FMJ MtlMercredi, 14e Semaine du Temps ordinaire – A
Frère Antoine-Emmanuel
1 Co 3, 1-9 ; Ps 32 ; Lc 4, 38-44
3 septembre 2014
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Déserts

Désert.

Combien de fois Jésus S’est retiré au désert !

Désert de 40 jours prélude à son ministère.
Désert où l’Esprit a poussé Jésus
pour qu’Il connaisse le feu de l’épreuve spirituelle,
et que dans son humanité Il choisisse le chemin de la gloire,
c’est-à-dire l’abaissement,
le refus de toute la comédie des pouvoirs humains,
de tout le ballet des vanités humaines.

Désert de l’âme douloureuse
quand Jésus apprend la mort de Jean-Baptiste.
Jésus entend (la nouvelle).
Il se retire (…) en barque
vers un lieu désert à part (Mt 14,13).

Désert du cœur à cœur avec le Père
quand les foules enthousiastes ne veulent plus Le lâcher.
Jésus ne pouvait plus entrer ni se montrer en ville (Mc 1,45)
raconte Saint Marc.

Saint Luc le dit à sa façon :
Des foules nombreuses se réunissaient pour entendre
et être guéries de leurs infirmités.
Quant à Lui, Il se retirait dans les déserts et Il priait…
(Lc 5,16)

Il y a aussi le désert qui précède le choix des Douze.
En ces jours, Jésus sort dans la montagne, prier.
Il passe la nuit dans la prière de Dieu
(Lc 6,12).
Désert, silence, solitude
pour quêter intérieurement la volonté du Père.
Temps de discernement pour qu’en tout
se fasse la volonté du Père.

Il y a le désert de Gethsémani quand Jésus se retire,
à un jet de pierre de ses compagnons
– pour être seul avec le Père –
pour se plonger malgré toutes ses résistances humaines
dans la volonté du Père.
C’est l’ultime désert avant le désert de la Croix…

Mais il y a aussi le désert de l’Évangile de ce jour.
Ce n’est pas le grand désert à l’aube des ministères
ni le désert lié à des moments très marquants de la vie de Jésus.
C’est le désert au quotidien.
Le matin, en pleine nuit, Jésus se lève, sort
et s’en va dans un lieu désert.
Et là, il priait
(Mc 1,35).
Le portrait que Marc et Luc nous font
du quotidien de Jésus à Capharnaüm
laissent entendre que ce désert-là n’était pas exceptionnel.
C’est le désert du matin.
Jésus qui se retire avant le lever du jour
pour prier,
pour être avec le Père.

Jésus priait en présence des apôtres
qui en seront d’ailleurs tellement saisis
qu’ils Lui demanderont de leur apprendre à prier.
Mais Jésus priait aussi seul, souvent.
Chaque matin peut-être.

*

Frères et sœurs, si nous voulons vivre de la vie de Jésus,
si nous voulons Le suivre,
il nous faut Le suivre au désert.
Prendre le temps de la prière.

Comme pour Jésus, il y a des temps de prière rendus nécessaires
par des circonstances particulières :

« Redouble de prière dans les moments importants,
à l’heure des choix, des difficultés, des tentations,
des incompréhensions mutuelles,
comme Jésus Lui-même l’a fait.
Veille donc et prie en tout temps,
afin d’avoir la force d’échapper à tout ce qui doit arriver
et de paraître avec assurance
devant le Fils de l’Homme. » (LdV, no 18, p. 28)

Mais il y a aussi le désert au quotidien.

« Toute sa vie était orientée vers le Père,
incessante offrande, écoute,
hymne intérieur d’adoration,
d’amour, d’action de grâce
et perpétuelle intercession pour les hommes.
Par la prière, Il était si unifié et si uni à Dieu
qu’Il pouvait dire être dans le Père
et le Père en Lui.
En ce sens, Il demeure le moine parfait
et donc pour toi l’unique modèle. » (LdV, no 12, p. 23)

Plus visiblement, Il a choisi des lieux
et des moments privilégiés
pour rendre encore plus intense
et manifeste sa prière :
au Temple, sur la montagne, au désert, à l’écart,
ou simplement quelque part au hasard de la journée
et de la route.
Autant le jour que la nuit,
seul ou avec ses disciples,
Il priait.

Quelle est dans notre quotidien la part de désert ?

Je ne peux pas oublier notre expérience de cet été
chez les trappistes.
Prière des psaumes de 3h30 à 4h15.
Oraison silencieuse avant le lever du jour.
Lectio divina quand le soleil se lève…
C’est sans doute difficile ou impossible
dans notre rythme urbain.
Mais pourrions-nous – tous – être inventifs
pour qu’aucune journée ne commence
sans un temps de « désert » ?

Pour être vraiment des témoins de Jésus,
nous ne pourrons jamais nous passer de la prière.
Nous avons besoin de la prière pour que Jésus
prenne en nous toute Sa place…
pour qu’Il se rende visible à travers nous.
Et c’est une nécessité quotidienne.

Voici ce qu’en dit la Joie de l’Évangile au no 264 :

La première motivation pour évangéliser
est l’amour de Jésus que nous avons reçu,
l’expérience d’être sauvés par Lui
qui nous pousse à l’aimer toujours plus.
Mais, quel est cet amour qui ne ressent pas la nécessité
de parler de l’être aimé, de le montrer, de le faire connaître ?
Si nous ne ressentons pas l’intense désir de le communiquer,
il est nécessaire de prendre le temps
de Lui demander dans la prière qu’il vienne nous séduire.
Nous avons besoin d’implorer chaque jour,
de demander sa grâce pour qu’Il ouvre notre cœur froid
et qu’Il secoue notre vie tiède et superficielle.
Placés devant Lui, le cœur ouvert,
nous laissant contempler par Lui,
nous reconnaissons ce regard d’amour
que découvrit Nathanaël, le jour où Jésus se fit présent et lui dit :
« Quand tu étais sous le figuier, je t’ai vu » (Jn 1, 48).
Qu’il est doux d’être devant un crucifix,
ou à genoux devant le Saint-Sacrement,
et être simplement sous son regard !
Quel bien cela nous fait qu’Il vienne toucher notre existence
et nous pousse à communiquer sa vie nouvelle !
Par conséquent, ce qui arrive, en définitive,
c’est que ce que nous avons vu et entendu,
nous l’annonçons
(1 Jn 1, 3).

La meilleure motivation pour se décider
à communiquer l’Évangile
est de le contempler avec amour,
de s’attarder en ses pages et de le lire avec le cœur.
Si nous l’abordons de cette manière, sa beauté nous surprend,
et nous séduit chaque fois.
Donc, il est urgent de retrouver un esprit contemplatif,
qui nous permette de redécouvrir chaque jour
que nous sommes les dépositaires d’un bien qui humanise,
qui aide à mener une vie nouvelle.
Il n’y a rien de mieux à transmettre aux autres.

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