FMJ MtlLA SAINTE TRINITÉ – A
Frère Antoine-Emmanuel
Ex 34, 4-6.8-9 ; Ct Dn 3 ; 2 Co 13, 11-13 ; Jn 3, 16-18
19 juin 2011
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

La Trinité : une danse ?

« Fais-moi donc voir ta gloire ! » (Ex 33,18)
C’est la prière de Moïse au lendemain du veau d’or,
au lendemain de la grande trahison du peuple d’Israël.

Fais-moi voir ta gloire…
Le Seigneur ne refuse pas cette demande.
Il invite Moïse à monter sur la montagne
où il trouvera un lieu près de Dieu (cf. 33,21).
Moïse se tiendra sur le rocher,
et lorsque passera la gloire de Dieu,
Dieu Lui-même mettra Moïse dans le creux du rocher.
Il l’abritera de sa main puis Il écartera sa main
et Moïse verra Dieu de dos (cf. 33,23).

De fait, Moïse est monté sur la montagne
avec les deux nouvelles tables de pierre encore vierges,
et le Seigneur est descendu dans la nuée.
Il est passé devant Moïse
et Il a proclamé son mystère :
« Le Seigneur, le Seigneur,
Dieu miséricordieux et bienveillant… » (Ex 34,6).

Moïse est resté quarante jours et quarante nuits sur la montagne,
jeûnant, écoutant la Parole de Dieu
et accueillant le renouvellement de l’Alliance
qui était pure miséricorde.
Quand il redescendit,
son visage était rayonnant de lumière (cf. Ex 34,29)
et il avait en main les deux tables
où étaient maintenant inscrits les commandements de Dieu.

*

Frères et sœurs, voilà ce que le Seigneur
veut nous faire vivre aujourd’hui :
la montagne, la sainte montagne,
c’est la célébration de l’Eucharistie.
Le nouveau Sinaï, c’est le Mystère pascal de Jésus et du Père.
Chaque Eucharistie est une manifestation bouleversante de Dieu,
et en même temps, Dieu nous met dans le creux du rocher ;
Il nous abrite de sa main,
parce que le Mystère est encore trop grand pour nous.

Tout le Mystère de Dieu est là, révélé et voilé.
L’Eucharistie est la réponse parfaite
à notre désir de voir la gloire de Dieu,
mais « c’est de nuit », c’est voilé.

Et quelle est la Parole
que nous entendrons sur ce nouveau Sinaï ?
La même que Moïse entendit :
« Le Seigneur, le Seigneur,
Dieu miséricordieux et bienveillant » ;
la même, mais avec une profondeur de révélation démultipliée,
une transparence extraordinaire ;
c’est l’Évangile de ce jour :
Dieu a tant aimé le monde,
qu’Il a donné le Fils, l’Unique-engendré (Jn 3,16).

Avec un peu d’audace, nous pouvons la réentendre
comme une Parole que le Père prononce :
Moi, le Père, J’ai tant aimé le monde,
Je vous ai tant aimé,
que J’ai donné mon Fils, mon Unique que J’engendre,
pour que tout humain qui croie en Lui
ne se perde pas, mais ait la Vie éternelle,
et qu’il vive éternellement en Moi.

J’ai tant aimé le monde…
Ce n’est pas là l’expression d’un sentiment,
d’une affection, d’une intention :
aimer, dans le langage biblique, c’est concret,
ce sont des gestes !

J’ai tellement été présent au monde
déployant tous les gestes de mon Amour ;
J’ai tellement béni l’humanité,
Je me suis tellement prodigué pour elle
que Je vous ai donné mon Fils.

Et « donner » ici, n’est pas un don momentané :
c’est un don fait pour l’éternité.
Et nous, en ce jour de la Fête des pères,
nous voyons le Père qui donne son Fils
pour que nous ayons la Vie.

Qu’est-ce que veut le Père ?
Que quiconque voit le Fils et croit en Lui
ait la Vie éternelle (Jn 6,40).

