FMJ Mtl6e DIMANCHE DE PÂQUES – B
Frère Antoine-Emmanuel
Ac 10, 25-26.34-35.44-48. ; Ps 98 ; 1 Jn 4, 7-10 ; Jn 15, 9-17
10 mai 2015
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Faire le plein de Dieu pour nous évider de nous-même dans l’amour

Ce matin, je vais commencer par m’adresser
à ceux et celles d’entre nous qui désirent la joie ?
Est-ce qu’il y en a parmi nous qui désirent la joie ?
Alors, que nous dit cet Évangile que nous venons d’entendre ?
L’Évangile de Jean, nous parle d’une joie en plénitude :
la possibilité pour l’homme, pour la femme,
de connaître une plénitude de joie.
Et comment pouvons-nous atteindre, trouver,
cette plénitude de joie ?
L’Évangile nous dit : en accueillant en nous
la joie même de Jésus.

Quelle est-elle cette joie de Jésus ?
La joie de Jésus, c’est de rester toujours à l’écoute du Père
et d’accomplir ses commandements.
D’écouter, d’obéir, c’est sa joie.
Et ce faisant, Jésus demeure, reste, dans l’Amour du Père.
Il ne quitte pas l’Amour du Père, d’où cette plénitude de joie.

Pour nous, notre joie en plénitude,
ce sera de rester à l’écoute de Jésus, où que nous soyons ;
dans le métro, à la maison, au travail, ici,
rester à l’écoute de Jésus et obéir à son commandement.
Demeurer ainsi dans l’Amour de Jésus.

Et quel est-il ce commandement de Jésus
qui va nous faire entrer dans la joie ?
C’est de nous aimer les uns les autres.
Cela veut dire qu’aimer est très concret, ce n’est pas un sentiment :
c’est donner sa vie.
Donner sa vie aux autres et recevoir le don de vie des autres.
C’est cela nous aimer les uns les autres.

La joie, c’est de donner sa vie.
Faire de ma vie un don et recevoir l’amour des autres.

Voyez que la joie, c’est de se perdre et de recevoir.
La joie, c’est de ne rien posséder.
Tout accueillir et tout donner dans le don de notre propre vie.

Nous vivons constamment dans une illusion qui nous dit
« Je serais joyeux si je possédais… »
(Allez dans un magasin et vous vérifierez !)
C’est une illusion ! Non ! Non !
Tu seras joyeux si tu donnes et si tu reçois pour donner.
La joie, c’est comme une respiration de l’âme.
L’âme qui respire : qui reçoit et qui donne,
qui ne cesse pas de se donner.
Tu reçois pour donner.
La possession étouffe l’âme, l’étrangle.
La joie, c’est cette respiration.
Donner notre vie.

*

Maintenant, je désire m’adresser à ceux et celles d’entre nous
qui désirent connaître Dieu.
Est-ce qu’il y en a parmi nous qui désirent connaître Dieu ?
Apparemment il y en a beaucoup !
Beaucoup de mains se lèvent ! C’est bien.
Comment connaître Dieu ?
Vous savez que connaître, ce n’est pas simplement savoir.
Savoir des choses sur Dieu, ce n’est pas connaître Dieu.
C’est un préalable, mais ce n’est pas pleinement Le connaître.
Connaître, c’est entrer en relation,
c’est découvrir quelque chose du mystère de l’autre.
Et même, connaître, c’est goûter,
c’est savourer la beauté cachée de l’autre,
et dévoiler à l’autre ma propre beauté cachée.
C’est entrer dans cette relation avec l’autre.
C’est cela connaître.

Alors comment peut-on connaître Dieu ?
Par la prière, bien sûr, par la contemplation, par l’adoration.
Il y a déjà une connaissance de Dieu qui se tisse en nous.
Par la lecture de l’Écriture, bien sûr…
Savourer l’Écriture, la vie des saints, la Tradition de l’Église…
et même aussi la sagesse d’autres religions
qui nous apporte quelque chose aussi.
Et puis ensuite savoir lire la Création,
savoir lire l’Histoire, les événements…

Néanmoins, la voie royale pour connaître Dieu
c’est saint Jean qui nous la révèle dans la 2e lecture de ce jour.
Une voie où l’on est sûr de connaître Dieu.
« Celui qui aime est né de Dieu et connaît Dieu » (1 Jn 4,7).
Littéralement, avec le sens du verbe grec, du temps utilisé,
ce serait : « Celui qui aime est né de Dieu
et parvient à la connaissance de Dieu. »
Petit à petit, découvre et connaît Dieu.
Ce n’est jamais quelque chose d’acquis.
Si tu aimes, peu à peu, tu vas connaître Dieu.
La voie royale pour connaître Dieu,
c’est de donner sa vie aux autres.

Si tu t’engages dans le don de toi,
dans le mariage, dans la vie consacrée,
dans un engagement communautaire, une mission en Église,
sans faire marche arrière au moment de l’épreuve ;
si tu t’engages dans un don qui passe par le pardon ;
si tu t’engage dans un don qui ne se décourage pas ;
dans un don qui t’engages lors même que tu peux gémir
« Pourquoi m’as-tu abandonné » (Mt 27,46).
et que pourtant tu continues à aimer.
Alors tu peux être sûr de deux choses :
la première, c’est que tu es né de Dieu,
c’est-à-dire tu as reçu de Dieu – de Dieu Lui-même –
une vie nouvelle, une vie autre,
une Vie divine qui te rend capable
de cet amour qui demeure, qui persévère.

