FMJ MtlNATIVITÉ DE SAINT JEAN-BAPTISTE – C
patron spécial des Canadiens français
Frère Antoine-Emmanuel
Is 49, 1-6 ; Ps 138 ; Ac 13, 22-26 ; Lc 1, 57-66.80
24 juin 2010
Montréal, Sanctuaire du Saint-Sacrement

Devenir joie pour les autres

L’ange Gabriel avait déposé dans le cœur de Zacharie
une promesse magnifique :
« Tu auras joie et allégresse, et beaucoup se réjouiront
de la naissance (de cet enfant) » (Lc 1,14).

De fait, nous venons de l’entendre :
les voisins et les proches (d’Élisabeth)
apprirent que le Seigneur
avait fait éclater sa miséricorde à son égard,
et ils s’en réjouissaient avec elle » (1,58).

La naissance d’un enfant est source de joie, d’émerveillement :
elle est un jaillissement de vie, une victoire de la vie.
Cela est vrai en particulier de la naissance de Jean
qui est encore aujourd’hui source de joie pour toute l’Église.
Pourquoi cette joie ?
Parce que c’est un prophète qui est né,
et plus qu’un prophète : un saint (Mt 11,9),
le plus grand parmi les enfants des femmes ! (cf. 11,11)

Faire mémoire de la naissance d’un saint est une joie immense.
Parce qu’un saint est une manifestation de l’amour de Dieu,
une victoire de la grâce dans notre humanité blessée,
un reflet du visage de Jésus
qui vient illuminer le monde.

N’est-ce pas cela notre vocation à tous ?
Être source de joie pour le monde qui nous entoure ?
Mais comment devenir saint ?

Comment laisser la grâce triompher en nous ?
Jean-Baptiste, montre-nous aujourd’hui
le chemin de la sainteté !

Oui, que nous enseigne Jean ?
Il nous enseigne trois choses :
la première est le courage d’une rupture avec le monde ;
la deuxième est l’exercice de nos charismes au cœur du monde ;
la troisième est de se retirer pour que paraisse le visage du Christ.

*

Le premier enseignement que Jean nous donne
est le courage d’une rupture.
De Jean, Luc nous dit qu’il demeurait dans les déserts
jusqu’au jour de sa manifestation à Israël (Lc 1,80).
Il y a dans ces quelques mots le reflet d’une décision radicale :
Jean quitte le monde sacerdotal de Jérusalem ;
Jean quitte le chemin que tout le monde attendait qu’il parcoure.
Qui dira la surprise, la déception, l’incompréhension,
le mépris ou la colère que ce choix dût susciter autour de lui.
Jean ne marche pas sur le chemin des habitudes,
du préfabriqué, du conformisme religieux.
L’appel de Dieu est plus fort
et il se soumet dans une liberté extraordinaire : il part
pour la solitude,
pour le silence,
pour l’épreuve intérieure,
pour le désert.
Il ne sera plus protégé par les traditions,
les mots, les rites, les coutumes :
il sera seul avec Dieu.
À nu.
Seul avec le Seul.
C’est là, au désert qu’il a été brûlé à vif par la sainteté de Dieu.
C’est là qu’il a été saisi par le vertige de Dieu.

Frères et sœurs, si nous voulons découvrir
notre propre chemin de sainteté,
nous ne pouvons faire l’économie du désert,
du silence, de la solitude.
Qu’elles sont précieuses en particulier
les heures que nous passons devant le Saint Sacrement.
Seuls avec le Seul.
Nous nous exposons au Christ
présent en son corps, en son âme, en sa divinité.
Nous trouvons ou retrouvons le sens de l’adoration de Dieu.
C’est l’heure du silence, de l’offrande de nous-mêmes.
Les minutes passent, parfois bien lentement,
et en deçà du sensible.
La grâce passe, la grâce fraye son chemin
parce que nous avons enfin consenti
à nous arrêter, à durer,
comme Jean au désert, seul sous le soleil de Dieu.
Le monde s’agite,
l’Église elle-même s’agite souvent mais tu restes là
en ton nom et au nom de toute l’humanité.

Le chemin de la sainteté exige
que nous repartions souvent au désert.
La rupture avec l’esprit du monde,
il nous faut la rechoisir souvent,
parce que la torpeur et la superficialité
ont vite fait de reprendre du terrain en nous.

Jean-Baptiste, demande au Seigneur pour nous
le courage de la rupture !

