FMJ Mtl3e DIMANCHE DE PÂQUES – C
Frère Antoine-Emmanuel
Ac 5, 27-32.40-41 ; Ps 29 ; Ap 5, 11-14 ; Jn 21, 1-19
14 avril 2013
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Plonger avec Pierre dans le cœur de Jésus

C’est pénible une nuit entière de pêche
qui se termine avec des filets vides.

Mais au matin une voix s’est fait entendre qui vient du rivage
invitant à un nouveau coup de filet.
Et parce que les sept compagnons ont obéi à cette voix,
le filet est plein à craquer.

Parmi les sept pêcheurs, c’est Jean, le disciple que Jésus aimait
à qui il est donné de reconnaître Celui qui, depuis le rivage,
a transformé la nuit stérile en un matin débordant de joie.
« C’est le Seigneur ! » proclame Jean (Jn 21,7).
À qui le proclame-t-il ? À Pierre.

Que fait Pierre ? Pas une hésitation :
Pierre se ceint lui-même de sa blouse et se jette à l’eau.

Est-ce qu’il se jette à l’eau pour s’en aller loin de Jésus
comme dans la première pêche miraculeuse où il s’était écrié :
« éloigne-toi de moi
parce que je suis un homme pécheur ! » (Lc 5,8).
Non !
Pierre se jette à l’eau pour rejoindre Jésus au plus vite.
Et il se jette tout habillé
parce qu’il quitte définitivement le métier de la pêche
pour devenir pêcheur d’hommes (Mt 4,19).

Pierre se jette à l’eau pour être avec Jésus.
C’est comme s’il se jetait en Jésus ;
il se jette dans le cœur de Jésus.
Il plonge dans le cœur de Jésus,
il ne veut vivre que de lui, que pour lui.

En un mot : Pierre aime Jésus.
Il l’aime d’un très grand amour
et plonge comme un amoureux !
D’ailleurs, il est le seul des sept à plonger…
Il aime Jésus plus que les autres.
En est-il conscient ?
Ce n’est pas sûr !

Alors Jésus va l’aider à prendre conscience
de l’amour qu’il porte,
de cet amour qui est étouffé
par le souvenir culpabilisant des reniements.
« Simon, fils de Jean,
m’aimes-tu de charité plus que ceux-ci ? » (Jn 21,15)
Est-ce que Pierre répond négativement :
Non !
La question de Jésus lui fait réaliser et nommer
l’amour qui l’habite.
« Oui, Seigneur, tu sais mon affection pour toi ! » (Id.)
C’est un fait, c’est une réalité :
Pierre aime Jésus plus que les autres l’aiment…

Mais est-ce que Pierre répond :
« Oui, bien sûr, je brûle de charité pour toi
et pour toi je donnerai ma vie» ?
Non !
Cela Pierre le disait avant la Passion,
mais il ne le dit plus.
Son amour de Jésus
– car Pierre a toujours beaucoup aimé Jésus –
a été purifié.
Il aimait tellement Jésus qu’il voulait le protéger,
et même le contrôler…
Aujourd’hui l’amour de Pierre n’est plus un amour prétentieux,
c’est un amour humble..
C’est donc un grand amour !

Mais pourquoi Jésus questionne Pierre trois fois ?
Parce que Jésus aime Pierre !
Parce que Jésus a pour Pierre une grande tendresse.
Pierre a renié Jésus trois fois.
Et cela publiquement…
au point que les quatre Évangiles en parlent !
Or Jésus permet à Pierre de confesser publiquement
son amour pour Lui par trois fois.
Jésus par amour, veut reconstruire Pierre.
Non pas le restaurer, mais le reconstruire.
Car c’est sur un nouveau fondement
que l’amour de Pierre repose.
Avant l’amour de Pierre reposait sur :
« Je donnerai ma vie pour toi ».
Désormais l’amour de Pierre repose sur :
«Jésus, tu as donné ta vie pour moi » …

Voilà un amour solide, un amour qui va tenir bon.
C’est ce que nous voyons aujourd’hui dans les Actes des Apôtres :
Pierre aujourd’hui proclame sa fidélité à Jésus
devant le grand prêtre et tout le sanhédrin,
lui qui avait renié Jésus en face d’une servante.

