FMJ Mtl23e DIMANCHHE DU TEMPS ORDINAIRE
Frère Antoine-Emmanuel
Éz 33, 7-9 ; Ps 94 ; Rm 13, 8-10 ; Mt 18, 15-20
7 septembre 2014
Sanctuaire du Saint Sacrement, Montréal

Jésus au milieu de nous

Le chapitre 18 de Saint Matthieu
nous parle du style de vie
de la communauté chrétienne.
Tout part d’une question :
le plus grand dans le Royaume ? (cf. Mt 18,1)
Qui est celui que l’on va regarder,
qui sera le centre d’attention,
celui vers qui convergent les regards ?

La réponse de Jésus : le plus petit (cf. 18,4).
Dans le mode de vie du monde,
on grimpe pour être grand.
Dans le mode de vie que l’Évangile nous propose
on descend pour devenir comme un enfant.

C’est pas mal différent n’est-ce pas !

Que nous demande ensuite Jésus ?
L’attention aux plus petits de la communauté,
à ceux qui sont fragiles, vulnérables.
Malheureux celui qui blessera la foi d’un petit (cf. 6).
Si je néglige ou méprise un petit, un pauvre
et que je lui fais perdre la foi,
malheur à moi !

Cette attention aux plus petits va loin
puisque Jésus nous demande d’agir
comme un berger fou
qui laisse 99 brebis dans le désert
pour aller chercher la personne fragile
qui est égarée loin de la communauté, loin de la foi.

Jésus nous demande d’aller aux périphéries,
c’est-à-dire en dehors de notre cercle d’amis, de croyants,
de connaissances pour chercher ceux qui se sont égarés.

Ainsi, le centre d’attention dans la communauté,
ce n’est pas seulement la personne fragile
qui est parmi nous,
c’est aussi la personne égarée
qui est en train de perdre son âme dans la drogue,
le luxe, le casino, le satanisme, la pornographie,
l’arrogance contre Dieu
ou simplement dans l’indifférence à Dieu.

Comme le dit l’Évangile d’aujourd’hui,
il peut aussi y avoir des périphéries dans la communauté :
quelqu’un qui participe à la vie de la communauté
mais qui a quitté le chemin de l’Évangile.
Un frère, une sœur qui est tombé dans le placotage,
la médisance, la calomnie,
ou bien un frère ou une sœur
qui se renferme sur ses intérêts,
ses idées, ses besoins affectifs ;
ou encore un frère, une sœur
qui s’est enfermé dans la rancune,
qui refuse de pardonner.
Vers lui aussi doit converger l’amour de la communauté.
Et Jésus nous demande de ne pas exclure ce frère, cette sœur.
Il y a beaucoup de manières pour exclure une personne,
ne serait-ce qu’en la fuyant, en évitant de la regarder.

Non, dit Jésus dans l’Évangile d’aujourd’hui.
Sors, sors de toi et de tes peurs,
et va vers cette personne.
Va et parle-lui, seul à seul.
Et s’il t’entend, si elle t’entend,
tu auras gagné ce frère, cette sœur.

Et s’il refuse…
Jésus demande un long processus
avant de voir cette personne comme hors de la communauté.
Un long chemin, des tentatives multiples,
une inventivité communautaire
pour prendre soin de cette personne malade en son âme.

Et si rien n’aboutit, regarde cette personne
comme le païen et le publicain,
c’est-à-dire comme une personne hors de la communauté,
et donc, comme quelqu’un dont tu dois te faire proche
pour lui annoncer l’Évangile par ta vie
et si nécessaire par des paroles.
L’amour évangélique n’est pas de l’espresso
que l’on fait en 30 secondes.
C’est comme du sirop d’érable
qui demande des heures et des heures de cuisson.
L’amour évangélique demande du temps, de l’inventivité.
Il demande de sortir littéralement de nous-mêmes
et même de mourir à soi-même.
Et il n’est pas secondaire dans notre vie.
Paul nous l’a dit tout à l’heure :
l’amour est l’accomplissement parfait de la loi (Rm 13,10).

