FMJ Mtl5e DIMANCHE DE CARÊME – A
Frère Antoine-Emmanuel
Éz 37, 12-14 ; Ps 129 ; Rm 8, 8-11 ; Jn 11, 1-45
6 avril 2014
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Il y a de la mort en nous mais Toi, Tu es la Résurrection !

Jésus n’est pas venu et mon frère est mort…

Vous voyez la souffrance ?
Jésus a été appelé et n’est pas venu.
Et Lazare est maintenant au tombeau,
le corps enveloppé de linges et de bandes,
captif de la mort pour toujours.

C’est le drame terrible de la mort
qui nous rejoint tous un jour ou l’autre.

C’est le drame aussi de notre propre mort.
La lettre aux Hébreux dit que nous pouvons
passer notre vie dans une situation d’esclave,
par crainte de la mort. (cf. Hé 2,15)

C’est aussi le drame de la mort
qui habite notre cœur.
Il y a de la mort en moi…
Souvenez-vous des paroles de l’apôtre Paul :
Par le péché, la mort est entrée dans le monde. (Rm 5,12)
Avant que le Christ ne manifeste sa victoire,
le péché régnait en vue de la mort (cf. Rm 5,21)
et nous étions esclaves
du péché qui conduit à la mort (cf. Rm 6,16).

Mon péché, c’est de la mort en moi.
Par exemple : la rancune, le refus de pardonner,
le goût de se venger,
c’est de la mort qui m’habite, pas de la vie !
Notre amour de l’argent, c’est de la mort en nous.
Nos « power trips », c’est de la mort…
Le dégoût de Dieu, la colère contre Dieu,
la mise en accusation de Dieu,
c’est de la mort en nous.

Or la mort a une particularité :
il m’est impossible de m’en libérer par moi-même.

Je peux m’agiter, m’énerver, me démener…
mais je ne peux pas me ressusciter.
C’est vrai de la mort, c’est vrai du péché.

Qui parmi nous n’a pas fait l’expérience
d’être incapable de se libérer d’un péché ?
Pour nos faiblesses, nos dépendances, nos misères,
il y a toutes sortes de thérapies et Dieu en soit béni…
Mais pour le péché lui-même qui est un cancer de l’âme,
un cancer de notre relation à Dieu,
rien de seulement humain ne peut nous en libérer.
Quiconque commet le péché
est esclave du péché dit Jésus. (Jn 8,34)

*

En face de ce drame, l’Évangile de ce jour
est une lumière extraordinaire.

Voici Jésus qui, au moment qu’il a choisi,
se met en route pour s’en venir
vers les captifs que nous sommes.
C’est magnifique de contempler Jésus
qui traverse le Jourdain,
qui traverse la plaine de Jéricho,
et s’en vient vers nous pour nous libérer :
Moi je suis dans mon tombeau,
et toi Tu viens vers moi…
Il vient vers Béthanie.
Il vient vers Marthe, Marie et Lazare.
Il vient vers nous tous.
Il vient vers toi, vers moi.

Sa venue se déroule en trois étapes
que l’Évangéliste a bien identifiées.
Il y a trois scènes :
Jésus et Marthe, Jésus et Marie, Jésus et Lazare.
Regardons-les l’une après l’autre…
c’est de nous qu’il s’agit.

*

La première rencontre est celle de Jésus et de Marthe.
Marthe est ici la femme déçue,
déçue par Jésus qui n’est pas venu.
Face à la mort, elle garde une espérance,
mais une espérance lointaine.
Elle croit fermement en Jésus-Messie, Fils de Dieu
qui vient dans le monde.
Dieu peut faire de grandes choses à travers Jésus, oui…
mais pas ressusciter un mort, là, maintenant.
« Il y a des situations face auxquelles Jésus,
tu ne peux rien faire… »

La parole que Jésus donne alors à Marthe est extraordinaire.
On l’aurait même dit inacceptable
si elle n’avait été suivie d’un signe qui la confirme à plein.
« Je suis la résurrection et la vie ».
Jésus ne lui dit pas : « Je ressuscite les morts »
mais bien : « Je suis la résurrection et la vie ».
Je suis – en personne – la Résurrection et la Vie.
« Celui qui croit en Moi, même s’il meurt, vivra,
et quiconque – non seulement croit – mais vit et croit en Moi
ne mourra jamais » (Jn 11,26).
En Jésus, la mort n’est plus un trou noir
qui nous absorbe dans un néant innommable…
c’est un passage vers la vie !

Il y a une part de nous qui ressemble à Marthe.
« Oui, je crois en Jésus
mais il y a des choses qui sont coulées dans le béton
et tu ne peux rien y faire… »
Mais nous entendons Jésus aujourd’hui qui nous dit :
« Je suis la résurrection et la vie… »
Le béton, je le fais craquer de toutes parts…
Tu vois de la mort autour de toi ?
Ne crains pas…
Moi Je suis la Résurrection !
Donne-Moi ce qui est mort
et accueille ma Vie qui est éternelle ! »

*

Mais Jésus vient nous chercher plus loin encore
parce qu’Il nous aime.
Et c’est la deuxième rencontre :
celle de Jésus et de la sœur de Marthe, Marie de Béthanie.

