FMJ Mtl29e DIMANCHHE DU TEMPS ORDINAIRE
Frère Antoine-Emmanuel
Is 45, 1.4-6 ; Ps 95 ; 1 Th 1, 1-5 ; Mt 22, 15-21
19 octobre 2014
Sanctuaire du Saint Sacrement, Montréal

D’une Église monumentale à une Église humble

Payer ou non l’impôt à l’occupant romain
était une question très complexe
pour les croyants de l’époque de Jésus :
« Est-il permis de donner un impôt à César ou non ? » (Mt 22,17).

Derrière cela se trouve une question de fond.
Devons-nous accepter d’être soumis à un pouvoir politique
qui n’est pas celui d’Israël ?
Pouvons-nous accepter de ne pas avoir de pouvoir politique ?

Cette question est loin d’être nouvelle.
Elle se pose surtout depuis l’exil,
au VIe siècle avant le Christ.
Et c’est Jérémie qui avait alors donné une réponse :
oui, il faut aller à Babylone.
Oui, il faut vous soumettre au roi de Babylone.
Oui, il vous faut accepter cette rude précarité.
Mais… n’embarquez pas dans l’idolâtrie de Babylone
et orientez vos cœurs vers l’Alliance toute nouvelle
que le Seigneur va vous offrir.

Question de fond, donc…

Et quelle est la réponse de Jésus ?
Jésus ne répond pas en disant « oui, il faut payer l’impôt »,
ou « non, il ne faut pas ».
Il ne répond pas non plus en proposant une sorte de compromis.
La réponse, c’est :
« Prenez une pièce de monnaie ;
de qui porte-t-elle l’effigie ? »
« De César ! »
Alors reconnaissez ce qui appartient à César !
« Rendez à César ce qui lui appartient
et rendez à Dieu ce qui est à Dieu. » (Mt 22,20-21)
Le Pape François disait ce matin :
« c’est sur ce second terme
que Jésus a certainement mis l’accent.
Rendez à Dieu ce qui est à Dieu. »

Et qui Dieu a-t-il marqué de son effigie ?
Toi ! Moi !
Rends à Dieu ce qui Lui appartient !
Reconnais que tu appartiens à Dieu
parce que tu portes sa marque, sa ressemblance.

« Rendre à Dieu ce qui est à Dieu,
disait le Pape ce matin,
cela signifie reconnaître et professer
– devant tous les pouvoirs existants –
que Dieu seul est Seigneur de la personne humaine. »
(Homélie 19-10-2014)

Laissez à César la puissance politique,
nous dit en quelque sorte Jésus.
Mais la personne humaine, elle, appartient à Dieu.
Elle n’appartient ni à César, ni à toi…

C’était, vous le voyez, une question complexe.
Y a-t-il en notre temps
des questions qui ont la même complexité ?

Fallait-il céder nos imposantes institutions catholiques
au gouvernement ?
Faut-il se défaire de nos églises,
de nos lieux de culte monumentaux ?

Et qu’y a-t-il derrière ces questions ?
Il y a encore et toujours :
est-ce que vous consentez
à perdre de la puissance dans ce monde ?
Est-ce que vous consentez à ce que l’Église
ne soit plus une Église monumentale,
mais une Église humble, modeste ?

Vous percevez la réponse de l’Évangile ?
Abandonnez la puissance selon le monde !
Laissez le pouvoir !
Mais ne laissez jamais la personne humaine tomber
entre les mains d’autres puissances.
Prenez soin de la personne humaine
parce qu’elle appartient à Dieu.

Est-ce qu’en 2014, le Seigneur ne nous demande pas
de laisser toutes les formes de grandeurs mondaines ?
Est-ce qu’Il n’est pas en train de nous apprendre
à être petits, à être humbles ?

C’est en étant humble, non puissants selon le monde
et en étant remplis de la force de Dieu
que nous ne serons pas emportés par le tsunami de la sécularisation
et que nous porterons la joie de l’Évangile !

Et que se passe-t-il quand nous consentons
à ne plus être une Église monumentale ?
Cela nous conduit un jour ou l’autre à une prise de conscience :
je suis encore dans l’Église et je l’aime,
alors que beaucoup la délaissent ou l’ignorent.
Comment cela se fait-il ?
C’est donc que le Seigneur m’a choisi !