Et la deuxième chose : Sache que tu es en train de connaître Dieu.
Tu es en train de participer à la Vie de Dieu
si tu aimes dans ce don de toi.
Parce que la Vie de Dieu est un continuel don de soi.
Les Personnes divines sont dans un continuel don de Soi,
les Unes aux Autres.

Donc si toi tu aimes, peu à peu, tu entres en Dieu, tu connais Dieu.
Au moment où tu choisis de perdre ta vie
en pardonnant à ton époux infidèle,
en adoptant un enfant handicapé,
en demeurant fidèle à tes vœux monastiques, etc.,
tu es en Dieu, tu vis de Dieu, tu vis comme Dieu,
même si tu ne sens rien de Dieu.
Et même surtout si tu ne sens rien de Dieu.
L’union à Dieu n’est pas d’abord dans le sentir, dans le sentiment.
Elle est dans le don de soi.

L’union à Dieu, elle est dans la participation à la mort de Jésus
où Jésus consent à ne plus exister par Lui-même
et à la participation à sa résurrection où Jésus
restant infiniment pauvre, reçoit l’excès d’amour du Père
et Le laisse déborder vers le monde.
C’est en donnant notre vie que nous connaissons Dieu

*

Enfin, je vais m’adresser à ceux d’entre vous
qui désirent faire du bien autour d’eux ;
à ceux qui veulent servir la justice et la paix ;
à ceux qui veulent servir l’entrée de tous les humains
dans la Vie éternelle.

Eh bien je vous dis : regardez Pierre.
Regardez bien Pierre dans la 1ère Lecture de ce jour.
Pierre a des principes.
Il est fidèle à une tradition religieuse ;
jamais il ne mangerait de la viande d’un animal impur,
et surtout, jamais il ne mangerait à la même table que des païens.
Renoncer à cela, pour lui, serait comme mourir,
parce qu’il est profondément juif, profondément fidèle.
Renoncer à cela, serait nécessairement être exclus d’Israël.

Or, Pierre est allé chez Corneille.
Corneille est un officier de la légion romaine italique
en poste à Césarée maritime ; donc, un païen.
Or Pierre y est allé.
Pierre est entré chez un païen.
Pierre a mangé avec des païens.
Pierre a dormi chez des païens.
C’est-à-dire que Pierre a donné sa vie pour Corneille et sa famille
afin que Corneille et sa famille connaissent Jésus et soient sauvés.

C’est comme cela que nous servons vraiment les autres,
en sortant de nous-mêmes, en mourant à nous-mêmes ;
en acceptant de nous laisser déplacer intérieurement.
Alors, la vie peut jaillir chez les autres.
Notre vie ne sera vraiment féconde
(les 10, 20, 30, 50 ans qu’il nous reste à vivre)
que si nous donnons notre vie.

Rappelez-vous : le grain de blé qui tombe en terre et ne meurt pas,
reste seul.
Tandis que le grain qui meurt porte beaucoup de fruits.
Nous portons tous la capacité de donner vie autour de nous.
Nous avons tous une paternité et une maternité en nous,
latents, en germes au fond de nous.
C’est le don de soi qui nous rend fécond.
« Il n’y a pas de plus grand amour
que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » (Jn 15,13).
Nous ne pouvons pas donner la vie sans mourir à nous-mêmes.
Mais en donnant notre vie,
nous devenons vraiment nous-mêmes.
Nous devenons l’être de don que nous sommes en réalité.

C’est en mourant que nous devenons des vivants.
Alors, relisons nos trois questions :
Comment accéder à la joie en plénitude ?
En donnant notre vie.
Comment connaître Dieu ?
En donnant notre vie.
Comment servir vraiment les autres ?
En donnant notre vie.

La réponse est unique : perdre pour les autres.
Est-ce que ce don de soi est inscrit dans notre nature ?
Oui, parce que nous avons été créés à l’image de Dieu.
Est-ce que cela nous est naturel ?
Non, parce que nous avons du chemin à faire
pour ressembler à Dieu,
Il nous faut, un jour ou l’autre – et plusieurs fois –
découvrir notre incapacité d’aimer, notre péché
pour nous jeter vraiment dans les bras de Dieu
et recevoir l’amour.

En d’autres termes, il nous faut faire le plein souvent,
le plein de l’amour de Dieu
pour pouvoir nous vider de nous-mêmes dans le don.

N’est-ce pas cela le sens de notre participation à l’Eucharistie ?
Faire le plein de Dieu pour pouvoir
nous évider de nous-mêmes dans l’amour ?

Seigneur, viens nous récupérer quand nous nous égarons
sur des chemins d’enrichissement qui nous éloignent de l’amour.
Et par ton Eucharistie, relance-nous
sur le chemin du don de nous-mêmes
pour Te connaître et pour servir nos frères et sœurs
dans la joie en plénitude que Tu nous as révélée aujourd’hui.
Amen.

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