FMJ Mtl2e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – A
Frère Antoine-Emmanuel
Is 49, 3.5-6 ; Ps 39 ; 1 Co 1, 1-3; Jn 1, 29-34
16 janvier 2011
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

C’est trop peu …

Le Seigneur m’a appelé dès le sein maternel,
dès les entrailles de ma mère,
il a prononcé mon nom.
Lui qui m’a modelé dès le sein de ma mère
pour être son serviteur (Is 49, 1.5).

Frères et sœurs, ces paroles sont celles qu’Isaïe
met sur la bouche du serviteur de Dieu (cf. 49,3).
Dès le sein maternel, il a été appelé par le Seigneur ;
son nom a été prononcé par le Seigneur
et il a été modelé par le Seigneur.

Mais, est-ce que cela est réservé à un seul serviteur du Seigneur,
privilégié d’être choisi et de recevoir tant d’amour ?

Souvenez-vous des paroles de Paul :
Le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ
nous a (tous) élus en Lui
dès avant la fondation du monde (Ép 1,4).

Oui, chacun de nous peut le confesser avec une immense joie :
le Seigneur m’a appelé,
il a prononcé mon nom dès le sein de ma mère ;
le Seigneur m’a formé,
m’a modelé pour que je sois son serviteur,
pour que j’accomplisse une mission, ma mission,
dans le grand dessein de son Amour.

Oui, tous nous avons été élus ;
notre personne même est une mission,
même si nous avons été conçus lors d’un viol
ou dans un laboratoire.

Chacun de nous est un éclat de Dieu
puisque nous avons été créés à son image ;
chacun de nous est une part irremplaçable
d’une communion à venir
puisque nous avons été créés
en vue de la ressemblance avec Dieu
qui est communion d’amour.

Plus nous descendrons en nous-mêmes,
plus nous découvrirons notre vocation à la communion ;
et nous serons entraînés dans l’oubli de soi,
dans le don de soi,
et dans l’accueil de l’autre
pour lesquels Dieu nous a créés.

Oui, le Seigneur nous a appelés et modelés
pour un échange d’amour extraordinaire.
Tous nous avons une mission d’amour
où personne ne peut nous remplacer.

Être homme ou être femme,
c’est déjà une mission,
celle de refléter l’Amour de Dieu
dans sa dimension d’initiative ou d’accueil.

Être époux, épouse, père, mère, fils, fille
c’est une mission, un appel de Dieu
à un échange d’amour qui crée une famille,
qui constitue la société.

Vivre en Occident, c’est une mission de partage, de solidarité
avec ceux qui sont privés de pain et d’eau.

Venir de telle ethnie, c’est une mission, un appel de Dieu
à partager les richesses humaines, la sagesse,
la culture, l’art, de cette ethnie.

Avoir tel talent, telle formation,
c’est une mission, un appel à se mettre au service des autres.

Et même : ne connaissons-nous pas des personnes
qui vivent telle maladie, tel handicap,
telle fragilité mentale, comme une mission :
celle de susciter un échange d’amour en profondeur
dans la compassion, l’écoute,
la remise en question de toute vie superficielle ?

Et la foi, bien sûr, la foi est une mission, un appel de Dieu
à recevoir un don de grâce inouïe pour le partager au monde !

*

Frères et sœurs, tous nous sommes porteurs
d’une vocation unique à l’amour.
Et aujourd’hui il nous faut entendre
ce que le Seigneur dit au Serviteur de Dieu:
C’est trop peu que tu sois pour moi un serviteur
pour relever les tribus de Jacob
et ramener les survivants d’Israël ;
Je vais faire de toi la lumière des nations. (Is 49,6).

C’est trop peu ce que tu penses de toi,
c’est trop peu le petit horizon où tu situes ton amour aujourd’hui.
C’est trop peu, dit le Seigneur…
Je vais faire de toi la lumière des nations.
Je fais de toi un don pour tous.
Le Seigneur nous invite à entrer
dans la profondeur de la communion qui est inscrite en nous
mais que nous ne vivons pas encore.
Deviens frère, sœur universel !
Accueillant le don de tout humain
et offrant à chacun la richesse de ce que tu es.
Et cela au quotidien,
dans l’ordinaire des rencontres qui tissent notre vie.

