FMJ Mtl5e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – B
Frère Antoine-Emmanuel
Jb 7, 1-4.6-7 ; Ps 146 ; 1 Co 9, 16-19.22-23 ; Mc 1, 29-39
8 février 2009
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Souviens-toi, Seigneur !

« Souviens-toi, Seigneur : ma vie n’est qu’un souffle,
mes yeux ne verront plus le bonheur » (Jb 7,7).
C’est le cri de Job qui n’en peut plus,
dans une souffrance physique et morale insoutenable.
« La vie m’est en dégoût,
je veux donner libre cours à ma plainte
je veux parler dans l’amertume de mon âme » (10,1).

Souffrance insoutenable jusque dans ses os.
Mais Job avait encore la chance de ne pas être seul :
aussi piètre que soit l’amitié de ses compagnons,
il avait quelqu’un devant qui crier.
Et qui plus est, il avait de Dieu
une connaissance, une expérience.
Que dire alors des drames
que vivent aujourd’hui
tant et tant de personnes seules ;
seules jusque dans leur âme,
ignorant la Présence de Dieu.

Parcourant les rues du quartier, je me demandais :
quelles souffrances se cachent derrière ces portes ?
Surtout quand on sait qu’une porte sur deux,
c’est le « chez nous » d’une personne seule.

La pauvreté la plus redoutable
n’est pas celle qui s’expose,
mais celle que l’on cache
dans la douleur et la honte ;
nous le savons bien nous-mêmes.

Devant cette souffrance diffuse dans les villes,
je ne peux d’abord que me taire.
Me taire et adorer parce que la foi me dit que là,
c’est encore et toujours le Christ qui est humilié,
blasphémé, torturé et crucifié.
Toute chair souffrante est Sa propre chair.

Le « Souviens-toi Seigneur… »
entendu aujourd’hui dans le cri de Job
est un appel à prier, à crier vers Dieu jour et nuit,
à lui présenter les douleurs qui sont déjà les siennes
mais qu’Il veut voir enveloppées de notre compassion.

*

C’est à l’intérieur de cette supplication pour notre ville,
que nous recevons l’Évangile de ce dimanche.
Notre cri vers Dieu découvre un visage :
Celui de Jésus qui aujourd’hui,
entre à l’intérieur de la maison
et se trouve face à la souffrance :
une femme, sans doute âgée,
terrassée par la fièvre.

Là se déploie alors toute la puissance
de guérison et de vie de Jésus.
Pour cette femme qui retrouve la vie,
puis pour une foule de malades et de possédés,
qui viennent à Lui au coucher du soleil.

Il y a là, en pleine ville, en plein quotidien,
un merveilleux déploiement d’amour,
de miséricorde, de compassion et de grâce.
Au contact de Jésus, toute chair renaît
et les puissances des ténèbres, défaites,
cèdent la place à la joie
qui est Dieu Lui-même s’unissant à notre humanité.

Jésus nous prend la main,
nous relève,
nous donne vie.
Parce qu’Il est la Vie !

L’Évangile nous montrera tant et tant de fois
cette compassion de Jésus
pour un père dont la petite fille est en train de mourir ;
pour une femme qui n’en peut plus de sa maladie
que les médecins n’ont pu soigner ;
pour une maman dont la fille est sous l’emprise du démon ;
pour une veuve qui vient de perdre son fils unique.
Partout où Jésus passe, la vie rejaillit.
En Lui, le Père se penche sur chaque infirmité
pour tout guérir,
pour tout sauver.

Chaque guérison, chaque délivrance,
nous oriente vers la grande guérison,
celle du péché,
de ce mal de l’âme
qui rend l’homme tortueux et défiant
devant Dieu et devant les autres.

Tout cela, Pierre le proclamera
chez le païen Corneille de Césarée en ces quelques mots :
Jésus… « vous savez comment
Dieu l’a oint de l’Esprit Saint et de puissance,
Lui qui a passé en faisant le bien
et en guérissant tous ceux
qui étaient tombés au pouvoir du diable,
car Dieu était avec Lui » (Ac 10, 37-38).

