FMJ Mtl17e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – A
Frère Antoine-Emmanuel
1 R 3, 5.7-12 ; Ps 118 ; Rm 8, 28-30 ; Mt 13, 44-52
24 juillet 2011
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Les Paraboles : outils d’interprétation de notre vie

Une chose que j’ai appris à découvrir au Québec
et que j’apprécie de plus en plus,
ce sont les Centres d’interprétation dans les Parcs régionaux.
Là, on apprend à distinguer
entre un bélouga et un rorqual commun.
On apprend que lorsqu’un arbre est coupé de telle façon,
c’est qu’il a été taillé par un castor.
On découvre que telle espèce de plante indique un sol acide
et toutes sortes d’autres choses fort intéressantes.

Ainsi en est-il des paraboles.
Se sont de merveilleux outils d’interprétations
pour nous aider à discerner où se trouve le Royaume de Dieu ;
pour nous aider à discerner ce qui y appartient
et ce qui n’y appartient pas.

Puisque nous voici rendus au terme d’une année pastorale,
nous pouvons appliquer ces outils d’interprétation
pour en faire ensemble une relecture de l’année écoulée.

Appliquons ce que nous enseignent ces paraboles
à la vie dans nos communautés et à notre vie personnelle.

*

La Parabole du semeur
nous dit que la réalité du Royaume de Dieu
est le plus souvent mal accueillie.
Aussi, là où il est écrit « succès rapide garanti »,
ce n’est pas le Royaume.

Cette Parabole nous révèle les trois maladies du cœur de l’homme :
le cœur étanche, le cœur qui zappe et le cœur frivole,
qui font que la semence de la Parole ne peut porter son fruit.

Mais elle nous dit aussi que la même semence si souvent rejetée,
quand elle atteint le cœur profond d’un homme ou d’une femme,
peut avoir une fécondité inouïe.

Alors, là où des hommes, des femmes
continuent à semer l’Évangile malgré tous les refus,
là est le Royaume de Dieu.

Quand tu as continué à témoigner avec humilité,
à aimer, à pardonner malgré toutes sortes d’oppositions,
tu vivais du Royaume de Dieu.
Et une chose est certaine :
Jésus-le-Semeur est en train d’ensemencer ta vie.

Les Paraboles du grain de sénevé et du levain
nous révèlent qu’il y a toujours dans le Royaume
une fragilité, une petitesse, quelque chose d’insignifiant
et en même temps une surprise.

Quand une seule de tes paroles, un simple geste ou un cri vers Dieu
a suscité beaucoup de vie, beaucoup d’amour,
tu vivais alors du Royaume de Dieu.

Il y a aussi la dimension de l’enfouissement.
Ce qui est du Royaume
passe par un moment d’invisibilité, d’échec.
Il y a des gestes que nous avons posés,
des heures de prières données,
dont l’appartenance au Royaume
ne se dévoilera que dans très longtemps.

Si tu reconnais ici le Royaume de Dieu dans ta vie,
quelle grâce : tu t’es posé comme un oiseau
sur l’arbre de la Croix.
Tu es de cette humanité qui lève
parce que le Christ-Levain-du-Monde
travaille silencieusement ta vie.

La Parabole de l’ivraie elle,
nous dit que la présence du Royaume de Dieu
attire, suscite une présence du mal.

Si nous n’avons jamais été tentés par le jugement,
le découragement, la peur,
est-ce le Royaume que nous avons suivi ?

Si nous avons voulu créer ici-bas
un monde de purs, une Église de parfaits,
rejetant tout ce qui porte la blessure du péché,
sachons que ce n’est pas le Royaume qui nous animait.

En revanche, quand notre vie était empreinte
d’une patience et d’une miséricorde qui nous surprenaient,
le Royaume de Dieu était là.

Alors, nuls doutes que la patience du Christ-Paysan
est en train d’imprégner ta vie…

Ce qu’il y a de plus évangélique sur mon ordinateur,
c’est peut-être le tout petit sablier qui s’affiche
et me dit « patience »…

Viennent ensuite les Paraboles du trésor et de la perle.
Nous y découvrons que le Royaume a toujours deux qualités.

La première est celle de nous émerveiller.
Que notre découverte soit inattendue
comme celle d’un trésor dans un champ
ou qu’elle soit une longue recherche
comme celle du négociant en perles fines,
la réalité du Royaume de Dieu suscite un émerveillement intérieur.
Le signe de la présence du Royaume est la joie profonde.

Le Royaume a une autre qualité : on ne peut « l’acquérir »
sans se défaire de ce que l’on possède jusque là.
Nul ne peut servir deux maîtres à la fois (Mt 6,24) !

Si, dans la joie,
tu t’es défait d’un bien qui t’était précieux,
ou de tes sécurités pour aimer, pour servir,
le Royaume de Dieu était là!
Car le Royaume nous décolle de nos richesses.

Sache alors que le Christ agit en toi
parce qu’Il a reconnu en toi la perle précieuse
pour laquelle le Père te demandait de tout perdre pour l’acquérir.

Et la Parabole du filet ?
Si nous avons jeté le filet de l’amour
consentant à prendre soin des autres avec toutes leurs misères
comme nous avons pris soin de nous avec toutes nos misères,
et si nous avons laissé à Dieu seul le jugement,
alors le Royaume de Dieu était là.
Et, c’est certain : nous sommes nous même dans le filet de Jésus
qui est l’Église,
ce filet qui nous retire des eaux de la mort
et nous mène au rivage du Ciel.

*

Frères et sœurs, toutes les Paraboles ont un double aspect :
d’une part il y a toujours quelque chose qui ne fonctionne pas
selon notre idéal de perfection.
Il faut attendre,
ou il faut cohabiter avec le mal,
ou il faut tout perdre…
Au regard humain, le Royaume est toujours insatisfaisant.

L’autre aspect est qu’au milieu de cette imperfection,
il y a un débouché déconcertant et absolument certain
vers la vie, vers l’éternité.

Il faut tout perdre pour tout recevoir
et tout perdre encore pour tout recevoir à nouveau.

C’est le Mystère du Fils.
C’est le Mystère de la Croix.
C’est le Royaume de Dieu dans notre vie.

*

Frères et sœurs, cette année nous avons vécu souvent
hors de cette dynamique du Royaume
et donc nous avons souvent perdu notre temps,
nous avons gâché le temps que Dieu nous donne,
mais le Seigneur nous garde dans son filet
parce que son amour est éternel.

Une chose est urgente pour cet été :
que nous ouvrions toujours plus notre vie à la Parole.
Alors la force mystérieuse de la semence,
la force discrète du levain, c’est-à-dire l’Esprit Saint,
continuera à nous travailler.
Nous deviendrons des amis de Dieu,
des hommes et des femmes qui aiment Dieu.

Et il se passe alors cette chose extraordinaire :
que nous en soyons conscients ou non,
tout dans notre vie, y compris la croix que nous portons,
collaborera pour le bien,
pour la vie, pour la joie (cf. Rm 8,28).

Le plus grand trésor de cette vie
c’est de reconnaître Jésus comme Souverain de notre existence.
C’est de reconnaître la Croix comme sagesse souveraine.

N’hésitons pas un instant à tout perdre pour Jésus.
Nous sommes et serons éternellement
le trésor du Père, du Fils et de l’Esprit Saint,
leur perle précieuse chérie.

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