FMJ Mtl2e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – B
Frère Antoine-Emmanuel
1 S 3, 3-10.19 ; Ps 39 ; 1 Co 6, 13-15.17-20 ; Jn 1, 35-42
15 janvier 2012
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Mon enfant, retourne te coucher…

« Mon enfant, retourne te coucher… » (1 S 3,5).
Il a fallu du temps, beaucoup de temps, au vieux prêtre Élie
pour comprendre que Dieu s’adressait personnellement
au jeune Samuel.
Mais la réalité était bien celle-là :
Dieu se faisait proche de Samuel
et l’appelait : « Samuel, Samuel ! » (3,5).
Et ce qui est bouleversant, c’est que Dieu patiente,
Dieu attend.
Et Dieu appelle de nouveau.

Cette attente nous dit le respect que Dieu a de Samuel
comme de chacun de nous.
Dieu ne fait pas d’intrusion.
Il appelle, Il fait signe, Il bouleverse,
mais Il nous respecte infiniment.

C’est que Dieu, quand Il nous regarde,
voit quelque chose que nous voyons encore mal
et qui s’appelle la « personne » humaine.
Nous ne sommes pas des morceaux de matière inanimée ;
nous sommes tellement plus que des individus
d’une espèce animale :
Nous sommes des personnes humaines depuis notre conception.
Et c’est là quelque chose de très grand
que Dieu respecte d’une manière bouleversante.

Dieu n’entre jamais par effraction
dans le Sanctuaire de la Personne humaine :
« Si quelqu’un M’aime,
il gardera ma parole,
mon Père l’aimera
et Nous viendrons à lui
et Nous ferons en lui notre demeure » (Jn 14,23).
… si quelqu’un m’aime…

En face de Dieu, nous nous découvrons comme des personnes.
Pas seulement des êtres doués de raison
mais des êtres porteurs d’un mystère,
d’une intériorité insaisissable.
C’est ce que les dictateurs, les tyrans,
les gourous de toutes les époques ne supportent pas.
Et combien de fois, ils ont tenté de piétiner
l’intériorité, l’unicité, l’inviolabilité
de la personne humaine.
Mais aussi brutales que soient leurs manœuvres,
il reste toujours quelqu’un qui respecte ce mystère :
c’est Dieu Lui-même.

L’homme, la femme est un « univers à lui-même, »
un « microcosme » disait Jacques Maritain.
Quelle grandeur, quel mystère !

Dieu respecte.
Mais Dieu n’est pas inerte ou silencieux :
Dieu appelle.
Dieu se fait proche de la personne humaine
et nous appelle à entrer en relation.
C’est son grand appel sans cesse répété :
l’Appel à aimer, le commandement de l’Amour,
pour nous ouvrir à l’autre
et pour nous faire sortir de nous-mêmes.

C’est le grand paradoxe de la Personne :
nous sommes un univers, un mystère inviolable
et en même temps nous avons essentiellement,
ontologiquement, besoin de relation.
Dieu nous appelle et nous révèle
que notre joie c’est l’autre,
que notre vie c’est l’autre…
l’autre accueilli en nous, l’autre à qui nous nous donnons.

Il n’est pas bon,
il n’est pas bon du tout,
que l’homme soit seul.
Si je ne fais pas en moi place à l’autre, je meurs.
Si je ne fais pas de me vie un don aux autres, je meurs.
Et c’est cette mort-là
vers laquelle le péché ne cesse de m’entrainer.

Sans l’autre aimé, nous mourons :
c’est notre grande pauvreté, notre pauvreté extrême
et notre pauvreté bénie.

Le caractère sacré de la personne humaine
c’est son inviolabilité,
et c’est tout autant sa vocation à la rencontre,
à la relation,
à la communion.

*

Que vient faire Jésus
quand Il arrive au bord du Jourdain de jadis
et au bord de nos Jourdains de tous les jours ?
Jésus vient rendre à nouveau possible cette relation.
Il est l’Agneau qui soulève, qui porte, qui emporte,
le péché du monde.
Il soulève et emporte la chape de peurs
qui nous empêche d’entrer en relation,
qui nous empêche d’aimer.
Et Jésus nous mène à la plénitude de relation
avec le Père et avec les humains
pour laquelle nous avons été faite.

Pourquoi André et son compagnon sont-ils restés auprès de Jésus ?
Qu’ont-ils trouvés auprès de Lui ?
Ils ont trouvé en Jésus une qualité de relation avec le Père
et avec eux-mêmes dont leur âme avait soif,
incroyablement soif.