Cet amour humble, cet amour fondé sur la croix de Jésus,
est un amour qui va aller jusqu’au bout.
C’est ce que Jésus dévoile à Pierre au bord du lac :
quand il était dans la barque,
il s’est ceint lui-même de sa blouse.
Mais va venir un moment où il ne se ceindra plus lui-même :
un autre le ceindra et le mènera là où il ne veut pas aller.
Son plongeon dans le cœur de Jésus,
ce ne sera plus un plongeon orchestré par lui-même :
c’est pour le martyre qu’il va aimer pleinement, follement, Jésus.
Le plus grand amour ne sera plus
de faire des grandes choses pour Jésus,
mais d’être persécuté à cause de Jésus.
Et Pierre ira jusque là.
Il mourra martyr dans le cirque du Vatican,
victime dans les années 65-66 de la folie meurtrière de Néron.

Mais revenons à l’Évangile.
Qui a eu l’initiative de cette sortie de pêche ?
C’est Pierre !
Ses six compagnons ont-ils regretté d’avoir embarqué ?
Pour un moment, oui…
Mais quand le filet s’est rempli
et qu’ils ont goûté la joie de l’autre rive,
nul doute qu’ils n’ont pas regretté d’avoir suivi Pierre !
Et ceux qui n’étaient pas là ont dû bien le regretter.

Ce peut être rude de suivre Pierre,
les filets peuvent être vides pendant bien longtemps,
mais jamais nous ne regretterons d’avoir suivi Pierre,
parce qu’avec Pierre nous rejoindrons l’autre rive,
la rive de la Résurrection,
et nous la rejoindrons avec une foule de baptisés
aussi nombreux et d’origines aussi différentes
que le symbolise le filet archi-plein
avec les 153 poissons qui expriment une diversité extraordinaire
dans un filet qui ne se déchire pas.

C’est donc bien Pierre que Jésus a choisi et confirmé.
Jésus, après les reniements de Pierre,
n’a pas nommé un autre pasteur pour son troupeau :
il a confirmé Pierre.
Pierre qui tire le filet sur le rivage,
c’est-à-dire qu’à Pierre est confiée la Miséricorde divine
qui nous fait entrer au Ciel.
Pierre qui est chargé de « paître » le troupeau,
c’est-à-dire non pas posséder le troupeau – il est à Jésus –
ni de dominer sur le troupeau,
mais de le guider et d’en prendre soin.
Et c’est bien ce que fait le Pape François aujourd’hui !

Parce qu’il aime Jésus, Pierre peut prendre la tête du troupeau,
parce que c’est à Jésus et non à lui-même
qu’il va nous conduire.

Et Pierre n’est pas seul.
Il faut Pierre, mais il faut aussi Jean.
Jean suit Pierre et Pierre écoute Jean.
C’est la grâce de l’Église,
C’est la respiration de l’Église…
Et Jean c’est chacune et chacun de nous
quand nous nous laissons aimer par Jésus.
C’est ainsi que Jean « demeure » et demeurera (cf. Jn 21,22)
jusqu’au retour glorieux du Seigneur.

*

Pierre a beaucoup aimé Jésus.
F. Pierre-Marie n’hésitait pas à le dire et le redire :
« Pierre est l’homme qui a le plus aimé Jésus sur la terre »
commentant le regard de Jésus sur Pierre après son reniement,
Pierre-Marie écrivait ceci en 2011 :

« Il y a quelque chose de plus beau qu’un juste impeccable :
c’est un pécheur humblement repenti.
Quelque chose de plus grand qu’un fort qui tient ferme :
c’est un faible qui met tout son cœur à se relever » (SV 158, p. 39)
Il est beau, Pierre ; il est grand !
Et Pierre aujourd’hui nous invite à plonger avec lui
dans le cœur de Jésus.
Le voulons-nous ?

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