FMJ Mtl21e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – A
Frère Antoine-Emmanuel
Is 22, 19-23 ; Ps 137 ; Rm 11, 33-36 ; Mt 16, 13-20
21 août 2011
Notre-Dame d’Aubrac

« Le mystère de l’Église »

Paul est surprenant !
Dans ce que nous lisions de lui dimanche dernier,
il manifestait une compréhension extraordinaire
du dessein de Dieu,
une vision grandiose de l’histoire d’Israël et des nations :
Dieu, écrivait-il, a enfermé tous les hommes
dans la désobéissance pour faire à tous miséricorde (Rm 11,32),
comme s’il voyait d’un seul regard tout l’agir de Dieu
dans l’histoire des hommes.
Puis, et c’est ce que nous venons d’entendre,
il est comme pris de vertige :
Ô abîme de la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu !
Que ses décrets sont insondables
et ses voies incompréhensibles ! (11,33)

Paul contemple, voit, comprend,
puis se trouve saisi par l’immensité
de ce qui dépasse sa compréhension.
Un peu comme Job qui affirmait :
« J’ai raconté des œuvres grandioses que je ne comprends pas,
des merveilles qui me dépassent et que j’ignore » (Job 42,3).

Nous-mêmes, déjà, nous pouvons être pris de vertige
ne serait-ce que devant le ciel étoilé
que l’on peut voir depuis l’Aubrac.
Il y a aussi le vertige des scientifiques quand ils étudient
les premiers millionièmes de secondes du big bang ;
ou le vertige des philosophes devant le mystère de l’être…

Mais le vertige des croyants est plus grand, beaucoup plus grand ;
le vertige devant le Mystère de Dieu !
Devant Dieu, dit Isaïe, toutes les nations [de la terre]
sont comme une goutte d’eau au bord d’un seau,
on en tient compte comme d’une miette sur une balance (Is 40,15).
Des générations de croyants se sont émerveillées
et ont confessé comme Grégoire de Nazianze s’écriant :
« Ô Toi l’au-delà de tout
comment t’appeler d’un autre nom ? »

*

Dieu grand, si grand, au-delà de tout…
et en même temps proche, incroyablement proche
puisque Paul poursuit son cri d’émerveillement en affirmant
que tout est de Lui, tout est par Lui, tout va vers Lui (Rm 11,36).
Car pour nous chrétiens, dit Paul aux Corinthiens :
il n’y a qu’un seul Dieu, le Père,
de qui viennent toutes choses et vers qui nous allons
et un seul Seigneur, Jésus Christ,
par qui viennent toutes choses et par qui nous allons. (1 Co 8,6)

Dieu si grand et si proche.
Alors le vertige devient adoration, action de grâce, eucharistie.
Parce que la foi nous fait discerner,
nous fait voir,
l’amour de Dieu en toute chose, en tout évènement.

Le don de la foi nous fait reconnaître la présence aimante de Dieu
dans tout ce qui tisse notre vie.
Et c’est là l’expérience de Pierre dans l’Évangile d’aujourd’hui.

*

Regardons de près ce qui s’est passé à Césarée de Philippe.
Pierre, comme tout le monde,
a vu les signes que Jésus accomplissait
et il a constaté l’autorité inégalable de sa Parole.
Et, comme tout le monde, il pourrait affirmer
que Jésus est un prophète, un grand prophète,
mais le don de la foi lui fait voir en Jésus beaucoup plus.
Il lui fait voir le Roi qu’Israël attend,
le Fils du Dieu vivant .

Mais est-ce que cela a du sens ?
Un homme peut-il sauver le monde
quand il ne prend pas le chemin du pouvoir,
de la force, des armes ?
Mais Pierre est bien ferme et clair :
« Tu es le Messie, – c’est-à-dire le Roi-Messie –
le Fils du Dieu vivant » (Mt 16,16).
Alors Pierre, parce qu’il se soumet au don de foi
que le Père fait jaillir en lui,
devient rocher, devient roc :
« Tu es Pierre, et sur cette pierre,
Je bâtirai mon Église
et les puissances de l’enfer ne pourront rien contre elle » (16,18).

Et là, c’est un nouveau vertige qui nous prend :
comment un homme aussi fragile que Pierre peut-il être roc ?
Et comment l’Église faite de femmes et d’hommes
inconstants et vulnérables,
peut-elle être plus forte que les puissances du mal et de la mort ?
Et comment à Pierre, un homme, peut être donné
un pouvoir de lier et de délier qui engage la vie éternelle ?

