FMJ Mtl7e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – A
Frère Antoine-Emmanuel
Lv 19, 1-2.17-18 ; Ps 102 ; 1 Co 3, 16-23 ; Mt 5, 38-48
19 février 2017
Maison de Prière, Mont-Saint-Hilaire

Tu es entré en Dieu

Ce que le Seigneur nous dit en ce dimanche
commence, je crois, par une parole adressée aux prédicateurs !

Dans le Chapitre 3 de la Première Lettre aux Corinthiens,
Paul parle du ministère des apôtres, des prédicateurs,
de tout ceux qui servent l’annonce de l’Évangile,
avec une image : celle du bâtisseur.

Quand tu prêches, tu bâtis, tu construis.
Le fondement, c’est le Christ ;
c’est l’annonce de Jésus mort et ressuscité pour nous,
pour nous sauver de l’empire du péché
et nous ouvrir pour l’éternité, l’accès au cœur du Père.
Posée sur ce fondement-là, il y a toute la vie chrétienne.
Toi qui prêches, moi qui prêche, comment construis-tu ?
Avec des pierres précieuses ou avec du foin ? (cf. 1 Co 3,12)

Est-ce que ta prédication repose vraiment sur le Christ,
ou bien est-ce qu’elle n’est que la sagesse du monde,
élégante, séduisante mais trompeuse ?
« Car la sagesse du monde est folie devant Dieu » (1 Co 3,19).

Et Paul va plus loin encore :
Toi qui prêches, sais-tu à qui tu t’adresses ?
Ces hommes, ces femmes à qui tu t’adresses,
ils sont, chacune, chacun, le temple de Dieu.
En chacune, en chacun, demeure l’Esprit Saint.
Vient alors l’avertissement sévère de Paul :
« Si quelqu’un détruit le Temple de Dieu, Dieu le détruira,
car le temple de Dieu est saint,
et ce temple, c’est vous ! » (1 Co 3,17)

Le Seigneur me le dit clairement :
Souviens-toi que ceux à qui tu parles
sont temples de l’Esprit Saint.
Si tu les attires à toi,
si tu leur prêches la « sagesse du monde »,
Je t’en demanderai des comptes.
Alors… priez pour moi !
Priez pour tous ceux qui servent l’annonce de l’Évangile.

*

Ceci étant dit, où nous mène la Parole de Dieu en ce dimanche ?
Commençons par le Livre du Lévitique.
Nous connaissons très bien ce verset du Lévitique :
Aime ton prochain comme toi-même (Lv 19,18).
Mais dans quel contexte se situe ce verset ?
Il appartient à ce don merveilleux qu’est la Loi.
Un cadeau du Dieu saint
pour que nous devenions saints :
« Soyez saints, car Je suis saint,
Moi, le Seigneur votre Dieu » (Lv 19,2).
La Loi est le chemin qui nous conduit dans la sainteté de Dieu
qui est celle de l’Amour.
On pourrait retraduire : « Soyez Amour,
car Je suis Amour, Moi, le Seigneur votre Dieu ».
Prenez la voie de l’amour car ainsi vous entrerez en Moi !

Cette Loi vient éclairer toutes les circonstances de notre vie.
Elle vient en particulier éclairer
une situation malheureusement courante
qui est l’hostilité.
Il y a quelqu’un qui m’est hostile,
qui me veut du mal,
qui me fait du mal.

Que nous dit le Lévitique ?
Il nous dit quatre choses :

1. N’aie aucune pensée de haine.
Veille sur tes pensées,
ne laisse pas la haine entrer ;
fais la guerre à la haine en toi.

2. N’aie aucune rancune.
Veille sur ta mémoire ;
ne laisse pas le souvenir du mal subi
se durcir en rancune qui va rendre ton cœur
de plus en plus dur et intolérant.

3. Ne te venge pas.
Veille sur tes actes.
Ne laisse pas la colère guider tes actes
pour faire payer même discrètement et poliment
ce que tu as subi.

4. Réprimande ton compagnon, ta compagne.
Aie le courage de le/la corriger,
non pas pour te délester, te venger, te défouler,
mais pour son bien, par amour.

C’est dans ce contexte-là très précisément,
que le Lévitique ajoute :
« C’est ainsi que tu aimeras ton prochain
comme toi-même » (19,18).
Qu’il est concret cet amour !
Et qu’il est exigeant !

C’est si exigeant que la tradition orale
avait quelque peu dénaturé cet appel à l’amour,
allant jusqu’à donner comme précepte :
Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi (Mt 5,43).
Ce à quoi Jésus répond dans l’Évangile :
« Moi, Je vous dis : aimez vos ennemis,
et priez pour ceux qui vous persécutent » (v. 44).

Quel appel : aimer nos ennemis !
Aimer la personne qui a semé la division dans ma famille ;
aimer la personne qui m’a ruiné ;
aimer la personne qui m’a trahi.
Mais aussi :
aimer la personne que j’ai trahie ;
aimer la personne que j’ai ruinée…

L’appel du Seigneur est bien clair ce dimanche,
et je crois qu’il commence par un choix, une décision.
Je pense à une personne bien concrète
qui a de l’hostilité contre moi
quelle qu’en soit la raison.
Et ce matin, je choisis de la faire entrer dans mon cœur,
dans mon amour, dans ma bienveillance.

Parce que je suis temple de l’Esprit Saint ;
parce que l’amour a été répandu en moi
par le Saint-Esprit (cf. Rm 5,5),
cela n’est pas impossible.
L’Esprit Saint est une connaissance mutuelle
entre les personnes, par l’intérieur,
par le cœur, dans l’amour.
Il m’habite et par Lui,
je peux laisser entrer en moi la personne hostile
qui me fait souffrir.

Bienvenue en mon cœur !
Bienvenue en ma prière !
Et c’est ainsi que nous entrons en Dieu,
que nous devenons saints comme Dieu est saint.

Comme le Seigneur fait luire son soleil
et offre la pluie bienfaisante
aussi bien sur les justes que sur les injustes,
je commence à faire de même.
Je fais lever le soleil de mon regard,
de ma bienveillance sur cette personne.
Je choisis d’aimer, de pardonner, de servir.

Est-ce tout ce que nous demande l’Évangile ?
Non… il y a encore ce triple appel :
« Si quelqu’un te gifle sur la joue droite,
tends-lui encore l’autre.
Si quelqu’un veut te poursuivre à la cour et prendre ta tunique,
laisses-lui encore ton manteau.
Si quelqu’un te demande de faire une heure de marche avec lui,
fais-en deux heures » (Mt 5, 39-41).

Mais Seigneur, que me reste-t-il
si je tends la joue gauche,
si je perds ma tunique et mon manteau,
si je donne tout mon temps ?

Il ne me reste rien !
Si. Il te reste l’amour !
En perdant ce que tu as, ce que tu es,
tu deviens ce que tu n’es pas par toi seul :
tu deviens amour.

Avec ta joue, ta tunique, ton manteau et tes pas,
tu es entré dans l’amour, tu es entré en Dieu.

Merveilleuse page d’Évangile,
l’Évangile de l’amour des ennemis.
Cet Évangile que nous recevons maintenant,
vivant, dans l’Eucharistie ;
aussi hostiles que nous puissions être au Seigneur,
Lui Se donne,
Lui Se livre,
pour que nous puissions avec Lui
aimer, animés désormais par son Amour.

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