dignité de personne humaine.
C’est cet Évangile-là qui apporte la véritable joie !

Voilà que Jésus accomplit la prophétie d’Isaïe
en commençant à annoncer
la Bonne Nouvelle du Royaume des cieux dans la Galilée,
pays de Zabulon et pays de Nephtali,
route de la mer et pays au-delà du Jourdain,
Galilée, toi le carrefour des païens (Is 8,23 ; Mt 4,15).

Et Jésus appelle Simon, André, Jacques et Jean,
pour faire d’eux, à sa suite, des pêcheurs d’hommes (v. 19).
Comment ces hommes, pêcheurs de métier depuis des années,
bien installés dans leur entreprise familiale de pêche,
ont-ils suivi Jésus – laissant leurs filets,
leur barque et leur père – aussi vite ?
Ils n’ont certainement pas suivi un inconnu
sur un coup de tête ou un coup de cœur.
Ils ont fait d’abord la connaissance de Jésus,
dans son enseignement et dans ses actions.
Et ils ont décidé d’embarquer à sa suite
pour annoncer avec Lui la joie de l’Évangile.
Ils ont pour cela consenti à se laisser former par Jésus
à leur nouveau métier de pêcheurs d’hommes.
Non pas pour pêcher les hommes
comme naguère ils pêchaient les poissons,
en leur prenant la vie par ruse,
mais pour les aider à rencontrer à leur tour le Christ,
source de joie et de liberté véritables.

L’Évangile est contagieux.
S’il nous libère en profondeur,
il suscite en nous le désir d’être partagé.
Entre le 25 janvier et le 2 février – fête de la vie consacrée –
nous sommes invités à vivre une neuvaine de prière
pour les vocations religieuses, sacerdotales
et laïques engagées pour l’Évangile.

Si nos contemporains, si nous découvrons
la profondeur de la joie de l’Évangile,
si nous découvrons la force de sa pauvreté,
pour notre liberté véritable…
alors comment l’annonce de cet Évangile
ne sera-t-elle pas contagieuse ;
comment ne voudrions-nous pas nous engager davantage
– chacun selon notre appel propre –
à être des « pêcheurs d’hommes », pour l’Évangile !

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