FMJ Mtl3e DIMANCHE DE PÂQUES – A
Frère Antoine-Emmanuel
Ac 2, 14.22b-33; Ps 15; 1P 1, 17-21 ; Lc 24, 13-35
4 mai 2014
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Ne faut-il pas que l’Église souffre tout cela ?

« Ils parlaient ensemble de tout ce qui s’était passé » (Lc 24,14)

« … ils parlaient et discutaient… » (Lc 24,15)

Ils parlaient de sœur Gilberte, 78 ans,
de la Congrégation Notre-Dame,
enlevée avec deux prêtres d’origine italienne,
dans le nord du Cameroun.

Ils parlaient d’une famille chrétienne en Inde
dont la maison a été détruite
pour la troisième fois à la fin avril.

Ils parlaient des 190 jeunes filles chrétiennes,
âgées de 16 à 20 ans, enlevées le 14 avril dernier
au Nigeria par des islamistes armés de Boko Haran.

Ils parlaient d’une église protestante détruite
par les autorités chinoises le 28 avril dernier
dans la ville de Wenzhou dans l’est de la Chine.

Ils parlaient d’Asia Bibi dont on attend l’issue de son procès
au Pakistan d’un jour à l’autre.

Ils parlaient de deux jeunes de Maalula en Syrie
qui ont refusé de réciter la shahada,
la confession de foi islamique.
Leurs agresseurs leurs ont proposés :
« Ou vous abjurez votre foi, ou vous serez crucifiés ! »
L’un d’entre eux a refusé d’abjurer
et à été crucifié devant son père
qui a été ensuite lui-même fusillé.
C’était il y a quelques jours en Syrie.

Ils parlaient des humiliations que subissent tant de chrétiens
au Québec et ailleurs en Occident,
des moqueries dans les cours d’école, de l’intolérance
des discriminations pour obtenir un emploi.

« … ils parlaient et discutaient… »

« De quoi causiez-vous donc, tout en marchant ? » (Lc 24,17)
Alors ils s’arrêtèrent, tout tristes.
« Tu es bien le seul à ignorer les événements de ces jours-ci ! » (v.18)
Il leur dit: « Quels événements ? » (v. 19)
Ils répondirent: Ce qui est arrivé à l’Église !
Elle portait une parole pleine d’espérance pour les pauvres,
pleine de compassion, de miséricorde et de joie
devant Dieu et devant tout le peuple.

Des chefs religieux et des grands prêtres de l’idéologie athée
l’ont livrée à la dérision.
Ils ont piétiné l’Église, violé les femmes, tué nos enfants,
enlevé nos prêtres et nos évêques.
Ils ont sali l’Église autant qu’ils pouvaient dans les médias.

Et nous qui espérions que l’Église réconcilierait les peuples
et rassemblerait l’humanité entière dans le cœur de Dieu.

À vrai dire nous avons été bouleversés
par bien des témoignages de pardon
de la part de chrétiens persécutés !
Beaucoup, beaucoup des chrétiens
choisissent la miséricorde,
choisissent d’aimer leurs ennemis,
bâtissent des ponts de paix. »

Mais les chrétiens fuient le Moyen-Orient;
les chrétiens de Syrie ou d’Égypte vivent dans la terreur.
En Centre Afrique et au Nigeria, ils sont tentés par la vengeance.
En Europe et au Québec, l’Église s’émiette,
les vocations se tarissent,
un nouvel ordre moral s’installe,
privé de toute référence transcendante…

Il leur dit alors: « Vous n’avez donc pas compris !
Votre cœur est lent à croire » (cf. Lc 28,25)
tout ce qu’on dit Jérémie, Isaïe et tous les prophètes !
Ne faut-il pas que l’Église souffre tout cela
pour communier à la gloire du Christ ?
Et, en partant de Moïse, de tous les prophètes,
des Évangiles, des Actes et des écrits de Paul, Pierre,
Jacques et Jean, il leur expliqua dans toute l’Écriture
ce qui concerne l’Église.