Il s’agit en d’autres termes de nous ouvrir à la rencontre,
à la relation, avec tous.
Comment ?
En remettant notre vie à Celui qui est l’Amour, à Dieu !
Seigneur, tu ne veux ni offrande, ni sacrifice (…)
tu ne demandes ni holocauste ni victime (cf. Ps 39,7)
aujourd’hui Tu nous ouvres les oreilles, Tu fais comprendre
que Tu ne nous demandes pas de Te donner des choses,
parce que notre vie pour Toi aurait moins de valeur
que les choses que nous T’offrons ;
Non ! Tu nous demandes de T’offrir notre vie,
car notre vie, notre être a un prix immense à tes yeux.
Tu m’as façonné un corps,
alors j’ai dit, voici je viens, (cf. Hé 10, 5.7)
je viens t’obéir,
Je viens offrir ma vie à ta loi d’amour,
je viens, je me laisse attirer dans la communion d’amour
en laquelle tu m’appelles ;
à cette communion qui n’est pas la somme des personnes,
mais bien plus que cette somme,
parce que c’est Toi qui nous unis,
c’est ton Amour qui nous lie.

*

Frères et sœurs ce que le Psaume 39 nous fait prier,
nous restons tellement loin de l’accomplir par nous-mêmes.
Nous avons en nous la nostalgie de la communion,
mais le péché nous renferme sur nous :
nous voulons être dieu individuellement
et par nous-mêmes,
et cela nous coupe de la joie.

De fait, combien de fois nous avons été blessés dans l’amour ?
Combien de personnes nous avons blessées ?
Et l’actualité qui regorge de violence et d’individualisme…

Qui nous libérera de cette chair de péché
qui nous conduit à la mort ? (cf. Rm 7,24)

Qui prendra sur soi ce péché dont, nous humains,
nous sommes incapables de nous départir ?

*

Frères et sœurs, c’est Jean Baptiste qui nous répond aujourd’hui :
Jean regarde Jésus venir à lui,
et monte alors du fond de son cœur sous la poussée de l’Esprit,
une parole d’une nouveauté incroyable,
presque contradictoire avec tout ce qu’il avait annoncé du Messie :
« Voici l’Agneau de Dieu
qui enlève le péché du monde » (Jn 1,29).
Jésus est l’Agneau,
c’est-à-dire celui dont la vie est offerte en sacrifice ;
Et Jésus est Celui qui, dans l’offrande de sa vie,
prend, enlève, emporte le péché du monde.

Notre peur et notre refus de Dieu,
notre peur et notre refus de la communion,
Jésus les prend sur Lui.

Aujourd’hui Jésus est là avec nous, en nous,
qui se charge de tout le péché que nous voulons bien Lui remettre.

Nous Lui remettons toute notre résistance
à l’Amour qui se donne
et à l’Amour qui reçoit.

Mais Jésus va plus loin encore,
beaucoup plus loin, dans son amour pour nous :
Il nous baptise dans l’Esprit : (Jn 1,33)
Il nous plonge dans la communion.
Jésus répand en nous son propre Esprit
qui est le lien de la communion,
qui crée la symphonie des personnes
nous unissant à partir de nos diversités.

*

Oui, frères et sœurs, c’est trop peu,
c’est trop étroit ce que nous vivons aujourd’hui.
Le péché nous restreint, nous renferme sur nous,
mais en Jésus, le nouvel horizon de l’amour est possible !
Il nous est donné gratuitement.
Jésus nous attire avec nos richesses et grâce à nos misères,
dans l’échange d’amour qui est Sa joie.

Heureux les invités au repas du Seigneur,
Heureux sommes-nous tous, humains de toute la Terre
sans limite de religion, de race, de peuple, de culture :
tous nous sommes appelés,
tous nous serons une joie des uns pour les autres
si nous permettons à Jésus d’être notre joie à tous,
si nous lui permettons de nous rassembler dans son corps.

Oui, nous sommes « le corps du Christ ». « Amen ! »

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