FMJ MtlJeudi, 11e Semaine du Temps ordinaire – C
Frère Antoine-Emmanuel
Si 48, 1-14 ; Ps 96 ; Mt 6, 7-15
17 juin 2010
Montréal, Sanctuaire du Saint-Sacrement

Le virus de la polluloghia

« Amen, amen, je vous le dis,
quand vous priez, parlez beaucoup
et de Dieu vous serez mieux entendu… »

Non !

Voilà pourtant ce que croit l’homme païen en nous
et notre prière devient bavarde.

Nous souffrons tous d’une maladie de la prière
que Saint Matthieu appelle la « polluloghia » :
« beaucoup de mots »…

La prière du païen est une prière bavarde.
Et la prière du chrétien ?
Elle est une prière sobre, simple,
une prière à l’école du Notre Père,
une prière qui a la sobriété romane du Notre Père.

Le Notre Père nous le prions à chaque Office,
lors de l’Eucharistie,
en méditant le chapelet,
parfois au début d’une rencontre.
Mais, est-ce que nous prions bien le Notre Père ?

*

Un jour un roi vit venir l’un de ses sujets tout endimanché.
Il se présenta devant le trône, s’inclina, et dit au roi :
Ô roi, que ton nom soit connu et aimé de tous les hommes.
Ô roi, que ton règne vienne.
Ô roi, que ta volonté soit faite partout, par tous, et parfaitement.

Voilà des paroles qui risquent fort
d’être des paroles de courtisan !
Des paroles pour plaire,
des paroles intéressées,
surtout si elles sont suivies par des demandes
que le sujet fait au roi.

Paroles de courtisan,
paroles dictées par l’intérêt ou par la peur…

*

Voilà ce que le Notre Père peut être sur nos lèvres.
Des Paroles magnifiques, divines,
mais privées de l’âme qui les fait chanter.
Comme un vitrail magnifique
mais qu’aucune lumière ne fait briller.

Comment ces mêmes paroles
peuvent-elles se mettre à briller,
à brûler et à danser de joie ?
Quand elles sont éclairées
par la lumière du Verbe,
de Jésus,
du Fils.

Quand l’amour filial se met à pénétrer ces paroles,
la courtisanerie vole en éclat !
Elles deviennent des paroles incandescentes d’amour !

D’amour pour le Père
ou bien d’amour pour le prochain ?
Le Notre Père de Jésus est plein d’amour pour le Père
et plein d’amour pour les humains.

Pour le Père, car il désire la joie du Père.
Il aime sa volonté ;
Il se jette dans l’obéissance
comme un enfant dans les bras de son père.

Et plein d’amour pour les humains
parce qu’il dit « nous »,
parce qu’il confesse un Père commun
et parce qu’il désire pour tous
ce qu’il y a de plus beau, de plus vrai, de plus éternel :
que tous chantent le Père
accueillant son règne d’Amour
qui nous fait un en Lui,
et se livrant à sa volonté
qui libère ce qu’il y a de plus grand en nous.

La courtisanerie a disparu.
Il y a désormais le chant des lèvres des tout petits,
des enfants qui se ressourcent dans le cœur du Père
et qui le bénissent et le louent.

*

Et la suite du Notre Père.
Est-ce que ce ne sont que des demandes
d’un courtisan intéressé ?

Non, car demander au Père la vie,
l’amour fraternel et la libération du mal,
c’est aimer le Père;
c’est reconnaître que tout vient de Lui.
Combien le Père aime que nous lui demandions
ce qui nous fait vivre,
car la demande nous rend d’avantage
fils et fille du Père.
Et c’est bien cela que le Père attend.

Mais c’est aussi une prière brûlante d’amour fraternel,
parce que nous demandons en disant « nous »,
et que ce « nous » n’a pas et ne peut avoir de frontières.
Nous sommes porte-paroles de l’humanité
pour appeler sur tous les humains
l’abondance des dons de Dieu.
Et la loyauté ne nous permet plus d’accaparer
sans partager ce que le Père nous donne.

Les demandes du Notre Père de Jésus
nous mettent à l’école de l’Amour !

*

Avec Jésus, en Jésus,
le Notre Père devient en nous une joie.
Il nous illumine de l’intérieur.

Avec ses trois premiers cris d’amour,
il nous fait nous offrir au Père.
Avec ses trois demandes filiales
il nous fait tout recevoir du Père.
Tout vers toi, Père !
Tout de toi, Père !
Et tout cela ensemble,
dans un « nous » grand comme le Corps du Christ.

Alors, la « polluloghia » nous laisse,
et la prière devient simple.

Prière d’enfance.
Un grand « Amen » du cœur au Père.

Comme l’Amen de cette Eucharistie.

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