« C’est moi qui vous ai mis à part du monde,
et voilà pourquoi le monde vous hait.
S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi.
L’heure est venue où celui qui vous fera périr
croira présenter un sacrifice à Dieu.
Ils agissent ainsi parce qu’ils ne connaissent ni le Père, ni Moi ».
(cf. Jn 15, 18-16, 4)

Alors nos cœurs devenaient tout brûlants au dedans de nous.
Ce n’est pas nous qu’on persécute…
C’est le Christ qu’on persécute.
C’est encore et toujours le Fils de Dieu
qui est rejeté et mis à mort hors de la vigne.
(cf. Mt 21, 33-46 ; Mc 12, 1-12 ; Lc 20, 9-19)

C’est le Christ, image du Père invisible qui est méprisé.
C’est le Christ, reflet de la bonté du Père que l’on persécute.
C’est le Christ, image de la tendresse du Père, que l’on défigure.
C’est le Christ qui est enlevé, violé, piétiné…

Et j’ai reconnu là les pensées de haine contre Dieu
qui parfois assiègent mon propre cœur…

« Dans tes martyrs, c’est Toi qu’on tue »,
dit l’hymne de la fête des martyrs.
C’est Toi qu’on tue…
C’est un vieux combat qui ne cesse de surgir à nouveau.
C’est Satan qui encore et encore s’en prend au Royaume de Dieu,
qui rejette l’amour, qui hait la faiblesse et qui craint la douceur…

C’est ce combat spirituel
qui traverse toute l’histoire de l’humanité.
Combat terrible qui déchire le cœur de Dieu
plus encore qu’il défigure et déshumanise
tant de personnes, de familles et de peuples.

Combat terrible… mais dont nous connaissons déjà l’issue:
la victoire du Christ ;
la victoire de la Croix.
Le matin de Pâques :
… ce n’est pas l’or et l’argent
qui vous a libéré de la vie sans but que vous meniez :
c’est le Sang précieux du Christ,
l’Agneau sans défaut et sans tache. ( cf. 1 P 1, 18-19)

C’est par la Croix, C’est par l’amour,
par l’abaissement, l’humiliation
que Jésus a remporté la victoire.

C’est cela que les disciples d’Emmaüs ont compris
en voyant Jésus rompre le pain
dans un geste d’une autorité et d’une liberté bouleversantes.
« Ma vie, nul ne la prend : c’est Moi qui la donne. » (Jn 10,18)

Alors il n’était plus nécessaire que Jésus Se donne à voir…
Ils l’avaient désormais accueilli dans leur cœur, dans leur foi.
Ils avaient fait place en eux à Jésus vivant, à Jésus vainqueur…
La victoire de l’amour, de la douceur,
commençait à envahir le profond de leur être.

L’Église de la souffrance, de la persécution, des martyrs,
devenait inséparablement l’Église de l’espérance,
le corps glorieux du Crucifié,
l’Épouse de l’Agneau égorgé et debout, resplendissant de gloire…

Alors, impossible de rester en tête à tête à Emmaüs :
ils courent à Jérusalem
pour retrouver l’Église,
pour bâtir l’Église en lui portant leurs témoignages,
pour aimer et servir l’Église.

Parce que l’Église c’est le Christ.
Persécutée avec le Christ,
glorieuse dans le Christ

« Dans tes martyrs, c’est Toi qu’on tue.
Mais Toi qu’on glorifie,
car ton Église en eux salue
la force de l’Esprit », chante encore l’hymne des martyrs.

Aussi nos cœurs peuvent-ils être à la joie
et nos langues chanter d’allégresse :
L’Église en sa chair blessée, en ses enfants martyrisés
repose sur une espérance indéfectible.
Car Tu n’abandonneras au séjour des morts
ni tes martyrs, ni leurs bourreaux.
Tu ne laisseras pas ton Église connaître la décomposition
ni échouer dans la vengeance, la violence ou l’indifférence.

Ni la mort, ni la vie, ni le présent, ni l’Avenir,
ni les forces des hauteurs ni celles des profondeurs
rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu
manifesté en Jésus-Christ notre Seigneur. (cf. Rm 8, 38-39)

Rien ne peut séparer l’Église du Christ vivant et glorieux.
Tu lui montreras toujours les chemins de la vie.
Tu nous rempliras tous de joie en ta présence. (cf. Ac 2, 25-28)

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