C’est ce que les chrétiens de Thessalonique ont découvert
en lisant la lettre de Paul.
C’est vrai, en nous il y a une foi active,
une charité qui se donne de la peine
et une espérance qui persévère.
Paul nous dit : « Cela vient du Christ. »
« Il vous a choisis » (cf. 1 Th 1,4).
Il nous a choisis !

Bien… mais quelle disproportion entre notre petitesse
et l’ampleur de la sécularisation !
Seigneur, viens à notre aide encore et encore !
Fais que nous prenions feu !
Voilà l’urgence : que nous prenions feu !
Le feu de l’Évangile, le feu de la charité,
le feu de l’Esprit Saint ;
le feu que Jésus est venu allumer sur la terre
par sa mort et sa résurrection.

« Les disciples, dit le message du Pape
pour cette journée des missions,
sont ceux qui se laissent saisir toujours plus par l’amour de Jésus
et marquer au feu de la passion pour le Royaume de Dieu
afin d’être porteurs de la joie de l’Évangile ».

Voulez-vous prendre feu ?
Acceptez-vous que le Seigneur fasse du neuf dans votre vie ?

Le pape François, hier, concluant le Synode sur la famille
a nommé plusieurs « tentations »
qui ont marqué les travaux du Synode.
Quelle a été la première « tentation » ?
Celle de refuser que le Seigneur fasse du neuf.
Nous nous réfugions dans des textes
parce que nous avons peur de la nouveauté de Dieu !

Puisque vous n’avez pas peur de la nouveauté de Dieu,
alors nous pouvons maintenant entendre
ce que le Pape a dit dimanche dernier à propos du Québec
lors de la canonisation de François de Laval et
de Marie de l’Incarnation :
« Église féconde que celle du Québec !
Féconde de nombreux missionnaires qui sont allés partout.
Le monde a été rempli de missionnaires canadiens
(comme ces deux-ci).
Maintenant un conseil : que cette mémoire
ne nous conduise pas à abandonner l’audace et le courage.
Peut-être (ou plutôt non, sans peut-être !)
le diable est jaloux et il ne tolère pas qu’une terre
soit ainsi féconde de missionnaires.
Prions le Seigneur pour que le Québec revienne
sur ce chemin de la fécondité,
pour donner au monde de nombreux missionnaires. »

Vous avez remarqué ?
Le Pape ne dit pas que nous venons de la « grande noirceur ».
Il ne dit pas non plus que les catholiques étaient tous parfaits…
Mais il parle de la fécondité extraordinaire
de l’Église du Québec qui a donné tant de missionnaires.

Puis, il fait un diagnostic spirituel :
le démon a été envieux de cette fécondité
et il a mis son grappin sur cette fécondité.
Enfin est-ce que le Pape dit : « espérons un léger mieux ? »
Non ! Il nous dit que le Québec
peut demain donner à nouveau de nombreux missionnaires !

Mais… est-ce qu’une Église humble et modeste
peut former et donner des missionnaires ?
Oui !
Ce ne sont pas de missionnaires bien assis
dans des églises monumentales
dont le monde aura besoin demain,
mais de missionnaires de feu
qui aiment la pauvreté évangélique,
qui ne rêvent pas de pouvoir et de monuments,
mais qui vivent du Mystère pascal de Jésus.

Déjà Paul VI parlait de « la joie évangélique des humbles »
qui « transparaît partout dans un monde
qui parle du silence de Dieu » (Gaudete in Domino).

Il disait que la Bonne nouvelle suscite l’Alléluia de l’Église
et ne peut pas ne pas donner un « visage de sauvés » (idem).

Quelle heure est-il ?
L’heure de la conversion missionnaire de l’Église !
Il fallait qu’une vie monastique sorte des campagnes
et retourne en ville
pour y être missionnaire par le silence,
la liturgie, la vie fraternelle.
Et il faut une nouvelle génération de laïcs enflammés :
des jeunes, des adultes, des aînés qui vivent l’Évangile.

Un chrétien qui vit l’Évangile,
c’est cela « la nouveauté de Dieu dans l’Église et le monde ».
Et « Dieu aime beaucoup cette nouveauté »
(Pape François, Homélie 19.10.2014).

Voilà ce que nous venons puiser en chaque Eucharistie.
Paul VI dans sa lettre sur la joie nous dit ce qu’est la messe :
« L’Eucharistie, c’est le Christ crucifié et glorifié
qui passe au milieu des disciples
pour les entraîner ensemble dans le renouveau de sa résurrection ».

Jésus passe maintenant au milieu de nous…

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