FMJ Mtl20e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – A
Frère Thomas
Is 56, 1.6-7 ; Ps 66 ; Rm 11, 13-15.29-32 ; Mt 15, 21-28
17 août 2014
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Grande est ta foi !

Jésus se retire, avec ses disciples,
dans la région de Tyr et de Sidon.
C’est la Phénicie de l’époque
(là où se trouve l’actuel Liban), une terre païenne.
Jésus – qui est un rabbi juif –
devrait normalement y trouver de la tranquillité :
à priori il y est à peine connu.
Mais voilà qu’une femme de là-bas l’a quand même su.
Elle accourt vers Jésus pour lui demander de guérir sa fille,
tourmentée par un démon.
Les maladies n’ont ni de religion ni de nationalité.

Jésus d’abord refuse de faire suite à sa demande,
car Il se doit d’abord aux malades du peuple d’Israël,
Lui qui est un rabbi juif.
Mais quand Il voit l’insistance
et la foi pleine de dignité de cette femme,
Jésus ne peut pas lui refuser la guérison de sa fille.

Pour qui Jésus est-il donc venu ?
Pour les Juifs il y a deux mille ans ?
Pour les chrétiens de tradition aujourd’hui ?
Nous sommes bien d’accord que Jésus
– qui est le Fils de Dieu fait homme –
est venu pour tous les humains.
Jésus est un trésor pour toute l’humanité.

Une question se pose alors pour nous qui sommes chrétiens,
riches de notre Tradition,
riches de notre pratique religieuse :
garderons-nous Jésus pour nous seuls
ou bien laisserons-nous les autres humains approcher Jésus
pour expérimenter la guérison profonde
qu’Il offre à tout humain ?

Ou encore, allons-nous à Jésus
avec l’humilité de la Cananéenne,
pour nous réjouir que d’autres personnes, inattendues,
aillent vers Lui ?

« Maison de prière pour tous les peuples. » (Is 56,7)
Près de 500 ans déjà avant Jésus Christ,
le prophète Isaïe prophétisait que le Temple de Jérusalem
serait une maison de prière pour tous les peuples :
les étrangers qui se sont attachés au service du Seigneur
pour l’amour de son nom
(…)
Je les rendrai heureux dans ma maison de prière (6-7).

Nous savons que c’est ce passage de l’Écriture
que Jésus invoquera lorsqu’Il chassera les marchands du Temple.
C’est comme si Jésus prenait la défense de tous les étrangers,
de tous les païens, non-juifs,
qui viennent prier au Temple de Jérusalem.
Ils ont le droit de trouver un lieu propice à la prière,
à leur quête de Dieu, à leur quête de vérité, (…)
plutôt que de tomber sur un marché aux bestiaux.

Alors pourquoi Jésus, lorsque cette femme cananéenne
lui demande la guérison de sa fille,
ne lui répond rien dans un premier temps.
Même s’Il est le Fils de Dieu fait homme,
Jésus reste un Juif, marqué par la culture de son peuple.

Pour les Juifs religieux,
les païens étaient considérés comme impurs,
ils étaient même appelés petits chiens.
C’est pour cela que Jésus lui répond :
« Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants
pour le donner aux petits chiens.
» (Mt 15,26)
Une telle réplique surprend – voire même choque –
venant de la bouche de Jésus.
Mais combien je peux retrouver en moi
des attitudes semblables vis-à-vis de certaines personnes :
quand leur façon de parler, leur façon de s’habiller,
quand leur culture ou leur religion
ou simplement leur apparence ne correspondent pas à la mienne.
Ils ne sont pas comme moi…
donc ils ne peuvent pas recevoir les grâces de Dieu
comme moi je les reçois.

Les disciples de Jésus, eux, sont pragmatiques :
« Donne-lui satisfaction,
car elle nous poursuit de ses cris.
» (Mt 15,23)
Jésus ne veut pas entrer dans cette logique-là.
Chaque fois que Jésus accorde des guérisons,
Il veille à ce que cela soit bien significatif pour les personnes,
dans leur relation à Lui.
Jésus n’est pas un simple distributeur de grâces,
un distributeur de guérisons à la demande.
Par le refus apparent qu’Il oppose d’abord à la Cananéenne,
Jésus éprouve aussi le sens que pourra prendre pour elle
la guérison qu’elle Lui demande.

Plutôt que de se décourager, ou de se révolter,
cette femme prend pour elle l’appellation de « petit chien »
et argumente que cela ne l’empêche pas
de recevoir la guérison pour sa fille.
« Les petits chiens mangent les miettes
qui tombent de la part de leurs maîtres.
» (27)
Jésus pourrait continuer d’argumenter,
en disant par exemple que Lui donne le pain entier,
et non des miettes.
Mais non !
Jésus est bouleversé par l’humilité et la foi de cette femme
qui transparaît dans une telle réplique !

C’est donc que Jésus n’a qu’un désir :
c’est que son Salut parvienne à tous les humains ;
quelles que soient leur culture ou leur religion.
Ainsi donc, si je vois s’approcher une personne
habillée bizarrement,
qui parle bizarrement,
qui vient de je ne sais où… mais qui veut connaître Jésus,
qui a soif de vivre une relation authentique avec Lui,
ou qui demande une guérison, une libération, un pardon…,
je pourrais ressentir d’abord une certaine réticence,
mais si son cœur m’apparaît sincère…
je ne pourrai que me réjouir
et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir
pour donner suite à sa demande.
Mais je serai d’autant plus ouvert
à accueillir une personne qui m’est étrangère…
que j’aurai moi-même conscience d’être un étranger.

Dans la lettre aux Romains,
Saint Paul parle de la désobéissance des fils d’Israël
qui a permis à Dieu de faire miséricorde aux païens.
En effet, lorsque la majorité des Juifs
ont rejeté Jésus prêché par les apôtres,
les apôtres ont prêché Jésus aux païens, qui l’ont accueilli.
C’est le propre de ceux qui sont pauvres, rejetés, étrangers,
que de savoir s’ouvrir à plus pauvres qu’eux.
Si je suis suffisant dans ma religion,
je n’aurai aucune envie de la partager avec d’autres
– à moins que les autres adhérent à 100 %
à ce que je crois et que je fais.

Mais si je me sens rejeté, incompris, persécuté,
en raison de ma foi en Jésus Christ…
c’est bien volontiers que je sortirai pour parler de ma foi ;
et peu m’importe ce que les autres feront
de ce que je leur partagerai :
cela ne m’appartient pas,
cela leur appartient et cela appartient à Jésus.

Lorsque le pape François nous appelle à sortir
pour annoncer la joie de l’Évangile…
il nous appelle à nous faire un cœur humble,
un cœur de pauvre, d’étranger
comme la femme cananéenne…
comme Jésus…
afin d’accueillir toutes les femmes Cananéennes de notre temps
qui ont soif de la vie de Jésus,
mais qui ne savent pas très bien où aller
ni comment faire étancher leur soif.

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