sanct - smPRÉSENTATION DU SEIGNEUR AU TEMPLE
(XVIIIe Journée mondiale de la Vie Consacrée)
Mgr. Michel Parent, P.H., Vicaire Général
Ml 3, 1-4 ; Ps 23 ; Hé 2, 14-18 ; Lc 2, 22-40
2 février 2014
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Il est possible de vivre différemment en ce monde

Chères sœurs,
Chers frères,

Tout d’abord sincères félicitations aux nouveaux consacrés. Que le Seigneur continue en vous ce qu’Il a déjà commencé. Au cours de cette Eucharistie nous le Lui demanderons avec ferveur.

Dans la première lecture, le prophète Malachie se fait le messager de Dieu : Soudain viendra dans son Temple le Seigneur que vous cherchez (Ml 3,1). Et saint Bernard fait remarquer : «Aujourd’hui, une Vierge Mère introduit le Seigneur (du Temple) dans le Temple même du Seigneur». Ce Temple, Il le fréquentera à plusieurs reprises quelques années plus tard, soit pour expliquer les Écritures à des savants, à l’âge de 12 ans ; soit pour en chasser les voleurs ; soit surtout pour expliquer les prophéties, annonçant en même temps la Bonne Nouvelle de sa venue. Jésus, le Messie, est introduit dans le Temple par la Vierge Marie et par son père adoptif, Joseph. Il est accueilli et reconnu par de saints personnages, la prophétesse Anne et le saint vieillard Syméon.

Cela voudrait-il dire que nous avons besoin d’être introduits dans l’Église par d’autres hommes ? d’autres femmes ?

Oui, lors de notre baptême par exemple, nous avons été introduits par d’autres… et puis, nous n’avons pas pu nous baptiser nous-mêmes. Nous avons aussi besoin des autres pour cheminer, pour reconnaître Jésus dans nos vies, pour en savoir davantage sur ce Dieu que nous cherchons, quelquefois sans le savoir.

Soudain viendra dans son Temple le Seigneur que vous cherchez…

Bien que déjà consacrés au Seigneur, vous conviendrez avec moi que nous sommes toujours à la recherche du Seigneur. Chacun, chacune, nous pouvons nous poser à nous-mêmes la question : Pourquoi est-ce que je cherche le Seigneur ?… Parce que j’aibesoin de lui ? Ai-je quelque chose à lui offrir ? ou est-ce que je veux tout simplement lui parler ? entrer en relation plus intime avec Lui ? Qu’est-ce que j’attends que le Seigneur fasse pour moi ?

Je puis aussi me demander : qu’est-ce que je puis faire pour Lui ?… et pour les autres?… pour les faire entrer dans le Temple, dans la maison de Dieu ? Puis-je, moi aussi, être, un Messager pour préparer la rencontre du Seigneur ?

Une chose qui est certaine, comme le dit la lettre aux Hébreux, c’est que Jésus s’est incarné pour nous libérer. Il a vaincu la mort pour toujours, nous permettant ainsi d’aller partager sa gloire. Il nous a libérés de la malice de Satan, nous permettant ainsi d’entrer dans une vie de croissance spirituelle qui nous conduira au bonheur et à la joie… ici-bas et… dans l’au-delà.

Dans la vie consacrée nous voulons, par la pauvreté, nous libérer de notre esprit de propriétaire, en vivant une dépendance volontaire et en nous abandonnant à la Providence divine. Par la chasteté, nous voulons opter pour hiérarchiser nos affections humaines, même légitimes et nécessaires, pour placer Dieu au premier rang dans notre cœur, en aimant les autres en Lui, par Lui et avec Lui. Par l’obéissance, nous voulons nous libérer de notre volonté propre (et ça, c’est le plus difficile ), pour trouver avec plus de certitude, à l’aide de nos Supérieurs ou de nos Responsables, la volonté de notre Bien-Aimé à qui nous devons tout et à qui nous voulons plaire constamment.

