FMJ MtlMercredi, 2e Semaine du Temps ordinaire – A
Frère Antoine-Emmanuel
He 7, 1-3.15-17 ; Ps 109 ; Mc 3, 1-6
19 janvier 2011
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

La Parole qui renverse et qui bâtit

Les chrétiens de Jérusalem qui ont préparé
cette semaine de prière pour l’unité
ont voulu que nous nous arrêtions pour reprendre conscience
de la puissance de la Parole pour façonner notre unité.
« Malgré nos divisions, disent-ils,
la Parole de Dieu nous rassemble et nous unit. »
Et cela à l’image des premiers disciples à Jérusalem
qui étaient assidus à l’enseignement des apôtres (Ac 1,14).

Pour méditer cela, regardons ce qu’il en est
dans l’Évangile de ce jour.

Nous sommes le jour du sabbat ;
la Parole vivante de Dieu entre dans une synagogue.

Elle entre et y agit avec puissance
libérant l’homme de sa paralysie.

La Parole manifeste sa puissance tout particulièrement
le jour du sabbat puisque le sabbat est pour l’homme,
le sabbat est don de Dieu pour l’homme,
mémoire de l’amitié avec Dieu,
mémoire de la libération que Dieu donne,
mémoire de la libération à venir que Dieu donnera par le Messie.

Parce que c’est un jour où l’homme cesse son labeur
et fait mémoire de l’œuvre de Dieu,
c’est le jour où la Parole déploie sa puissance de libération
dans tous les cœurs ainsi disposés,
dans tous les cœurs ouverts.

Mais la Parole de Dieu rassemble-t-elle les hommes ?

Il faut commencer par répondre : non !
La venue de Jésus crée une scission
entre ceux qui accueillent sa libération
et ceux qui refusent cette œuvre de Dieu au nom de la Loi.
La Parole de Dieu est un glaive à deux tranchants (cf. Hé 4,12)
qui pénètre l’humanité et la sépare, la scinde.
Elle juge les sentiments et les pensées du cœur (id.).
Aussi n’y a-t-il pas de créature qui reste invisible devant elle,
mais tout est nu et découvert
aux yeux de celui à qui nous devons rendre compte (v. 13).

N’est-ce pas ce que Jésus lui-même dira à Jérusalem :
C’est pour un jugement que je suis venu en ce monde :
que les aveugles voient,
et que les voyants deviennent aveugles (Jn 9,39).

Ceux qui se fient à leur seule lumière humaine
deviennent aveugles ;
ceux qui reconnaissent leur aveuglement
et se confient à la Parole deviennent voyants ;
ceux-là deviennent lumière.

Dans le fond, la venue de Jésus, l’Incarnation de la Parole,
manifeste l’accueil que les humains donnent déjà – ou non –
à la Parole inscrite au plus profond de la conscience.
Car « la Parole de Dieu ne nous est pas originellement étrangère »
puisque tous nous avons été créés par la Parole de Dieu.

La question est celle du Prologue de Jean :
La Parole de Dieu est venue chez les siens
et les siens ne l’ont pas accueilli.
Mais à tous ceux qui l’ont accueilli,
il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu (Jn 1,11-12).

Tout cela nous pouvons le retrouver par exemple
dans l’envoi de Jérémie :
Voici que j’ai placé mes paroles dans ta bouche.
Vois, aujourd’hui même,
je t’établis sur les nations et les royaumes
pour arracher et renverser,
pour exterminer et démolir,
pour bâtir et planter (Jr 1,9-10).

La Parole de Dieu renverse et bâtit,
elle arrache et elle plante !
On pourrait ajouter : elle sépare et elle unit.

Cela est très concret dans le chemin d’unité
de toute communauté chrétienne.
Si la Parole est mise de côté ou instrumentalisée,
l’unité sera construite sur le sable,
et il en est souvent ainsi.
Si la Parole de Dieu est véritablement accueillie et obéie,
il y aura un passage douloureux de crise,
de remise en question, d’émondage,
mais l’unité qui en sortira sera vraie, solide, posée sur le roc.

*

Frères et sœurs,
si nous voulons être des hommes et femmes d’unité,
nous n’avons pas le choix :
il faut nous laisser purifier par la Parole de Dieu.
Il faut que Jésus puisse dire de nous :
« Vous, déjà êtes émondés
grâce à la parole que je vous ai dite (Jn 15,3) ».

Nous sommes tous des pierres
que le péché a rendu inaptes à bâtir l’unité.
Mais travaillés par la Parole,
nous devenons de belles « pierres vivantes »
qui se laissent assembler.

Prions donc ce soir pour que tous les chrétiens
de toutes confessions et de toutes cultures
se laissent travailler en profondeur par la Parole,
pour que nous nous laissions visiter par la Parole
pour être guéris comme le paralytique,
de tout ce qui paralyse la communion. Amen.

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