Jésus nous embarque alors plus loin encore
en nous disant que ce que nous aurons lié
– ou délié – sur la terre,
sera lié – ou délié – dans le Ciel.
Cela, ce n’est pas facile à entendre,
parce que Jésus nous montre l’enjeu
qui est derrière notre inventivité dans l’amour.

Disons-le avec des mots plus courants.
Si en suivant le chemin de l’Évangile,
avec tout le temps qu’il faut,
nous parvenons à ce qu’un frère renonce au péché
et rechoisisse la vie véritablement chrétienne,
si nous avons pu le délier,
alors c’est la Vie éternelle qui s’ouvre à lui.

D’un autre côté, si un membre de la communauté
s’est enfermé dans le péché
et que nous avons tout mis en œuvre
des chemins évangéliques, de la patience,
des étapes proposées par Jésus
pour l’aimer et l’inviter à revenir au Christ,
et qu’il refuse,
alors pour son bien,
pour qu’il prenne conscience de la plongée
dans l’abîme où il se trouve,
il nous faut le lier,
c’est-à-dire déclarer qu’il n’est plus membre de la communauté.
Et là aussi, c’est sa Vie éternelle qui est en jeu, nous dit Jésus.

Ce que Jésus nous dit là n’est pas facile à accepter.
Est-ce vrai que nous portons une telle responsabilité
vis-à-vis du Salut éternel les uns des autres ?
Oui…

Oui… mais juste à ce moment,
en ce chapitre où Jésus nous montre ces exigences de l’amour,
Il nous dit :
« Si deux d’entre vous se mettent d’accord sur la Terre
pour demander quoi que ce soit,
cela leur adviendra
d’auprès de mon Père qui est au cieux
» (Mt 18,19).

On pourrait dire : ne soyez pas inquiets pour ce qui est de l’Amour.
Tout ce que vous demanderez au Père pour aimer,
vous le recevrez.
Tout ce que vous demanderez au Père pour pardonner,
vous le recevrez.
Tout ce que nous demanderons au Père
pour prendre soin des plus fragiles, des plus égarés,
nous le recevrons.
Si nous nous tournons vers le Père,
jamais nous ne serons démunis pour aimer !

Pourquoi ?
Parce que là où deux ou trois se rassemblent au nom de Jésus,
Il est là au milieu d’eux (cf. 18,20).

Jésus au milieu de nous.

Quand nous nous retrouvons à deux ou trois
pour regarder comment prendre soin d’un frère en difficulté,
pour prier pour un frère égaré,
il y a une présence toute particulière de Jésus.

Ce n’est pas seulement Jésus en chacun de nous,
présent dans l’intimité de notre cœur.
C’est « Jésus au milieu de nous ».

Une présence du Christ qui advient
quand nous nous retrouvons en son Nom pour aimer.
Il est là.

Quand nous choisissons ensemble d’aimer, de pardonner,
de prendre soin des plus petits,
Jésus est là.
C’est Lui qui nous donne ce goût de l’amour.
Et c’est Lui qui nous donne la force d’aimer.

Il est là maintenant.
Jésus au milieu de nous.
Il y a ce matin une Présence du Christ toute particulière
qui provient de la présence de chacun de nous.

Il y en a peut-être parmi nous qui se disent :
Non, moi, je n’y suis pour rien…

Qu’ils le sachent : c’est en eux et par eux
que Jésus se rend présent…

Jésus est au milieu de nous.
Avec nous.
Entre nous.

Crucifié sur les croix que tous nous portons.
Et ressuscité par la tendresse du Père
qui, par Lui, Se déverse sur nous.

Il est au milieu de nous et à travers nous
Il veut prendre soin des plus petits.
Amen.

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