FMJ MtlDIMANCHE DE LA DIVINE MISÉRICORDE – C
Frère Antoine-Emmanuel
Ac 5, 12-16 ; Ps 117 ; Ap 1, 9-13.17-19 ; Jn 20, 19-31
3 avril 2016
Sanctuaire du Saint Sacrement, Montréal

Proclamer au monde entier la Divine Miséricorde

Pierre, Jacques et Jean,
Je vous avais demandé de veiller
et de prier avec Moi à Gethsémani.
Vous vous êtes endormis.
Trois fois Je vous ai demandé de veiller avec Moi.
Trois fois Je vous ai retrouvés endormi.
Vous êtes virés !

Pierre, André, Jacques, Philippe, Barthélémy,
Thomas, Matthieu, Thaddée et Simon,
tous, vous avez déserté.
Aucun de vous ne s’est fait proche de Moi
pour Me soutenir, Me consoler, à l’heure de ma Passion.
Vous êtes tous virés !

Pierre, tu M’as renié publiquement trois fois,
toi qui M’avais dit que tu irais à la mort avec Moi…
Tu es viré et déclaré inapte au leadership !

*

Frères et sœurs, cela semblerait juste, non ?
Tout au moins prudent ?
Mais c’est tout le contraire que fait Jésus.

Jésus ne condamne aucun des apôtres.
Aucune condamnation.
Aucun rejet.
Mieux : la défaillance des apôtres
va devenir le lieu précis par lequel ces 11 hommes
vont pouvoir accéder à l’essentiel de leur mission.

Quelle est la mission essentielle des apôtres ?
« Comme le Père M’a envoyé,
Moi aussi Je vous envoie » (Jn 20,21).
« Ceux à qui vous remettrez les péchés,
ils seront remis » (v. 22).
C’est la mission du pardon :
l’annonce et la transmission de la Miséricorde de Dieu.

Mais Dieu Se trouve là face à un défi :
celui de trouver une brèche, une petite brèche,
une petite fissure dans les cœurs des apôtres
pour y faire pénétrer sa Miséricorde !
C’était vrai pour les apôtres et c’est vrai pour nous :
j’aime contempler Dieu qui guette, qui épie,
qui cherche une brèche en chacun de nos cœurs
pour que sa Miséricorde puisse s’engouffrer en nous.

Quand une personne est sûre d’elle-même,
quand elle est très religieuse,
très à cheval sur les principes,
très attachée à la loi et très observante,
c’est tellement difficile de trouver une brèche.
Et Dieu patiente.

Dans le cas des apôtres, il faut reconnaître
que le Seigneur ne leur a pas donné une grâce spéciale
pour parvenir à L’accompagner dans sa Passion.
Et là, par leur désertion, par leur défaillance,
une brèche a pu s’ouvrir.

Ils ne sont plus les vaillants apôtres
qui déclarent leur infaillibilité personnelle ;
qui appellent le feu du ciel sur ceux qui refusent Jésus ;
qui font taire l’aveugle qui crie ;
qui se plaignent de ceux qui sollicitent Jésus,
et qui sortent l’épée à l’heure de l’épreuve.

Ils ont désormais le cœur humilié,
le cœur poreux, le cœur malléable
parce qu’ils ont connu leur propre faiblesse
à l’heure où ils auraient voulu
être les plus résistants, les plus vaillants.

Il y a désormais une brèche dans leur cœur
par laquelle la Divine Miséricorde peut s’engouffrer.

Quelle expérience bouleversante le fait
de voir Jésus venir vers eux
et leur dire et leur répéter :
« La Paix soit avec vous » (Jn 20,19).
La paix, la réconciliation…
Aucune condamnation.
C’est une véritable absolution.
Voici des hommes pardonnés, lavés,
et, ce qui est plus bouleversant encore,
des hommes confirmés dans leur appel,
des hommes à qui Jésus confie son Église.

Des hommes… dix hommes,
parce que Thomas est absent.
Et quand il revient, Thomas refuse de croire.
Le témoignage de ses 10 compagnons ne lui suffit pas.
Jésus va le re-choisir aussi, lui ?
Un homme qui refuse de croire ?
Il y a des limites tout-de-même !
Non, il n’y a pas de limites à la Miséricorde divine.

