FMJ MtlASCENSION DU SEIGNEUR – A
Frère Thomas
Ac 1, 1-11 ; Ps 46 ; Ép 1, 17-23 ; Mt 28, 16-20
1er juin 2014
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Ce sera le ciel ou le Ciel ?

« Les Apôtres virent Jésus s’élever
et disparaître à leurs yeux dans une nuée. » (Ac 1,9)
L’Ascension, c’est donc Jésus qui remonte au Ciel,
après être descendu du Ciel pour vivre parmi nous.
Qu’il y ait un Ciel incommode bien de nos contemporains.
Ils préfèreraient que les humains restent sur la Terre.
Mais alors les humains peuvent-ils encore avoir un but
qui les fasse longtemps avancer ?

De fait Jésus est d’en-haut.
Même s’Il S’est fait homme,
Il est différent des autres humains.
Et Jésus fonde une Église d’hommes et de femmes
différents des autres humains.
Ces différences produisent souvent le rejet
ou la persécution des chrétiens de la part des autres humains.

Pourtant Jésus, malgré son origine divine,
est irrémédiablement lié aux humains.
C’est au cœur de nos vies humaines que nous trouvons Jésus.
En Jésus, le Ciel est déjà parmi nous.

« Imagine there’s no Heaven »
chantait John Lennon dans les années 1970.
Imagine qu’il n’y a pas de Ciel :
au dessus de nous seulement le ciel.
« Notre Père qui êtes au Cieux… restez-y ! »
clamait le poète Jacques Prévert dans les années 1960.
Beaucoup de nos contemporains se méfient du Ciel.
Ils se représentent un Dieu rival de l’homme,
qui voudrait le dominer.
Ils s’imaginent construire un monde fraternel sans Dieu.
Mais voilà qu’en ayant peur d’être dominés par Dieu,
ils se mettent à se dominer les uns les autres.
En ayant peur de mourir par la main de Dieu,
ils se mettent à se tuer les uns les autres.
En voulant bannir le religieux de l’espace public,
l’être humain se coupe de ses sources d’humanisation.
Et ce faisant, il favorise l’éclosion
de groupes extrémistes d’inspiration religieuse,
qui n’hésitent pas à utiliser la violence – morale ou physique –
pour arriver à leurs fins.

En refusant le Ciel,
l’être humain se construit quantités de paradis artificiels :
paradis de l’argent, paradis du sexe, paradis du prestige,
pour donner des buts à ses contemporains.
Mais il ne peut indéfiniment tromper ses semblables.
Ils ne peuvent courir longtemps après des chimères.
Ils finissent par s’essouffler, profondément insatisfaits.
Et si nous nous étions trompés en refusant de regarder vers le Ciel,
où Jésus est remonté !

De fait, Jésus est différent des autres hommes, des autres humains.
Il est né d’une femme, mais Il n’a pas été conçu
de la même manière que les autres enfants.
Il est mort, mais Il est apparu ressuscité à ses disciples,
à plusieurs reprises, et lors de sa dernière apparition
(à son Ascension) son corps a été enlevé de la Terre.

Et Jésus fonde l’Église comme une assemblée
d’hommes et de femmes différents des autres humains.
Les chrétiens reçoivent le Baptême,
un rite qui les plonge en Jésus Christ,
qui les greffe en Lui, qui les accroche à Lui.

Jésus dit Lui-même – en parlant de ses disciples –
que son choix les a retirés du monde.
Et les chrétiens, à la suite de Jésus,
sont différents des autres humains.
Ils sont différents parce que leur patrie est au Ciel.

Ils partagent cependant la même nature humaine
avec les autres humains
comme Jésus a partagé avec eux la nature humaine.
Mais ils sont différents.
Ils ont accueilli Jésus dans la foi.
C’est pour cela que depuis 2000 ans
les chrétiens ont toujours été persécutés ou rejetés.
Ils sont dangereux, subversifs,
car leur patrie est au Ciel et non sur la Terre.
Ils ne vivent pas le rapport à l’argent, au sexe ou au pouvoir
de la même façon que les autres.