À Capharnaüm, ce jour-là,
comme à Montréal aujourd’hui et chaque jour,
Jésus passe en faisant le bien.
Mais regardons bien ce qui s’est passé à Capharnaüm :
On parla à Jésus de la malade écrit Saint Marc (Mc 1,30).
On lui amenait tous les malades (1,32).
Et qui est ce « on » ?
Il s’agit de Pierre, d’André et de beaucoup d’autres
qui ont été les serviteurs de la rencontre de Jésus
avec les souffrants de leur ville.
Qu’ont-ils en commun ?
La compassion d’abord,
le don de percevoir la souffrance de l’autre
dans une sensibilité qui ne les écrase pas,
mais les propulse vers des gestes d’amour.

La compassion, mais aussi la foi ;
la foi qui reconnaît en Jésus l’unique Sauveur
au cœur de toute détresse.
Compassion et foi qui s’incarnent
dans la prière : on parla à Jésus de la malade,
et dans les actes : on lui amenait tous les malades.
C’est ce que feront bientôt les quatre porteurs du paralytique
avec une audace merveilleuse.
Frères et sœurs, aurons-nous le courage
de demander aujourd’hui à Jésus
cette compassion et cette foi en actes ?
« Malheur à moi si je n’annonce pas l’Évangile ! » (1 Co 9,16)
proclamait il y a un instant Saint Paul.

Si nous avons le cœur anesthésié,
réveille-nous, Seigneur !

Il y a aujourd’hui bien des guérisons
qui manifestent la merveilleuse tendresse de Dieu,
mais elles sont encore peu nombreuses
pour servir l’éclosion de la foi
à même l’asphalte de la culture athée.
Et s’il y a peu de guérison,
ce n’est pas que le Seigneur soit absent
ou qu’il soit endormi
comme Élie le disait du dieu Baal.
C’est que Satan nous a trompés
et que le monde nous a anesthésiés.

Le Christ guérissant,
le Christ Source-de-Vie est au milieu de nous,
vivant et débordant d’Amour.
Il a pris sur Lui le fardeau des souffrances et des solitudes
de toute l’humanité et Il les a retournées vers le Père,
vers l’Amour.
« Tout est accompli » (Jn 19,30) :
aucune souffrance n’a été oubliée,
tout a été visité et rendu à l’espérance par la Résurrection.
Mais il en est si peu qui accueillent cette victoire.

Ce matin, Jésus passe au milieu de nous,
faisant le bien et guérissant tous ceux
qui sont tombés au pouvoir du diable (cf Ac 10, 37-38).

Il passe.
Est-ce qu’il va trouver un passage dans ton cœur ?
Un passage pour te rejoindre
un passage à travers toi pour rejoindre d’autres pécheurs,
d’autres souffrants ?

« Voici que je me tiens à la porte et je frappe » (Ap 3,18).
Jésus ne frappe pas de l’extérieur ;
mais de l’intérieur de notre cœur
« Me laisseras-tu passer ? »

Si nous Le laissons entrer dans notre maison,
si nous Lui présentons nos fièvres cachées,
Il va nous prendre par la main,
et nous allons nous retrouver debout à servir ;
à servir la vie !
« Et voici les signes
qui accompagneront ceux qui auront cru :
en mon nom ils chasseront les démons (…) ;
(en mon nom) ils imposeront les mains aux malades
et ceux-ci seront guéris » (Mc 16, 17-18).

Frères et sœurs,
ne serait-ce que dans un éclat de seconde,
communions à la joie de notre guérison qui vient ;
communions à la joie de ceux et celles
qui à travers nous
feront l’expérience de la guérison
et du salut offert par Jésus.
Quelle merveille !

Le « souviens-toi, Seigneur » de Job
était un cri lancé vers Dieu
dont le visage était si peu connu de lui.

Le « souviens-toi » des malades
que nous lançons vers Dieu en cette Eucharistie
s’adresse, plein de confiance et déjà de gratitude,
au Père dont la tendresse nous a été révélée :
« tout ce que vous demanderez en priant,
croyez que vous l’avez déjà reçu
et cela vous sera accordé » (Mc 11,24).

« À présent, donc, Seigneur, (…)
étends la main pour opérer des guérisons,
signes et prodiges
par le nom de ton Serviteur Jésus » (Ac 4,30).

Et envoie-nous vers ceux qui souffrent,
vers ceux qui attendent l’Évangile,
parce que c’est pour cela que nous sommes au monde.

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