FMJ MtlJeudi, 3e Semaine de Carême – A
Frère Antoine-Emmanuel
Jr 7, 23-28 ; Ps 94 ; Lc 11, 14-23
27 mars 2014
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

L’armure du mensonge

Pourquoi l’Église nous donne-t-elle
cette page d’Évangile pendant le Carême ?
Parce que le Carême est un temps dense
de combats spirituels.

Nous faisons vite l’expérience,
pour reprendre les mots de Jérémie,
que nous tournons le dos au Seigneur
au lieu de tourner vers Lui notre visage (Jr 7,24).
Et pourquoi cela ?
Parce que nous sommes tous objets
des manœuvres du démon
qui d’une manière ou d’une autre
veut nous garder étrangers à Dieu.

Mais regardons comment Jésus
nous parle aujourd’hui du démon ?
Il en parle par l’image
d’un homme fort et revêtu de ses armes.

Un homme qui porte une armure (panoplie en grec).

Quelles sont les armes du démon ?
Quelle est donc cette armure ?
Rappelez-vous le chapitre 3 de la Genèse.
Que dit le serpent à la femme ?
« Vraiment, Dieu vous a dit
que vous ne mangerez pas de tout arbre du jardin ?» (Gn 3,1)
Parole insidieuse, mensongère,
parce qu’elle peut s’entendre comme
« Vous ne mangerez d’aucun arbre du jardin. »
Le Dieu de tendresse
qui offre à l’homme un jardin magnifique
devient soudain le Dieu inquisiteur, punisseur
qui veut te limiter et contrôler…
Mensonge !
En peu de mots, le serpent a insinué le trouble
en celle qui devait veiller sur l’amour,
veiller sur le sens de Dieu.
L’arme du démon, l’armure du démon,
c’est le mensonge.

C’est ce que Jésus nous dit clairement
quand Il parle du démon
comme menteur et père du mensonge (Jn 8,44).

Prenons l’exemple du vécu de Jésus au désert.
« Si tu es Fils de Dieu,
dis à cette pierre quelle devienne pain » (Lc 4,3).
Voilà une parole intelligente… mais c’est un mensonge
parce qu’elle implique que la filiation divine
serait un pouvoir à exercer pour soi, pour son bien propre.
C’est la subversion de la filiation…

Nous-mêmes nous pouvons être pris dans de tels mensonges.
Où se situent-ils ?
Du côté de notre fragilité, de notre pauvreté,
là où tu es pauvre
le démon vient semer le mensonge.
et plus le bon grain de la pauvreté du Christ murît en toi,
plus le démon sème son ivraie…
Le démon vient te convaincre
que la faiblesse est une absurdité,
et l’humilité un non sens.
Il vient te convaincre que tu dois être fort et puissant,
et brillant, et autonome,
devant Dieu et devant les autres.
En un mot : le démon te donne son armure de vaine gloire…

Regardez Pierre par exemple.
D’un côté Pierre est généreux,
il affirme avec enthousiasme :
« Avec toi, je suis prêt à aller même en prison,
même à la mort » (Lc 22, 34).

Mais en même temps,
le démon a revendiqué Pierre (Lc 22,31)
et l’a convaincu intérieurement de s’armer contre la faiblesse.
Et Pierre ira jusqu’à jurer avec imprécations
qu’il ne connaît pas Jésus (cf. Mt 26,14).

On comprend le gémissement de Jérémie :
la vérité a péri, elle est bannie de leur bouche (Jr 7,28).

Revenons à l’Évangile d’aujourd’hui :
Jésus vient d’accomplir un exorcisme.
Il a libéré un homme d’un esprit muet et aveugle selon Matthieu.
C’était donc une présence du démon
qui abîmait les facultés d’un homme pour le dégoûter de Dieu.

La libération que Jésus accomplit
suscite une polémique des pharisiens,
et cela mène Jésus à expliquer ce qu’Il accomplit.

Le démon, nous fait comprendre Jésus,
tient l’humanité dans son emprise.
Mais survient un « plus fort » qui est Jésus,
qui triomphe du démon
et lui enlève l’armure de mensonge en laquelle il se confiait.
Et il distribue ses dépouilles…

L’exorcisme accompli par Jésus est donc le signe d’une victoire.
Jésus dépouille Satan de son armure de mensonge.
Le mensonge le rendait invulnérable…
mais le mensonge est tombé par la puissance de la Croix !

Jésus est venu répandre la vérité.
Il est la Vérité.
Il donne l’Esprit de Vérité.
Il nous révèle la vérité de l’Amour du Père.

En Lui s’accomplit le tout premier Évangile :
la descendance de la femme
écrasera la tête du serpent… (cf. Gn 3,15)

Jésus ajoute une expression surprenante :
« C’est par le doigt de Dieu que Je chasse les démons » (Lc 11,20).
C’est une allusion au chapitre 8 de l’Exode :
lorsque les magiciens finissent par reconnaître
dans les prodiges de Moïse l’œuvre de Dieu,
ils parlent du bâton de Moïse
comme du doigt de Dieu (cf. Ex 8,15).

Jésus est donc le nouveau Moïse
qui libère le peuple tout entier
de l’emprise du Pharaon qu’est le démon.

C’est ce que Jésus dit explicitement :
« Si vous gardez ma parole,
vous serez vraiment mes disciples;
vous connaîtrez la Vérité,
et la vérité vous rendra libres » (Jn 8, 31-32).

Le Carême est un temps béni
pour ouvrir notre intelligence et notre cœur à la Vérité du Christ.
Il y a des mensonges qui nous tiennent captifs.
Des convictions intelligentes,
mais qui ne sont pas vraies.
Parce qu’il n’y a de vérité que dans le Christ.

« Écoutez ma voix, dit le Seigneur aujourd’hui
par la bouche de Jérémie
et Je deviendrai Dieu pour vous,
et vous, vous deviendrez un peuple pour Moi,
suivez bien la route que Je vous trace
et vous serez heureux » (Jr 7,23).

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