Le Père n’a pas envoyé son Fils pour nous juger,
pour nous condamner,
mais pour nous sauver,
pour que nous ayons la Vie.

*

Depuis le Mercredi des cendres,
nous avons été plongés
dans le grand amour du Christ
et embrasés du Feu de l’Esprit,
et aujourd’hui nous levons la tête
et regardons d’où vient cet Amour fou :
Il vient du Père.

Aujourd’hui nous pouvons nous laisser envelopper
par la tendresse du Père.

Dieu est amour (1 Jn 4,16)
signifie en premier lieu : le Père est Amour,
le Père est continuel déploiement
de tendresse et de fidélité,
de miséricorde et de bienveillance.

Nous ne pouvons nous représenter le Père,
parce que le Père n’est pas une figure statique ;
Il est Amour qui ne cesse de déborder.

Il est tellement proche de nous…

Quelle a été la souffrance de Jésus,
Lui qui connaît le Père,
de voir les humains si ignorants de l’Amour du Père…
Quelle a été sa souffrance
de voir que les religieux bâtissaient
des barrières et des exclusions religieuses,
alors que le Père est miséricorde pour tous ses enfants…
Dieu est amour.
Et parce qu’Il est Amour,
Il ne peut pas aimer plus ou aimer moins.
« Moi, il m’aime juste un peu… » Non !
Il est Amour et ta vie est précédée
et enveloppée de l’Amour de Dieu.

Rien de ce que nous faisons,
rien de ce qui nous arrive
ne peut affecter et encore moins éteindre
l’Amour de Dieu pour nous.

Dieu est amour.
C’est dire que Dieu est insaisissable.
Il est en perpétuel don.
Nous voyons souvent la Trinité
comme trois personnes bien mises
qui ont des sentiments magnifiques les uns pour les autres.
Non ! L’Amour est en mouvement, continuellement ;
l’Amour est Feu qui dévore ;
l’Amour est perte de soi,
offrande totale à l’autre aimé,
et accueil, ouverture infinie à l’autre.

La Trinité est une danse,
un débordement de Vie qui n’a pas de fin.
Le Père engendre le Fils,
Il Lui donne Vie,
Il Se livre dans le Fils comme en une mort d’Amour ;
le Fils reçoit le don et le remet,
Se remet au Père,
jusqu’à Se perdre,
jusqu’à une mort d’amour
où Il est éternellement aimé par le Père.
L’Esprit est autant l’union que le fruit.
Il est le souffle et la joie de l’Amour,
son élan et son débordement.

C’est cela que nous révèle la croix
dans la lumière de la résurrection.
C’est cela qui se manifeste sur le nouveau Sinaï.

Nous sommes les enfants d’un amour sans limite,
d’un amour que nous ne pouvons connaître
qu’en goûtant la mort,
qu’en goûtant une faiblesse radicale.
Nous ne connaîtrons le vêtement royal de l’Amour divin
qu’en consentant à l’extrême nudité.
Mais nous n’y serons jamais seuls :
unis au Christ nu, nous goûterons la tendresse du Père.

Le Père est là, tendresse infinie
qui nous embrasse dans le Souffle de l’Esprit Saint.
Et nous voici créatures nouvelles, miséricordiées.

Ce n’est pas sur des tables de pierre
que la Loi de Dieu se trouve désormais écrite :
c’est sur ton cœur qu’aujourd’hui,
Dieu Lui-même inscrit son Amour.

Tu es le fruit de mon Amour ;
Tu portes la ressemblance de mon Amour,
et mon Amour sera vainqueur en toi,
mon Amour te fera vivre éternellement.

Et c’est cela qui fera que tout à l’heure
sur le parvis et dans le métro et chez nous,
nos visages rayonneront comme jadis le visage de Moïse !

Et nous tous qui, le visage dévoilé,
reflétons la gloire du Seigneur,
nous sommes transfigurés en cette même image
avec une gloire toujours plus grande
par le Seigneur, qui est Esprit (2 Co 3, 18).

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