Marie est terrassée par le deuil.
De Jésus, elle n’attend plus rien
Jésus est grand, très grand, Il est le Saint,
mais Il est Celui qui est resté
à distance de nos blessures, de nos peines…

Alors Jésus appelle Marie.
Et Jésus pleure avec Marie.
Jésus rejoint Marie dans son deuil, dans ses larmes.
Il ne peut pas lui dire les mêmes paroles qu’à Marthe :
elle n’est pas encore capable de les recevoir
mais elle voit Jésus qui se fait proche
et qui descend Lui-même dans notre mort.

N’y a-t-il pas une part de nous-mêmes
qui ressemble à Marie de Béthanie
quand nous habitent une tristesse,
une aigreur, une amertume vis-à-vis de Dieu ?
Parce que le Seigneur n’a pas répondu
à nos attentes, à nos prières.
« Jésus est grand, Il est saint
mais Il m’a laissé tomber. »

Aujourd’hui, Jésus Se fait proche
et ses larmes se mêlent aux larmes cachées de nos cœurs.
Il entre dans notre mort pour nous imprégner de sa Vie.
Et Il nous mène, avec Marthe et Marie,
à la troisième rencontre
parce qu’Il veut toucher en nous
le plus profond de notre mal
pour que nous devenions ce que nous sommes :
des vivants revenus de la mort.

*

La troisième rencontre, c’est : Jésus et Lazare.
Son ami Lazare.
Lazare qui est mort depuis 4 jours ;
Lazare dont l’âme a quitté le corps ;
ce corps qui maintenant a commencé à se décomposer.
C’est la mort dans son irréversibilité.

« Enlevez la pierre ! »
« Seigneur, il sent déjà ; il est de quatre jours. » (Jn 11,39)
« Ne t’ai-je pas dit que si tu crois,
tu verras la gloire de Dieu ? » (v. 40)
Et que fait Jésus quand la pierre est enlevée ?
Il appelle le mort.
Il fait résonner sa voix, sa parole, dans la mort.
Et quand la Parole de Jésus rejoint le mort,
celui-ci reprend vie.
Il appelle le mort à la vie.

Et voici Lazare qui sort ligoté par les tissus,
mais bien vivant :
« Déliez-le et laissez-le aller ! » (v. 4)

Frères et sœurs,
voilà ce que le Seigneur veut nous faire vivre aujourd’hui
et durant cette dernière semaine de Carême…
Il y a du Lazare en nous.
Il y a de la mort en nous…
Et Jésus nous dit aujourd’hui : « enlevez la pierre ! »
« enlèves la pierre ! »
C’est-à-dire : présente-Moi ce qui est mort en toi.
Enlève la pierre de la honte
qui cache ta misère.

Nous croyons cacher à Dieu le cancer de notre âme,
mais Il le voit,
parce que c’est de l’intérieur qu’Il nous voit,
et c’est dans l’amour et la compassion
qu’Il nous voit victimes du péché.

Enlève la pierre qui te pèse.
Donne-mi ta misère
et laisse ma Parole agir en toi et te libérer.

Jésus n’est pas le Messie aux mains liées de Marthe
et encore moins le saint qui reste au loin de Marie.
Il est Celui qu est entré dans notre mort
pour nous en libérer.

La semaine prochaine, nous l verrons déposé au tombeau.
Et nous l verrons ressuscité !
Il est la Résurrection et la Vie !
Et i a le pouvoir de nous « ressusciter » dès aujourd’hui
en nous libérant de nos captivités intérieures.

Il accomplit ce qu’Ézéchiel avait annoncé :
J’ouvrirai vos tombeaux et je vous en ferai sortir.
Et pas seulement cela :
Je mettrai en vous mon esprit et vous vivrez. (cf. Éz 37,13-14)

C’est une vraie « résurrection » intérieure
que le Seigneur nous promet à tous ce matin.
Une joie formidable !
Et vous verrez qu’en faisant l’expérience
de cette libération de l’âme
nous serons, comme naturellement,
menés à croire pour de bon,
et à nous émerveiller devant la résurrection
comme perspective de toutes nos existences au-delà de la mort.
Quand on connait Jésus qui est Résurrection et Vie,
notre quotidien prend une toute autre saveur.

Qu’est-ce que le Seigneur attend de nous ?
Que nous enlevions la pierre
et que dans la foi en Lui,
dans la foi en sa miséricorde,
nous Lui présentions toutes nos infirmités intérieures,
surtout les plus honteuses.

C’est cela qui se vit dans le sacrement du pardon.
Et c’est une libération extraordinaire.
« Enlève la pierre ! »
« Seigneur, ça ne sent pas bon au-dedans de moi… »
Ne t’ai-Je pas dit que si tu crois,
tu verras la gloire de Dieu ? (cf. Jn 11,40)

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