Cette orientation, qui ne trouve son sens que dans la volonté de la « Sequela Christi », n’est pas seulement exigeante pour les consacrés qui s’y soumettent mais aussi pour ceux, celles qui exercent le charisme de l’autorité à l’intérieur des paramètres donnés par nos Constitutions. Un couple, Marie et Joseph, arrivent au Temple de Jérusalem. Ils viennent, motivés par leur obéissance à la Loi juive. Ils auraient peut-être pu, s’appuyant sur la Révélation qui avait été faite à la Vierge Marie (Tu concevras dans ton sein et enfanteras un fils, et tu l’appelleras du nom de Jésus. Il sera grand, et sera appelé Fils du Très-Haut (Lc 1, 31-32), ils auraient pu s’enorgueillir et se penser au-dessus de la Loi. Non, humblement, ils présentent l’offrande des pauvres, deux petites colombes. En même temps, qui présentent-ils au Seigneur ? leur enfant, leur premier-né de sexe masculin, pour le consacrer au Seigneur. Lui, le consacré, par excellence, le Fils du Père éternel. Dans la foule, ils passent inaperçus. Personne ne les remarque.

Personne, sauf deux vieillards. Reconnaissons ici la sagesse et la clairvoyance de deux personnes âgées qui ont prié toute leur vie dans l’obscurité et la simplicité : Syméon, un homme juste et religieux (Lc 2,25) et la prophétesse Anne, qui servait Dieu jour et nuit dans le jeûne et la prière (37). Était-elle devenue une veuve consacrée ? L’Écriture ne le dit pas comme tel, mais du moins, elle consacrait tout son temps à Dieu.

Comment ces deux personnes âgées ont-elles pu reconnaître Jésus, le Sauveur des hommes ? On dit que le vieillard Syméon attendait la Consolation d’Israël (25), celui, annoncé par les prophètes, en particulier par Isaïe, celui qui viendrait libérer son peuple. Déjà, un désir immense habitait le coeur de Syméon. Il était un homme de désir et d’espérance. Il était habité par l’Esprit-Saint. Dans trois phrases très courtes, le texte biblique mentionne trois fois le nom de l’Esprit Saint : L’Esprit Saint était sur lui. L’Esprit lui avait révélé qu’il ne verrait pas la mort avant d’avoir vu le Messie du Seigneur. Poussé par l’Esprit, Syméon vint au Temple.

Croyons-nous assez à la force de l’inhabitation de l’Esprit Saint en nous ? Nous faisons-nous attentifs et accueillants à ses paroles, à ses inspirations ? Nous pourrions être surpris de ce que l’Esprit pourrait accomplir en nous, si nous savions nous mettre à son écoute et suivre ses inspirations. Ce maître spirituel des âmes pourrait alors nous diriger et nous orienter dans une voie de haute sainteté. Car la sainteté n’est pas seulement réservée aux personnages de la Bible. Par ailleurs, il faut bien discerner. Et s’il s’agit d’inspirations moins évidentes ou de projets d’importance ou d’envergure, je vous suggère fortement d’avoir assez d’humilité pour faire vérifier, avec un conseiller spirituel et/ou avec vos Supérieurs, ce que vous croyez être une inspiration directe de l’Esprit-Saint. Il est quelquefois bon de douter de soi et de se référer à une personne mandatée, soit pour confirmer ou infirmer notre inspiration.

Esprit Saint, fais-moi voir ce que je dois voir, entendre ce que je dois entendre, oublier ce que je dois oublier.

