FMJ MtlSAMEDI DES CENDRES – A
Récollection d’entrée en Carême
Frère Antoine-Emmanuel
Is 58, 9-14 ; Ps 85 ; Lc 5, 27-32
4 mars 2017
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Un détour pour Dieu avec Moïse au Buisson ardent

Ce matin avec les retraitants, nous étions avec Moïse sur l’Horeb.
Au désert « au-delà » du désert…
Au désert tranchant…
Là où Dieu Se manifeste en tranchant nos liens,
en nous appelant à la liberté.

Moïse, là, a vu de loin le Buisson de notre fragilité
qui était rempli d’un feu qui, étonnamment, ne le consumait pas.

Et Moïse s’est adressé à lui-même :
« S’il te plaît, permets-moi de faire un détour
et je verrai » (Ex 3,3).
C’est-à-dire je verrai mieux,
je verrai plus en profondeur ce feu de Dieu
en plein désert de ma vie…

Et Moïse s’est donné la permission de faire ce détour.
Il n’est pas resté cramponné à ses habitudes, à ses itinéraires…
Est-ce qu’il s’est dit :
« Je ne veux marcher que sur des routes connues ! »
« Je ne veux rien d’autre que ce que je connais ! »
Non !
Moïse consent à se laisser déplacer.

Et pourtant Moïse a un passé terrible
avec un meurtre sur la conscience.
Et sa mémoire est comme une grande blessure,
lui qui a été repoussé, rejeté pas ses proches, par ses frères.

La sainteté de Moïse est déjà là, comme en germe.
La sainteté ce n’est pas de tout savoir de Dieu et de ses plans :
c’est d’être disponibles, ouverts.
C’est notamment de croire que notre vie n’est pas rendue stérile
par nos errances du passé.
On a vite fait de se condamner.
On a vite fait de « décider » que notre source
est désormais polluée par nos chutes et nos faux pas,
qu’elle ne pourra plus jamais donner l’eau pur
de l’amour et de la vie.

On a vite fait de porter sur soi-même une sentence,
même pas consciente :
La sainteté, c’est pour les autres.
Moi, je vais me contenter de peu, de pas grand-chose.

Si Lévi était tombé dans ce piège,
qu’aurait-il dit à Jésus ?
« Excuse-moi, mais avec ce que j’ai fait avec l’argent des autres,
je ne peux pas te suivre.
Appelles-en un autre… »
Mais c’est bien Lévi que Jésus appelle
et Jésus sait pertinemment que Lévi n’est pas en enfant de chœur.
Mais Jésus sait plus encore
comment son amour peut changer une vie.
Jésus est un Artisan…
Il sait transformer les planches à peine dégrossies
pour en faire des chefs-d’œuvre.

Et combien Jésus aime transformer nos vies.
Son Amour est tel que non seulement notre passé ne l’arrête pas,
mais Il sait, avec notre entière et déterminée collaboration,
employer ce qui est franchement lourd
et coupable dans notre passé,
pour en faire le plus beau des chefs-d’œuvre.

Je me souviens ici de notre visite l’an dernier à Ein Guedi.
La guide, une femme israélienne du kibboutz,
nous a mené à un buisson qui était franchement ordinaire.
Elle en a brisé un rameau et nous l’a fait sentir…
Il s’en dégageait un parfum extraordinaire,
un parfum qui fit la réputation d’Ein Guedi
bien au-delà des frontières d’Israël.
Et pourtant ce n’était qu’un rameau cassé
venant d’un buisson bien ordinaire !
Mais le Créateur y a déposé un parfum exquis.

Ainsi en est-il de notre vie.
Aussi ordinaire et blessée qu’elle puisse être,
si tu laisses Jésus te cueillir,
si tu collabores avec Jésus de tout ton cœur,
et que tu n’hésites pas à te relever quand tu retomberas,
tu vas offrir aux autres un parfum extraordinaire
car c’est justement cette reconnaissance
de ta misère et de ton péché
qui te rendra compatissant et miséricordieux envers les autres
parce que toi le premier tu auras fait l’expérience
d’avoir été miséricordié.

Mais comment est-ce possible,
parce que je sens en moi les ténèbres ?
« Les ténèbres m’habitent depuis si longtemps ! »

La réponse nous vient d’Isaïe cette fois :
« Si tu combles le désir du malheureux,
ta lumière se lèvera dans les ténèbres » (Is 58,10).
Tu seras comme une source où les eaux ne manquent jamais ».

Tu n’es pas condamné à porter toute ta vie tes ténèbres intérieures.
L’appel du Seigneur t’ouvre un chemin de lumière.
C’est l’appel à l’amour, à la miséricorde :
« La charité, dira saint Pierre,
couvre une multitude de péchés » (1 Pi 4,8).
Comme Lévi, choisis de suivre le Christ,
ouvre les portes de ta maison intérieure à la miséricorde,
et tes ténèbres deviendront lumières.

S’il-te-plaît, fais un détour, change ta route,
viens jusqu’au Buisson ardent de l’Amour divin.
Viens jusqu’à Jésus Eucharistie
et puise en Lui l’Amour qui rendra pure la source de ton cœur.

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