FMJ Mtl30e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – A
Frère Thomas
Ex 22, 20-26 ; Ps 17 ; 1 Th 1, 5-10 ; Mt 22, 34-40
26 octobre 2014
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Aimer … Dieu, soi-même et son prochain …

Voilà un Évangile qui nous plaît,
qui plaît à notre culture ambiante qui a soif d’amour.
Les mutations culturelles qui ont marquées nos sociétés
dans les années 1960 et 1970 – révolution tranquille au Québec,
1968 en Europe – ont ceci de positif
qu’elles ont mis en valeur la fraternité
et l’authenticité dans les relations humaines.
Mais si nous regardons bien l’Évangile de ce dimanche,
quelque chose devrait nous fâcher.

L’amour y est présenté comme un commandement ;
un double commandement :
« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu ».
« Tu aimeras ton prochain ».
Or dans notre culture ambiante,
l’amour est un sentiment,
une émotion, un élan intérieur.
Il ne saurait être commandé.
C’est la raison pour laquelle – par exemple –
bon nombre de couples font le choix de ne pas se marier :
ils craignent qu’un aspect par trop juridique ou volontariste
n’enlève quelque chose à la fraîcheur
et l’authenticité de leur amour.
Dans beaucoup de chansons de variété, de grand public,
tel chanteur, telle chanteuse,
chante tantôt « Je t’aimerai toujours » ;
une autre fois « Je dois m’en aller » ;
une autre fois « ne me quitte pas » ;
et encore une autre fois « l’amour s’en va, l’amour revient. »

L’amour est ainsi regardé comme un jeu d’émotions.
C’est oublier que par l’amour,
des liens vitaux se tissent entre les personnes,
et quand il s’agit de l’amour conjugal, des enfants en naissent.
Ou bien nous considérons
que ce côté changeant, instable, de l’amour
fait partie de la nature des choses,
mais alors quel est le sens de notre vie humaine,
et comment allons-nous grandir ?
Comment allons-nous nous développer
si nous ne trouvons personne qui nous aime véritablement,
et si nous ne pouvons pas aimer véritablement à notre tour ?

L’amour, ce n’est pas un jeu.
Cela a pour nous les humains, un caractère vital sérieux,
pour être laissé aux seules émotions passagères,
aux humeurs changeantes.
Nous comprenons mieux alors
comment l’amour demande un commandement.
Non pas une directive coercitive,
car on ne peut forcer personne à aimer.
Mais une décision prise librement, qui engage tout notre être.

*

Des pharisiens veulent aujourd’hui
mettre Jésus à l’épreuve en Lui demandant
quel est le plus grand commandement de la Loi de Moïse.
Il y avait 613 commandements dans la Loi !

Il est intéressant que Jésus relève deux commandements, semblables,
qui n’étaient pas placés côte à côte dans la Torah.
L’amour de Dieu, au chapitre 6 du Deutéronome :
c’est la prière qu’un Juif religieux
récite plusieurs fois par jour.
Et l’amour du prochain, au chapitre 19 du Lévitique :
le Seigneur commande aux Israélites
d’aimer l’étranger qui réside chez eux comme eux-mêmes,
car eux aussi ont été étrangers en Égypte.
Pour Jésus, la pratique de la Loi de Moïse
se résume à la décision d’aimer Dieu et d’aimer son prochain.
C’est le sens à la vie que d’aimer.

Beaucoup aujourd’hui acquiesceraient avec l’amour du prochain,
mais l’amour pour Dieu, ils n’en voient pas l’utilité.
Pour Jésus, ce sont comme deux facettes d’une même pièce.
L’un ne va pas sans l’autre.
Aimer Dieu, c’est de tout son corps, de tout son cœur,
de toute son intelligence : bref, de tout son être.
Ce n’est donc pas rien. Et pourquoi cela ?
Parce que Dieu nous a aimé le premier
en nous créant et en prenant soin de nous.
Si j’aime Dieu ainsi, en vérité,
j’aimerai d’autant mieux les humains
qui sont, tout comme moi, issus de Lui.
Aimer le prochain, c’est aimer d’abord l’étranger
selon le livre du Lévitique.
Comme ce n’est pas naturel d’aimer l’étranger !
Comme j’ai tendance à mettre tous les étrangers
dans le même sac dès qu’il y en a un
qui fait quelque chose qui me déplaît.
Faisons attention aujourd’hui
à ne pas regarder tous les musulmans
comme des terroristes de l’État dit islamique !

Mais si j’aime véritablement Dieu,
j’aimerai plus volontiers l’étranger,
car je le verrai davantage comme mon frère, ma sœur,
fils ou fille du même Père des Cieux que moi.

Et si j’aime véritablement mon prochain comme moi-même,
je suis conduit à rechercher avec amour
ce Dieu qui est à la source de mon amour universel.
Je serai aussi à la quête de Celui
qui pourra faire durer mon amour,
par delà mes faiblesses,
par delà tous les obstacles à l’extérieur
ou à l’intérieur de moi que je pourrai rencontrer.

*

Si je prétends aimer Dieu sans aimer mon prochain,
alors ce n’est pas le Dieu d’Abraham, de Jésus Christ,
Créateur du ciel et de la terre que j’aime,
mais une déformation de Celui-ci.

Si je prétends aimer mon prochain, sans aimer Dieu,
je pourrai réaliser de belles choses, mais je vais m’essouffler.
C’est bien ce que montrent nos sociétés qui ont mis Dieu de côté.
Elles sont en mal d’espérance, de raisons de vivre.

Et si j’aime mon prochain,
il importe d’abord que je m’aime moi-même,
car sinon qu’est-ce que je vais lui donner.
Là encore, c’est Dieu qui nous apprend au mieux
à nous aimer nous-mêmes,
de l’amour dont Il nous aime.

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