*

Ce que Jean nous enseigne ensuite
c’est la capacité de vivre pleinement notre vocation,
en plein monde, en plein quotidien.
Jean-Baptiste a découvert au désert sa mission :
être le serviteur de la rencontre
entre le Messie et le Peuple d’Israël.
C’est son appel, sa vocation, le charisme qu’il a reçu.
Et Jean ne le vit pas en demi-mesure :
quel courage dans sa prédication !
Quelle force dans sa parole !
Sa fidélité à Dieu était telle que le peuple tout entier
se sentit interpellé par la voix de Jean et demanda le baptême.
On voit en lui un homme qui ne tergiverse pas,
qui ne traîne pas les pieds, mais qui se livre à Dieu.
Il ne laisse pas la recherche de reconnaissance ou d’affection
rendre stérile sa mission.
Et comme Paul, il peut affirmer :
la grâce en moi n’a pas été stérile (1 Co 15,10).

Le Seigneur m’appelle à être la voix
qui crie dans le désert (Lc 3,4).
Je le serai !
À temps et à contre temps (2 Tm 4,2),
et cela au point que tous se demandaient dans leur cœur
si Jean n’était pas le Messie (cf. Lc 3,15).
L’obéissance de Jean à l’appel de Dieu
aussi décapante et déstabilisante qu’elle puisse être,
va jusqu’au bout : jusqu’à baptiser le Messie
alors qu’il était convaincu que c’était à Jésus de le baptiser.

Frères et sœurs, voilà ce que le Seigneur attend,
voilà ce qu’il veut faire en nous :
que nous vivions pleinement notre mission
sans nous arrêter à des accommodements raisonnables.
N’y a-t-il pas des dons, des charismes, des appels
que nous avons enterrés par peur de devoir souffrir,
par peur de devoir aimer ?
N’y a-t-il pas des dons que nous n’exerçons qu’à temps partiel ?

L’amour sommeille dans notre cœur
… mais nous serons jugés sur l’amour !

Notre vie comme elle est avec son lot d’épreuves,
de peines, de misères est faite pour être donnée.
Malheur à nous si nous nous installons
dans la conviction d’être stériles !
Nous sommes tous créés à l’image du Dieu de la Vie,
du Dieu qui est débordement d’Amour.

Jean-Baptiste nous appelle aujourd’hui à la conversion.
Et la conversion, c’est de faire aux autres
le cadeau de notre fécondité
et d’accueillir la fécondité des autres !

*

La troisième étape du chemin de Jean
a été celle de se retirer, de diminuer, et même de mourir
pour que paraisse en pleine lumière le visage du Christ.

Quand on signale à Jean que tous vont à Jésus,
Jean n’a aucun regret, aucune amertume, au contraire.
Sa joie est d’entendre l’Époux, Jésus,
qui rencontre l’épouse, le peuple d’Israël.
Sa joie est de diminuer.
Sa joie est de laisser toute la place à Jésus,
de ne rien retenir pour lui-même.
Jean est saisi par la béatitude des pauvres de cœur,
il se défait de tout en vue de Jésus
pour que tous connaissent Jésus.
Cela le conduira loin, jusqu’au cachot d’Hérode,
jusque dans la nuit des sens et de l’esprit.
Mais c’est cela qui l’anime :
Lui doit croître et moi diminuer (Jn 3,30).

Voilà la sainteté : se jeter dans le Christ
comme un fleuve qui se jette dans la mer.
Si Jean est plus qu’un prophète,
c’est parce qu’il a jeté sa vie dans la vie de Jésus
et cela dans l’obscurité de la foi.

Frères et sœurs, la sainteté d’une vie ne se mesure pas au succès.
Elle ne se mesure même pas du tout,
parce que c’est une vie qui débouche en Dieu
et que Dieu dépasse toute mesure.

Ce que Jean nous enseigne aujourd’hui,
c’est à tout orienter de notre vie personnelle,
familiale, communautaire… vers le Christ.
Que Jésus, à travers nous, soit connu et aimé :
voilà ce qui comblera de joie notre existence.

*

Le courage de la rupture,
l’exercice plénier de nos charismes
et le retrait de soi pour que paraisse Jésus,
voilà ce qu’a vécu Jean.

Voilà le fruit de l’effusion de l’Esprit Saint
qui fit tressaillir Jean dès le sein maternel.
Et cela est très rassurant pour nous.
Nous sommes encore bien loin de la sainteté de Jean,
mais l’Esprit-Saint est là qui s’offre à nous
pour nous faire tressaillir de joie
et nous conduire vers la sainteté.

À la prière de Jean le Baptiste,
Esprit-Saint, Toi la tendresse du Père et du Fils,
descends sur nous en cette fête,
viens réveiller en nous le désir de la sainteté,
et donne-nous la force de la rupture, du don et de l’abandon.
Que nous devenions, chacun, chacune,
une joie pour ceux qui nous entourent !

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