FMJ Mtl6e DIMANCHE DE PÂQUES – A
Frère Antoine-Emmanuel
Ac 8, 5-8.14-17 ; Ps 65 ; 1 P 3, 15-18 ; Jn 14, 15-21
29 mai 2011
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Allume ton GPS !

« Si vous m’aimez,
vous resterez fidèles à mes commandements » (Jn 14,15).
« Si vous m’aimez… »

Il y a dans ces mots de Jésus
une humilité, une pureté de cœur extraordinaire.
« Si vous m’aimez… ».
« Simon, Fils de Jean [Pierre], m’aimes-tu ? » (Jn 21,16).
« Si quelqu’un m’aime… » (Jn 14,23).

Comme nous sommes loin de tous les prédateurs de l’histoire
qui, comme Nabuchodonosor,
exigent qu’on les adore,
qu’on vénère leur statue,
et qui mettent à mort ceux qui ne les aiment pas.

« Si quelqu’un m’aime… »
On sent ici toute la charité de Jésus,
tout le respect qu’il a de la liberté
que lui-même nous a donné.

*

Alors, est-ce que nous aimons Jésus ?
Regardons quel rapport nous avons avec sa Parole,
et nous saurons si effectivement nous aimons Jésus.
« Celui qui a mes commandements et qui les garde,
c’est celui-là qui m’aime ;
or, celui qui m’aime sera aimé de mon Père ;
et moi je l’aimerai et je me manifesterai à lui. » (Jn 14,21)

Et que fait Jésus en ce moment même
dans son amour pour nous ?
Il prie le Père.
Il est le Fils qui prie filialement le Père,
qui prie pour nous.
Avec notre oreille intérieure
nous pouvons entendre cette prière de Jésus adressée au Père :
Père, donne à Matthieu, à Élisabeth, à Pierre, à Rolande,
un autre Paraclet qui soit avec lui, avec elle, pour l’éternité.
Père, donne-leur l’Esprit de Vérité.

Voilà le grand don
que Jésus va renouveler en nous et en toute l’Église
en ce temps béni autour de Pentecôte.
Le grand don auquel aujourd’hui
il nous faut préparer notre cœur:
l’Esprit de Vérité.

L’Esprit, c’est le Souffle, « pneuma ».
Par nature, le souffle, le vent ne se voit pas,
mais il peut transformer notre réalité terrestre.
Il peut caresser le visage,
comme il peut tout détruire sur son passage.
Mais on ne sait ni d’où il vient ni où il va. (cf. Jn 3,8)
On ne peut l’arrêter,
on ne peut le photographier,
on ne peut l’emprisonner,
on ne peut le figer.

Ainsi en est-il de l’Esprit Saint,
ce souffle divin que nous ne voyons pas
mais qui agit avec puissance
à l’intérieur de nous-mêmes et de nos relations.

Et Jésus nous dit qu’il est Esprit de Vérité (Jn 14,17).
Dans notre conception bien latine et occidentale,
nous comprenons vérité comme une adéquation
entre un mot, une définition, et la réalité.

Mais le sens biblique est beaucoup plus existentiel.
Le mot hébreu « emeth »
signifie plus fidélité que vérité conceptuelle.
La vérité, c’est ce sur quoi nous pouvons appuyer notre vie,
c’est la fidélité de Dieu à ce qu’il est et à son Alliance.
La Vérité, la seule vérité
sur laquelle je peux ultimement me reposer,
c’est le « Amen » (de emeth)
que Dieu a donné une fois pour toutes à ma vie.

Qu’est-ce alors que l’Esprit de Vérité,
que le Souffle de Vérité ?
C’est le Souffle qui me conduit dans cette fidélité de Dieu,
ce Souffle qui déblaye tous mes faux appuis,
mes fausses sécurités
et qui me dévoile (aletheia) l’Amour fidèle de Dieu
tel qu’il s’est révélé en Jésus.

Un Souffle qui me rend solide !!
Parce qu’il me conduit à la Vérité toute entière (Jn 16,13).

L’Esprit Saint, onction qui [nous] enseigne tout (1 Jn 2,27)
n’est pas un professeur de théologie,
c’est un courant d’amour d’une liberté infinie
qui n’arrête pas de me remettre dans l’Amen de Dieu à ma vie.
Il nous replonge dans l’Amour de Jésus,
Il rend à notre vie sa vraie et seule solidité
qui est l’Amour de Dieu.

Jésus nous dit aussi qu’il est Paraclet, (Jn 14,16)
c’est-à-dire que lorsque des voix intérieures et extérieures
cherchent à ridiculiser notre foi,
à moquer notre amour,
de même qu’à dénigrer notre espérance
comme si nous étions accusés à la cour,
Il est, Lui, le Défenseur, l’Avocat,
qui nous fait gagner à la cour,
au point que notre foi, notre espérance et notre amour
ressortent grandies et approfondies par l’épreuve.