Si nous sommes persécutés, raillés, moqués ou tassés
parce que nous prenons au sérieux notre foi en Jésus Christ,
ne soyons pas étonnés :
c’est parce que le monde qui nous entoure
ne connait pas le Ciel qui est notre patrie.
Mais nous, savons-nous ce qu’est le Ciel vers lequel nous allons ?
Saurions-nous en rendre compte à qui nous en demande raison ?

Ce qui est étonnant, dans les récits du Nouveau Testament
qui parlent de l’Ascension,
c’est qu’il n’y est pas tant question du Ciel, où Jésus part,
que de la mission des apôtres sur la Terre.
« Pourquoi restez-vous à regarder vers le ciel ?
– demande l’ange aux apôtres –
Jésus, qui a été enlevé du milieu de vous,
reviendra de la même manière
que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel. » (Ac 1, 10-11)
Et dans la finale de l’Évangile de Saint Matthieu,
l’Ascension n’est même pas mentionnée.
Jésus dit seulement :
« Je suis avec vous tous les jours
jusqu’à la fin du monde ». (Mt 28,20)
C’est tout de même étonnant : Jésus quitte ses disciples,
et Il leur dit en même temps qu’Il sera toujours avec eux.
Et Jésus, avant de partir donne une mission à ses apôtres :
« De toutes les nations faites des disciples,
baptisez-les au nom du Père,
et du Fils et du Saint Esprit. » (Mt 28,19)
Le texte grec d’origine dit littéralement :
« enseignez toutes les nations ».
Il ne s’agit donc pas de convertir le monde entier de force,
mais de faire connaître l’Évangile à toutes les nations.
Dans l’Évangile de Saint Luc et au début des Actes des apôtres,
Jésus insiste sur l’Esprit Saint
que les apôtres vont recevoir pour leur mission.
Saint Paul, dans la lettre aux Éphésiens,
parle de Jésus comme la tête de l’Église qui est son corps ;
et de l’Église qui est l’accomplissement total du Christ.

Le Ciel, où Jésus s’en va, n’est donc pas si loin,
si séparé de la Terre que nous pourrions le penser.
L’Ascension n’est en fait que la dernière apparition
que Jésus ressuscité fait à ses apôtres.
Jésus ne quitte pas la Terre à son Ascension.
Il inaugure simplement une nouvelle présence :
par sa Parole, par son Église, par l’Eucharistie.
Et même nous pouvons aller plus loin :
avant son Incarnation, le Fils de Dieu était bien présent au monde,
puisque c’est par Lui que le monde a été fait.
Le Ciel n’est donc pas un bien éloigné de notre monde,
où Dieu se retirerait pour régner,
et d’où Il descendrait occasionnellement
pour donner des directives à la Terre.

Le Ciel est au cœur de notre monde,
puisque Dieu vit et agit au cœur de notre monde.
Et si le Fils de Dieu S’est fait homme en Jésus Christ,
c’est parce que de toute éternité Il a la passion des humains.
Ainsi donc, ne cherchons pas Dieu dans un Ciel imaginaire,
dans un monde imaginaire.
Il est là, bien présent, au cœur du concret de chacune de nos vies.
Il nous donne son Esprit Saint
pour que nous puissions vivre de son amour, unis à Lui,
dans notre vie familiale, dans notre travail,
dans toutes nos relations,
dans tout ce qui constitue notre vie personnelle.

Jésus est monté au Ciel, mais Il demeure avec nous.
Il demeure avec nous aussi dans toutes les incompréhensions,
dans tous les rejets ou persécutions
que nous pouvons subir en raison de notre foi en Lui.
Quelle perspective pour notre monde !
Pour la vie de tous les humains !
Nul besoin donc de nier le Ciel,
ni de sommer Dieu de rester au Ciel.
Le Ciel est au milieu de nous.
Si nous vivons sur la Terre un Ciel anticipé,
alors aucun rejet, aucune persécution ne pourra nous atteindre.
Notre vie dès cette Terre,
aura une saveur, un dynamisme, un sens
que nul ne pourra nous ravir.

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