Frères et sœurs, tout cela, beaucoup le contestent aujourd’hui,
et nous-mêmes sommes peu fidèles à ce mystère.
Beaucoup ne voient dans l’Église
et dans les communautés ecclésiales
que des réalités seulement humaines
et au demeurant fort critiquables et coupables de graves délits.

Disons-le ce matin : l’Église est un mystère de Dieu !
Elle est si humaine, tellement humaine
avec toutes mes fragilités,
les vôtres et celles de tous les chrétiens.
Oui !

Et l’Église est incroyablement divine.
Non par un décret du pape qui en aurait décidé ainsi,
mais par la volonté de Dieu,
par l’amour de Dieu
qui nous laisse, nous les chrétiens, les premiers émerveillés
et si souvent incapables d’affirmer un tel mystère.

Et pourtant Jésus est clair :
« Je bâtirai mon Église »…
C’est la sienne ; elle est divine !

Frères et sœurs, lorsque vous allez à la messe,
même si la liturgie est pauvre
et qu’il n’y a que des têtes grises ou des cheveux blancs,
c’est un mystère de Dieu qui s’y déploie.
Toute messe est une « messe sur le monde »
d’où jaillit le Salut pour l’univers entier.

Et ceux qui vont se confesser le savent bien :
mêmes si vous confessez des choses banales
et recevez des conseils qui n’on rien d’extraordinaire,
c’est une théophanie,
c’est le Feu de l’Esprit qui consume le péché
et fait jaillir un amour neuf et inédit.

Et les couples chrétiens ?
Ils ressemblent à tous les autres couples, bien sûr !
Mais s’ils puisent dans le sacrement de mariage,
ils deviennent par leur fidélité et leur tendresse
une manifestation, une icône vivante de Dieu Trinité.

Et nous, consacrés, nous sommes et restons
des hommes et des femmes très ordinaires,
mais l’appel de Dieu, pour autant que nous y sommes fidèles,
fait de nous des signes du Royaume de Dieu !

Quant aux prêtres et à vos évêques,
ce sont eux aussi des hommes tout à fait ordinaires,
mais une sorte de baiser de Dieu
en a fait les instruments des plus grandes merveilles de Dieu.

*

Chers amis, ne vous privez pas de ce vertige-là !
Du vertige du mystère de l’Église.
N’ayez aucune peur de voir les fragilités de l’Église ;
la vérité rend libres.
Mais regardez le don de Dieu qui s’y trouve
et se déploie en grâce pour le monde.

Il y a, oui, un vertige du Mystère de l’Église,
et moi-même, comme Paul, comme Job, je parle, je prêche,
et en même temps je proclame que ce Mystère
est au-delà de toutes nos paroles.

Parce que l’Église, c’est le Corps du Christ.
Parce que vous êtes baptisés,
vos corps sont les membres du Christ.
Vous ne vous appartenez plus !
Vous êtes, nous sommes ensemble, l’Église de Dieu,
aujourd’hui, à Aubrac.

Il est certain que tous ceux et celles
qui n’appartiennent pas à l’Église aujourd’hui
portent tous et toutes un reflet de Dieu,
qui les fait exister et qui les aime infiniment.
Mais les chrétiens rassemblés au Nom de Jésus
et vivent des sacrements,
sont une épiphanie de l’Amour de Dieu.

L’Eucharistie que nous célébrons ce matin
rayonne sur toute la région.
La Puissance de Dieu se déploie dans notre misère
au profit de tous les humains.

L’Eucharistie est la véritable thérapie du monde d’aujourd’hui :
elle assainit le monde.
Ici, Jésus se charge de nos maux, de nos péchés, de nous chrétiens,
et nous envoie dans le monde
habités par un amour neuf et un regard d’espérance.

Quelle grâce que de pouvoir vivre en Église,
saisis et réjouis par son mystère !

Mais, frères et sœurs, n’oublions pas
que tout cela ne devient réel pour nous
que si avec Pierre nous confessons Jésus
Roi, Seigneur, Souverain de notre vie !

Regardez ce Christ roman magnifique.
Il est le Seigneur.
Et avec les centaines de milliers de jeunes
réunis à Madrid autour du successeur de Pierre,
nous disons OUI à Jésus unique souverain de nos vies !

C’est de Lui que nous voulons vivre au quotidien.
Nos racines… nous les mettons en Lui, dans Son Cœur.
Les fondations de notre vie, de nos choix, c’est Lui !
Notre appui, notre soutien, c’est la foi en Lui, Seigneur et Sauveur.

Oui, Jésus, glorifié dans ta mort,
Toi qui Te livres à nous en cette Eucharistie,
Tu es le Roi Messie,
le Fils du Dieu vivant
et l’Église est ton Corps !
Amen.

© FMJ – Tous droits réservés.