Jésus est venu nous guérir,
c’est-à-dire nous ouvrir.
Comment ?
En entrant en relation avec nous.
Il vient à nous.
Il s’offre à nous.
Il consent à être rejeté, crucifié, enseveli
prenant sur Lui notre fermeture…
et Il se représente à nous resplendissant d’Amour
nous offrant une nouvelle manière d’être au monde
où nous ne sommes plus des êtres clos
mais des êtres ouverts à la vie, ouverts à l’Amour.

C’est cela qu’Il nous offre aujourd’hui
en nous disant : « Venez et voyez ! » (Jn 1,39)

Jésus nous offre de devenir des créatures nouvelles
et cela jusque dans notre corps.
C’est ce que Saint Paul nous fait découvrir
dans la Première lettre aux Corinthiens.

La personne humaine ce n’est pas seulement un esprit.
C’est aussi un corps.
Le corps est le sacrement de la personne humaine :
Il en exprime toute la richesse et toute la pauvreté.
C’est pourquoi Paul s’élève contre le mépris du corps.

Ce que nous vivons dans notre corps engage toute notre personne.
Regarde ce que tu vis avec ton corps,
tu sauras ce que tu vis en vérité.

Aujourd’hui : on commence par avoir des relations sexuelles
et de là on voit si on va pouvoir être amis.
Faisant ainsi, on blesse profondément la personne humaine,
soi-même et l’autre.
Le corps n’est plus l’expression de la personne,
il est un objet d’expériences.
Je suis l’objet de l’expérience d’un autre…

Comment Paul s’y prend-il
pour libérer les corinthiens des continuels abus de la personne
dans son corps ?
Par deux lumières :

D’une part en rappelant ici la réalité de la résurrection.
Notre foi se base sur la résurrection du Christ,
et sur la Résurrection de tous ceux qui Lui appartiennent.
Mon corps, semé en terre, se relèvera
dans un nouvel éclat, dans une vie nouvelle, pour l’éternité.
Est-ce que je braderai ce corps qui demain ressuscitera ?

Dans un second temps, Paul questionne :
ne savez-vous pas que vos corps sont les membres du Christ ?
Le corps du Christ aujourd’hui, en 2012,
c’est toi, c’est moi, c’est nous,
et pas seulement dans notre cœur et notre esprit :
aussi dans notre corps.
Depuis notre baptême, notre corps ne nous appartient plus :
il est au Christ.
Et tout ce que nous vivons dans notre corps
qui n’est pas dans l’ordre de l’amour et de la vérité
blesse, meurtrit, le Christ.

*

Frères et sœurs,
ce que nous sommes comme personne humaine
jusque dans notre corps est tellement grand.
Notre corps est le temple du Saint Esprit !
Ce n’est pas pour rien que dans un instant
le thuriféraire va passer parmi nous et nous encenser !

*

Aujourd’hui, Jésus pose son regard sur nous
comme il le posa sur Simon.
Fixant son regard sur lu, Jésus dit :
« Tu es Simon, fils de Jean;
tu seras appelé Céphas » (Jn 1, 42)
ce qui veut dire Pierre.

Tu es Simon.
Tu es François, Chantal, Dominique…
Jésus nous connait personnellement.
Il nous reconnait comme personne.
Le péché nous salit, nous abîme, nous défigure,
mais Jésus connaît notre mystère qui nous rend unique,
irremplaçable dans l’être.
Et Il nous regarde.

C’est un regard qui nous fait être.
Un regard qui vient du Ciel
et nous dit : il est beau, il est bon que tu existes.
Tu n’existes pas par erreur.
Je veux que tu sois.
Le Père te connaît, te désire, t’appelle sans cesse à la vie.

Et Jésus prend la parole après ce regard silencieux
pour révéler à Simon son nom nouveau :
La relation avec Jésus va conduire Simon
à la plénitude de sa vocation.
Son nom nouveau exprime l’accomplissement de sa personne.
Un accomplissement dans l’amour,
dans le don de soi.

Et toi, frère, sœur, sais-tu quel est ton nom nouveau ?
« Au vainqueur dit Jésus,
– à celui qui aura accueilli en lui-même la victoire de ma croix,
à celui qui aura renoncé à lui-même
pour s’attacher à moi
Je donnerai de la manne cachée
– c’est le corps de Jésus, son Eucharistie –
et, gravé sur la pierre,
un nom nouveau que personne ne connaît
sinon celui qui le reçoit »  (Ap 2,17).

Quel est ton nom nouveau ?
Aucun livre, aucune science, aucun site internet
ne nous le révélera.
Seule la rencontre personnelle avec Jésus
nous le révèle.
Donne-toi, perds-toi dans l’Amour
et tu découvriras la beauté de ton nom nouveau,
toi qui es unique,
toi qui es le Bien-aimé, la Bien-aimée de Dieu.

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