FMJ Mtl4e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – B
Frère Antoine-Emmanuel
Dt 18, 15-20 ; Ps 94 ; 1 Co 7, 32-35 ; Mc 1, 21-28
29 janvier 2012
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

« Silence, sors de cet homme ! »

La première lecture de ce dimanche nous invite à repartir du Sinaï.
Le peuple récemment libéré d’Égypte est au pied de la montagne :
Le troisième jour, au matin,
il y eut des voix, des éclairs,
une nuée pesant sur la montagne
et la voix d’un cor très puissant (Ex 19,16)
et, nous dit l’Exode, tout le peuple trembla.
Dieu se manifestait avec une puissance bouleversante.
Pourquoi ? Pour que sa crainte soit sur le peuple (cf. Ex 20,20).
L’expérience fut si impressionnante que le peuple supplia Moïse :
« Parle-nous toi-même et nous entendrons
mais que Dieu ne nous parle pas,
ce serait notre mort » (Ex 20,19).

Ont-ils eu tort de faire cette demande ?
Non, dit clairement le Seigneur à Moïse :
« ils ont raison »,
et le Seigneur de promettre que viendra un nouveau prophète,
un nouveau Moïse
par qui le peuple pourra entendre la Parole de Dieu.

Oui, ce n’est plus par une voix de tonnerre
que Dieu se fera désormais entendre,
mais par une voix humaine, une voix familière.

Mais le chemin ne s’arrête pas là.
À l’heure de l’exil à Babylone,
le Seigneur annonce qu’Il va se révéler à son peuple
d’une manière plus proche encore,
plus familière, plus intime :
« après ces-jours-là, oracle du Seigneur,
je déposerai mes directives au fond d’eux-mêmes,
les inscrivant dans leur être. (…)
Ils ne s’instruiront plus entre compagnons, entre frères,
répétant ‘apprenez à connaître le Seigneur’
car ils me connaîtront tous, petits et grands » (Jr 31, 33-34).
L’expérience bien concrète que fit Élie
allait déjà dans ce sens
quand Élie apprit que Dieu ne se révélait plus au Sinaï
dans la tempête, le tremblement de terre ou le feu,
mais dans le bruit d’un silence ténu, (1 R 19,12)
dans une voix de fin silence.

*

D’une voix de tonnerre à une voix familière,
d’une voix familière à une voix intérieure…

C’est ce que Jésus est venu accomplir !
« Si quelqu’un m’aime, il observera ma parole,
et mon Père l’aimera ;
nous viendrons à lui,
et nous établirons chez lui notre demeure » (Jn 14,23).

Le « prophète » nous est désormais intérieur.
Le « prophète », ou, mieux : le Verbe de Dieu Lui-même.
Rejeté et crucifié,
Il est ressuscité esprit vivifiant (1 Co 15,45)
et Il habite en nous.
Par l’Esprit Saint, onction qui pénètre
jusqu’au plus profond de nous,
Il nous est présent intérieurement.
De l’intérieur Il frappe à notre porte
pour nous révéler la tendresse du Père qui L’envoie.

C’est la première expérience des disciples au jour de Pâques :
« Notre cœur ne brûlait-il pas en nous
tandis qu’Il nous parlait en chemin
et nous ouvrait les Écritures ? » (Lc 24,32).
C’est aussi le témoignage de Paul.
Le Dieu qui a dit « que la lumière brille au milieu des ténèbres
c’est Lui-même qui a brillé dans nos cœurs » (2 Co 4,6).
Le Père a brillé dans nos cœurs.
Le Père resplendit dans nos cœurs
pour faire resplendir le connaissance de sa gloire
qui rayonne sur le visage du Christ (id.).

Comme nous sommes loin du tonnerre du Sinaï.
Peu à peu dans l’histoire du peuple de Dieu,
comme dans l’histoire de chacun de nous,
Dieu se révèle de manière plus intérieure,
plus profonde, plus intime.
L’Esprit se joint à notre esprit dit Saint Paul (Rm 8,16).
L’Esprit Saint qui est Dieu,
grand vent de Dieu,
souffle d’Amour du Père et du Fils
se joint à notre esprit.
La voix de fin silence est désormais toute intérieure.
Elle est la voix de notre conscience,
écho de la tendresse de Dieu,
et elle est plus que la voix de la conscience :
elle est la voix de la présence personnelle
de Dieu et de son Christ
dans le sanctuaire de notre esprit.

Souffle divin,
Souffle fragile.
Dieu fragile au fond de nous.
Fragile parce qu’Il est Amour
et que l’Amour est pur don de soi.

*

Frères et sœurs, telle est l’aventure de la Révélation divine
que l’Église nous apprend à goûter chacun, personnellement
et qui de l’intérieur nous unit
dans une même écoute et un même amour.

Mais ce n’est pas d’emblée que l’on prête l’oreille
à cette déclaration d’amour de Dieu à l’intime de nous-mêmes.
Que de bruits autour de nous.
Et surtout : que de bruits en nous !

L’Évangile de ce jour nous donne une image très exacte
de ce qui se joue en nous.
Quand Jésus entre dans notre lieu saint,
dans notre synagogue intérieure
ce n’est pas le silence qui l’accueille,
mais le tapage des esprits mauvais.

Combien de fois notre espace intérieur
est bruyant de discours intérieurs,
de discours sur Dieu, à propos de Dieu,
contre Dieu ou pour Dieu.
C’est la cacophonie de Babel en nous.

Là se manifeste notre fragilité,
voire les douloureuses et humiliantes maladies mentales
qui sont de lourdes croix portées
par de grands amis du Seigneur.

C’est aussi là le terrain de jeu des esprits mauvais,
des esprits bavards qui prêchent
un dieu justicier,
un dieu scrupuleux,
un dieu accusateur,
un dieu inquisiteur,
un dieu compliqué.

« Apprends ceci mon frère,
dit un moine du désert de Gaza,
toute pensée en laquelle ne prédominent pas
le calme et l’humilité
n’est pas selon Dieu,
mais une prétendue bonne inspiration
venant des esprits mauvais.
Car Notre Seigneur vient avec calme,
mais tout ce qui est de l’Ennemi
s’accompagne de trouble et d’agitation ».

« Je sais qui tu es : le saint de Dieu » (Mc 1,24)
dit l’esprit bavard quand Jésus rentre dans la synagogue.
Mais Jésus ne laisse pas parler ce démon :
« Tais-toi ! sors de lui ! ».
Et la synagogue retrouve son calme
comme le lac retrouvera son calme, apaisé par Jésus.
Alors la Parole pleine d’autorité et de vie de Jésus
peut résonner et toucher les cœurs.

*

Voilà ce que le Seigneur veut accomplir en nous ce matin.
Son Évangile intérieur est libération
des discours religieux inutiles
et notre lieu saint intérieur
se laisse habiter par la Parole vivante du Père.

« Goûtez et voyez comme est bon le Seigneur »
dit le Psaume. (33(34)9)
Goûte et voie combien le Seigneur est bon en toi.
« Tout près de toi est la Parole, dit l’Écriture,
dans ta bouche et dans ton cœur » (Rm 10,8)

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