FMJ MtlMercredi, 20e Semaine du Temps ordinaire – A
Frère Thomas
Ct 8, 6-7 ; Ps 148 ; Lc 6, 17…26
20 août 2014
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Il faut être un peu fou.

L’amour est fort comme la mort,
la passion est implacable comme l’abîme (Ct 8,6).

Ce verset du Cantique des Cantiques
caractérise bien Saint Bernard
qui fut un passionné de Dieu,
un passionné de la vie de l’Église
en son temps aussi.

Mais les Béatitudes nous présentent cette passion
comme bien différente
de celles que nous avons l’habitude
de rencontrer dans notre monde.

En effet, dans la jeunesse de ses 20 ans,
Bernard choisit d’entrer dans l’abbaye de Cîteaux
– récemment fondée – attiré par son austérité
et par les médisances qui se répandent sur elle.

C’est un fait que lorsqu’une personne
veut prendre l’Évangile au sérieux,
elle va connaître de la pauvreté, de la faim, des pleurs…
et aussi des médisances, des persécutions contre elle.
C’est aussi la raison pour laquelle
bien des personnes freinent des quatre fers
lorsqu’il s’agit de vivre de l’Évangile,
avec toutes les exigences que cela implique.

Cela est vrai à notre époque,
et cela l’était aussi à l’époque de Saint Bernard.
Même si les structures de la société, au XIIe siècle,
étaient chrétiennes,
il y avait diverses conceptions de la vie chrétienne.
Et beaucoup – même dans les monastères –
trouvaient bien des accommodements
pour contourner les exigences de l’Évangile.

Ainsi, la récente fondation de l’Abbaye de Cîteaux,
qui voulait retrouver la pureté originelle
de la règle de Saint Benoît, était critiquée
par certains moines bénédictins d’autres abbayes
comme schismatique ou prétentieuse.

Aujourd’hui, les personnes qui prient,
qui renoncent à bien des satisfactions à cause de Jésus,
sont souvent regardées avec méfiance
ou avec condescendance, avec ironie :
elles sont taxées de rétrogrades,
niaiseuses, névrotiques… ou même folles.

Cependant ceux-là même qui
dans un premier temps critiquent,
peuvent aussi dans un deuxième temps
se laisser interpeler, lorsqu’ils voient
que ceux et celles qui vivent de l’Évangile
sont au fond de bonnes personnes :
et même que dans certaines situations,
ils sont meilleurs que d’autres.
Mais qu’est-ce qui les fait donc persévérer ?
Ils ne rencontrent que des désavantages à vues humaines.

Ce qui les fait persévérer, ce sont les Béatitudes.
Les pauvres devraient être malheureux.
Mais quand ils le sont à cause du Christ,
ils sont heureux, car le Royaume de Dieu est à eux.
Non pas pour plus tard – pour après la mort –
mais déjà pour maintenant.
En étant pauvres à cause du Christ,
en refusant de courir les richesses, les honneurs,
les jouissances de ce monde, à cause du Christ,
leur cœur se fait disponible pour adorer Dieu ;
Dieu met leur cœur au large.
Ils sont plus heureux
que ceux qui s’inquiètent des richesses de ce monde !

Et Saint Bernard,
qui a d’abord quitté le monde de son temps
pour s’enfoncer dans la pauvreté de la vie cistercienne,
aura par la suite une grande influence
sur la vie de l’Église et de la société de son temps.

Ceux qui sont haïs des hommes ou repoussés,
devraient être malheureux.
Mais ceux qui le sont à cause du Christ,
à cause de la justice,
peuvent être heureux et sauter de joie !
Leur récompense est grande dans le Ciel.
Et c’est dès maintenant qu’ils peuvent sauter de joie.

Comment cela ?

Parce que ce sont eux,
et non pas ceux qui les insultent ou les persécutent,
qui sont véritablement libres et forts.
Un jour, en Lituanie,
à l’époque du régime soviétique,
un évêque emprisonné en raison de sa foi,
coincé dans sa cellule de prison,
disait à son geôlier,
qui se faisait un malin plaisir de le maltraiter :
« La seule différence entre vous et moi,
c’est que moi je suis totalement libre. »

Les chrétiens devraient disparaître,
car l’Évangile qu’ils se plaisent à suivre
les conduit vers la pauvreté,
la faim, les pleurs, la persécution.
Leur vie n’est pas conforme à l’esprit du monde
dans lequel pourtant ils vivent.
Et pourtant ils paraissent heureux !
Ou bien ils sont fous,
ou bien il y a quelque chose…
ou quelqu’Un !

Les chrétiens ont le Christ
posé comme un sceau sur leur cœur,
comme un sceau sur leur bras.
Il est leur Bien-aimé.
L’amour qu’ils Lui portent
– à la suite de Saint Bernard et de tous les saints –
est fort comme la mort ;
leur passion pour le Christ
est inflexible comme l’abîme (…)
Les grandes eaux ne pourront éteindre leur amour.

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