La Miséricorde divine n’est pas une source
qui finit par s’assécher.
Au contraire, à bien regarder, on s’aperçoit
que la Miséricorde divine est toujours plus grande.
Elle est de plus en plus généreuse et gratuite.
Pourquoi ?
Parce qu’elle est divine.
Dieu n’a pas créé la miséricorde.
Il n’a jamais « créé » la miséricorde.
Elle constitue son Être !
Et donc, vue de notre côté humain,
elle est toujours plus grande,
plus surprenante, plus bouleversante !
Le Pape François, pendant la Semaine sainte,
en parlait comme d’une miséricorde excessive !
(Homélie 24.03.2016, Messe chrismale).

Et il fallait que les apôtres fassent l’expérience
de cette miséricorde véritablement excessive.
Sinon, ils auraient prêché la loi, la loi et encore la loi.
Saint Paul, regardant l’agir de Dieu dans l’histoire
aura l’audace d’écrire aux Romains :
« Dieu a enfermé tous les hommes dans le refus de croire
pour faire à tous miséricorde ».
Et il continue :
« Ô profondeur de la richesse, de sagesse et de la science de Dieu.
Que ses jugements sont insondables
et incompréhensibles ses voies » (Rm 11, 32-33).

C’est ce qui apparaît dans les confidences
que Jésus fit à sœur Faustine
en parlant de la Miséricorde divine
comme d’un « océan », un océan d’amour.

*

Frères et sœurs, pour être vraiment vivant, il faut se noyer !
Il faut se noyer dans l’océan de la Miséricorde.
Il faut perdre pied !
Il fallait que les apôtres perdent pied
parce qu’ils étaient appelés à devenir les colonnes de l’Église.
Et l’Église ne devait pas s’appuyer sur la ferveur des hommes,
mais sur la tendresse de Dieu.
C’est cela la solidité, la grande solidité de l’Église !

Que vit Thomas aujourd’hui dans l’Évangile ?
Il perd pied dans la miséricorde et, ce faisant,
il devient vraiment apôtre,
et surtout, il devient vraiment chrétien.

Écoutez comment le Pape François parlait hier de Thomas :
« Thomas était un homme têtu.
Il n’avait pas cru.
Et il a trouvé la foi au moment
où il a touché les plaies du Seigneur.

Une foi qui n’est pas capable de se mettre
dans les plaies du Seigneur, ce n’est pas la foi.
Une foi qui n’est pas capable d’être miséricordieuse
– parce que les plaies du Seigneur sont signe de sa Miséricorde –
ce n’est pas la foi, c’est une idée, c’est de l’idéologie.

Notre foi est incarnée dans un Dieu qui S’est fait chair,
qui S’est fait péché,
qui a été blessé pour nous.
Si nous voulons croire sérieusement,
nous devons nous approcher et toucher la plaie du Seigneur,
caresser sa blessure et aussi baisser la tête
et permettre aux autres de caresser nos blessures » (2.04.2016).

Et c’est ainsi que Thomas est devenu un grand témoin de Jésus,
jusqu’en Inde semble-t-il !

Et nous frères et sœurs ?
J’ai péché, j’ai trahi,
nous avons péché, nous avons trahi,
et le Seigneur nous pardonne, nous absout.
C’est ce que le sacrement du pardon
nous fait vivre d’une manière si simple et si belle.

Et quand nous avons été pardonnés,
nous avons peut-être le goût de faire cette « belle » prière :
Seigneur, merci pour ton pardon,
et fais que je n’aie plus besoin de recourir à ta Miséricorde !

Non ! Cela n’est pas une belle prière !
La vraie « belle prière », c’est de dire :
Seigneur, je veux connaître encore plus ta Miséricorde.
C’est ce que chante le Psaume
« Montre-moi ta miséricorde ».
Seigneur je compte sur ta créativité
pour que je connaisse toujours plus ta Miséricorde
et que je puisse la proclamer au monde.
Amen !

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