Comment le père et la mère de l’enfant réagissent-ils ? Ils sont étonnés de ce qu’on disait de lui (33). Pourtant, ils n’en sont pas à leur première Révélation. Mais les paroles de Syméon sortent de l’ordinaire. Vois, ton fils qui est là provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de division.  Et toi-même, ton cœur sera transpercé par une épée.  Ainsi seront dévoilées les pensées secrètes d’un grand nombre (34). Il y a de quoi être surpris… et même inquiets. Pourtant, on ne note pas chez Joseph et Marie une réaction à l’emporte-pièce. Ils accueillent… et conservent toutes ces paroles dans leur cœur. Ce n’est qu’au Calvaire que Marie réalisera l’exactitude de ces paroles et croira vraiment à la chute et au relèvement de beaucoup en Israël. Ceci peut être un exemple pour nous, lorsque nous faisons face à l’épreuve, à l’adversité. Sachons nous tourner vers celle que nous appelons la Vierge des douleurs, Notre-Dame des Sept-Douleurs. Elle entendra notre détresse et pourra intercéder pour nous auprès de son divin Fils, celui qu’elle a présenté au Temple. Quant au vieillard Syméon, il peut maintenant partir en paix parce qu’il a reconnu, vu et touché le Sauveur d’Israël qu’il espérait depuis toujours. Ainsi pour nous, l’épreuve révélera le fond de notre cœur.

Dans la dernière partie de cet Évangile nous retrouvons une prophétesse. Le plus souvent la Bible parle de « prophètes », au masculin. Par ailleurs le don de prophétie fait partie de ceux donnés aux membres du corps du Christ pour le bien de tout le corps (Rm 12, 4-8). Les femmes n’en sont pas exclues. Ainsi, dans la Bible nous retrouvons l’exemple de prophétesses, en particulier, trois dans l’Ancien Testament et deux dans le Nouveau Testament. Pour sa part, étant devenue veuve après sept ans de mariage (on peut supposer qu’elle était alors assez jeune), elle avait renoncé à se remarier, voulant consacrer sa vie au Seigneur. Et on sait que l’Église reconnaît l’état de veuves consacrées. Donc Anne ne s’éloignait pas du Temple, servant Dieu jour et nuit dans le jeûne et la prière. C’est donc dire qu’elle était remplie de la présence du Seigneur et qu’elle attendait le Messie avec ferveur. Tout en se dévouant au service du Temple, elle demeurait à l’écoute de l’Esprit Saint. C’est ainsi qu’elle était invitée à «prophétiser». Et c’est ainsi qu’elle reconnut facilement le Sauveur et… s’approchant d’eux à ce moment, elle proclamait les louanges de Dieu et parlait de l’enfant à tous ceux qui attendaient la délivrance de Jérusalem (38).

Je nous souhaite donc de vivre de plus en plus dans une grande intimité avec le Seigneur, Celui même qui nous a choisis. Je nous souhaite de demeurer à l’écoute, attentifs au moindre signe et invitation de l’Esprit Saint. Avec la grâce de Dieu nous demeurerons ainsi fidèles à notre vocation, à notre charisme, et nous porterons des fruits en abondance, pour la plus grande gloire de Dieu et pour le bien du monde entier.

*

Je nous invite, non pas malgré notre âge, mais à cause de notre âge, à être partie prenante d’une évangélisation toujours nouvelle, puisque la Parole est vivante, comme les « vieillards » de notre péricope évangélique l’ont été, au tout début de la première évangélisation.

En terminant, j’aimerais rappeler que lors d’un long dialogue « fraternel » avec les supérieurs généraux en novembre 2013, notre Pape François, rappelait justement, entre autres, (…) la nécessité d’être prophètes dans le monde, (…). Et tout en rappelant l’importance des charismes, il a insisté sur la nécessité de vivre la fraternité, la nécessité de la tendresse, l’appel à ‘caresser les conflits’ et à provoquer une secousse pour réveiller le monde endormi. Soyez témoins, ajoutait-t-il, d’une manière différente de faire, d’agir, de vivre ! Il est possible de vivre différemment en ce monde. Si vous le voulez bien, faisons nôtre ce message du Saint-Père. N’est-ce pas là une partie importante de notre belle mission ? Et… à la même occasion, comme vous le savez, le Pape annonçait que l’année 2015 serait dédiée à la vie consacrée, rappelant ainsi le Décret Perfectae Caritatis signé le 28 octobre 1965 par le pape Paul VI. Quelle grâce ! Nous aurons sans doute l’occasion de nous en reparler et d’approfondir davantage le sens de la vie consacrée dans le monde de ce temps.
Bonne célébration à tous et à chacun !

 © FMJ – Tous droits réservés.