FMJ MtlMardi, 9e Semaine du Temps ordinaire – B
Frère Antoine-Emmanuel
Tb 2, 9-14 ; Ps 111 ; Mc 12, 13-17
2 juin 2015
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Que dois-je rendre à César ?

« Est-il permis, oui ou non,
de payer l’impôt à César ? » (Mc 12,14)
Qu’est-ce que vous, vous en pensez ?

Permis… au sens de la loi, de la Torah.
Est-ce que la loi permet de payer l’impôt
à un empereur étranger qui prive Israël
de son autonomie politique
comme l’ont fait avant lui
les Assyriens, les Babyloniens,
les Perses et les Grecs ?
Cela va jusqu’au fait
que les vêtements du grand-prêtre
étaient gardés par les Romains
qui avaient construit une forteresse
pour surveiller le temple.
Payer cet impôt,
c’est accepter cet état de fait, cette capitulation.

De plus l’empereur de Rome
est reconnu, ou se fait reconnaître, comme Auguste :
il est vénéré comme « Seigneur »…
Lui payer l’impôt, n’est-ce pas reconnaître en lui le Kyrios
au détriment de la Seigneurie du Dieu d’Israël ?
N’est-ce pas un blasphème ?

D’un autre côté, Jérémie n’a-t-il pas invité Israël
à accepter une domination étrangère ?
Et n’est-ce pas justice que de payer l’impôt
au pouvoir politique en place ?
D’autant plus que le pouvoir romain
laisse une liberté religieuse à Israël
et se montre globalement attaché à la justice !

Refuser de payer l’impôt,
c’est mettre en danger un équilibre qui,
somme toute, a bien des avantages
puisqu’Israël bénéficie du temple
et les familles sacerdotales peuvent exercer leur autorité.

La question n’est pas simple.
Et l’on imagine bien les débuts
avec des arguments pleins de sens,
mais aussi avec des arguments bien mélangés
à avec des intérêts personnels ou familiaux,
où l’argent et le pouvoir s’y mêlent.

Cette question n’est pas une question propre à l’antiquité.
C’est une question qui se pose sans cesse aujourd’hui.
Faut-il accepter tout ce que le pouvoir politique
exige des citoyens ?
Quel est le juste rapport entre la politique et le religieux ?
Doit-on sacrifier sa conscience
sur l’autel de la raison d’État ?

La réponse de l’Islam est claire :
il n’y a pas de distinction entre la politique et le religieux.
L’Islam marque de son empreinte la terre, la famille,
le pouvoir politique, l’économie, la culture
et bien sûr, le culte.

Comment répond Jésus ?
Jésus ne répond pas directement à la question.
Il replace la question,
Il la ramène au vrai niveau où elle se pose :
on ne peut pas mettre César et Dieu au même plan.
On ne peut pas faire des compromis
entre la politique et le religieux,
parce que cela signifie qu’on fait de César un Dieu
ou de Dieu un César.

Il faut rendre à César ce qui est à César
et à Dieu ce qui est à Dieu.
Ce qui veut dire qu’il faut savoir
ce qui est à César et ce qui est à Dieu.
Qu’est ce qui appartient à César ?
Dans le domaine fiscal, la pièce de monnaie,
c’est-à-dire l’argent.

Qu’est-ce qui appartient à Dieu ?
La personne humaine, toi, moi… et César !

C’est cette distinction qui est fondamentale.
La personne humaine n’appartient pas à César.
La vie, depuis la conception jusqu’à la mort naturelle,
appartient à Dieu et pas au pouvoir politique.

Quant à l’argent et à l’exercice du pouvoir,
Dieu n’en veut pas pour Lui-même.
Le Règne de Dieu ne se construit
ni par l’argent ni par les jeux de pouvoir.

« Rendez à César ce qui est à César
et à Dieu ce qui est à Dieu » (Mc 12,17).
Ne vole pas César en refusant de payer le juste impôt
ou en convoitant un pouvoir injuste.
Et ne vole pas Dieu en t’appropriant ta propre vie
ou celle d’autres personnes.

Rendre à Dieu ce qui Lui appartient.
Voilà ce que Jésus a fait.
Il nous a rendus à Dieu.
Il nous a libérés des chaînes du pouvoir
– le pouvoir satanique –
pour nous rendre à Dieu,
pour que nous vivions
dans la liberté des enfants de Dieu.
C’est cela que la grâce eucharistique
renouvelle en nous chaque jour.

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