Quel compagnonnage extraordinaire que celui de l’Esprit Saint
dont Jésus nous dit qu’il sera en nous. (cf. 14,17)

La condition est de l’accueillir,
de lui faire de la place.

Les Actes des apôtres nous parlent des disciples de Samarie
qui avaient reçu la Parole,
qui avaient reçu le baptême,
mais qui n’avaient pas reçu l’Esprit Saint :
L’Esprit n’était pas encore tombé sur aucun d’eux. (cf. Ac 8,16)

Et nous, frères et sœurs,
est-ce que nous laissons de la place à l’Esprit ?
Est-ce qu’il nous arrive de faire silence
et d’écouter en nous le souffle de l’Esprit,
cette « voix de fin silence »
qui nous enseigne l’art d’aimer ? (cf. 1 R 19,12)

L’Esprit Saint est le serviteur
aussi discret que puissant,
de notre croissance dans l’amour.
C’est lui qui nous fait avancer, progresser dans l’amour.

Regardez notre monde contemporain :
c’est un monde qui depuis 200 ans
connaît un progrès scientifique et technologique inouï.
Dans quelques années, nous n’aurons plus de carnets de chants,
mais une tablette informatique
avec toute notre répertoire sous la main,
et pourquoi pas ?

Mais le progrès est devenu une forme de messianisme.
C’est le progrès qui va nous sauver,
c’est le progrès qui va nous libérer,
c’est le progrès qui va nous rendre heureux…

Cette espérance est évidemment fausse et veine,
mais elle nous dit quelque chose de précieux :
elle reflète le désir de croissance, de progrès, de salut
qui habite le cœur de tous les humains.

Nous sommes faits pour davantage.
Nous sommes faits pour un au-delà de nous-mêmes.
Mais nous ne pouvons nous le donner par nous-mêmes !
Rousseau lui-même affirmait que l’homme
se distingue des autres animaux non pas par sa perfection,
mais par sa perfectibilité.
Et Pascal est plus clair encore :
« Apprenez que l’homme passe infiniment l’homme » .

Oui, nous sommes faits pour un au-delà.
Et nous avons à choisir :
vouloir produire cet au-delà
et nécessairement frapper un mur,
ou recevoir cet au-delà de Dieu
et nous y épanouir pour l’éternité.

Dante dans sa divine comédie,
dit que l’homme est fait pour « transhumanare »,
pour se dépasser.
Le philosophe Fabrice Hadjaj a récemment fait remarquer
que le mot « transhumanisme »
a été forgé en 1957 par le biologiste Julian Huxley
premier directeur général de l’UNESCO, lequel écrivait :
« Une fois pleinement saisies les conséquences
qu’implique la biologie évolutionnaire,
l’eugénique deviendra inévitablement
une partie intégrante de la religion de l’avenir ».

Voilà le choix bien posé :
la transhumanisation, le dépassement et l’accomplissement
de notre humanité fragile et vulnérable
ou par la grâce
ou par l’eugénisme scientifique.

Ou par l’Esprit Saint qui nous fait mûrir dans l’Amour,
ou par la confiance aveugle dans le progrès
qui élimine toute faiblesse, toute vulnérabilité.

Frères et sœurs, quel immense privilège nous avons
de connaître Celui qui seul
peut faire progresser l’humanité dans l’Amour.
Le monde ne voit pas l’Esprit Saint ni ne le connaît (Jn 14,17)
parce que le progrès scientifique prend tout son champ de vision.
Mais à nous a été révélé ce dynamisme divin
qui de l’intérieur fait progresser l’humanité.

Et si nous en vivons, le monde commencera à le voir et à y croire.
Souvenez-vous des paroles de Paul aux Galates :
Marchez sous l’impulsion de l’Esprit
et vous n’accomplirez plus ce que la chair désire (Gal 5,16).
Si vous êtes conduits par l’Esprit,
vous n’êtes plus soumis à la loi (v. 18).
Et Paul conclut :
Si nous vivons par l’Esprit,
marchons aussi sous l’impulsion de l’Esprit (v. 25).

« Guidés par le Saint Esprit »
voilà ce que nous avons à vivre.
En abréviation cela donne « GPS »…

Les jours autour de Pentecôte
sont pleins d’une grâce toute particulière.
Jésus prie le Père pour que nous recevions l’Esprit
d’une manière nouvelle,
pour que nous mettions en marche notre GPS
que nous n’avons peut-être jamais allumé
depuis que nous l’avons reçu.
L’Esprit de Vérité soufflera en nous
et nous fera demeurer dans l’Amen de Dieu sur notre vie.
Nous serons transfigurés (…)
avec une gloire toujours plus grande
par le Seigneur qui est Esprit (2 Co 3,18).

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