FMJ MtlSAINT JOSEPH, ÉPOUX DE LA VIERGE MARIE, PATRON DU CANADA – C
Frère Antoine-Emmanuel
2S 7, 4-5.12-16; Ps 88 ; Rm 4, 13. 16-18.22 ; Mt 1, 16.18-21
19 mars 2010
Montréal, Sanctuaire du Saint-Sacrement

Noble, juste et chaste

Depuis quelque temps,
il ne passe pas un jour où l’Église catholique
ne soit sous le feu des médias
qui font état de nombreuses dénonciations
de violences sexuelles commises par des prêtres,
en Irlande, en Allemagne, en Autriche et ailleurs.

Quelle douleur !
Quelle immense douleur
pour les victimes d’abord et surtout,
pour les prêtres aussi
et pour toute l’Église.
Immense douleur qui appelle notre soutien et notre prière
pour tous ceux qui souffrent de tout cela,
et qui appelle également le repentir du prêtre.

*

Il nous faut aussi essayer de comprendre
ce que le Seigneur nous dit,
ce qu’il fait dans cette page douloureuse de l’histoire de l’Église.
Quel est le sens de ce dévoilement,
de cette mise à nu des péchés des ministres du Seigneur ?

Question très difficile, très délicate.

Une piste, je dis bien une piste,
de réflexion et de prière,
nous est offerte cependant
par le livre du prophète Jérémie.

Jérémie décrit les infidélités morales et religieuses graves,
très graves, dans lesquelles s’était plongé le peuple d’Israël
au 7e-6e siècle avant le Christ.
Le peuple était, en plus,
devenu complètement sourd à la loi
et aux prophètes que Dieu lui envoyait sans se lasser.

C’est alors que Babylone, l’ennemi puissant d’Israël,
va être l’instrument – sans le savoir –
de la purification du peuple d’Israël.
C’est par Babylone que Dieu purifie son peuple.

*

Frères et sœurs,
nous pouvons nous poser la question :
Dieu n’est-il pas en train de purifier l’Église
à travers ce que les médias rapportent au grand public ?
L’Église se trouve humiliée publiquement,
mais est-ce que cela n’appelle pas à une conversion ?
N’est-ce pas une purification ?

Mais de quelle sorte de purification s’agit-il ?
Bien sûr, il y a un certain nombre d’hommes,
de ministres, qui ont péché gravement.
Mais nous aurions bien tort d’en faire des boucs émissaires.
La purification, la conversion, nous concerne tous,
même si des symptômes graves
sont le fait de quelques ministres.

De quel mal, de quel péché
devons-nous nous détourner ?

*

Un jour je rencontrais une personne
qui a été victime d’un prêtre religieux tombé dans la pédophilie.
Cette personne me disait que ce qui lui était resté
comme blessure la plus profonde,
c’est l’expérience de l’agression.
être agressée.
Être violentée.

Le témoignage d’une personne a pour moi confirmé
ce que j’avais entendu en dialoguant
avec plusieurs chrétiens de Boston
au lendemain de la crise qui a secoué ce diocèse.
Le nœud, le foyer de ces drames
apparaissait comme étant la violence,
la violence et l’abus de pouvoir.
Lors de la demande de pardon des prêtres
en cette année sacerdotale,
l’un d’entre eux a demandé – justement – pardon
pour toutes les fois où les prêtres exercent un pouvoir
« sur » les autres au lieu de « pour » les autres.

N’est-ce pas cela dont le Seigneur veut nous libérer ?
La foi, la vie chrétienne a souvent été mêlée de violence,
de violence au grand jour comme dans l’Inquisition,
ou de violence cachée,
jusque dans le sanctuaire des consciences.
Violence des guerres de clocher
et des jalousies entre laïcs et prêtres,
violence des querelles entre prêtres et évêques,
violence de certains mouvements « pro vie »,
violence dans l’usage des médias pour défendre une cause…

Partout où la foi catholique est confessée
sans une relation personnelle et profonde avec Jésus
germe la violence.

Et cette violence a été d’autant plus aigüe
lorsque la foi catholique est devenue
la référence identitaire d’un peuple ou d’une nation,
comme c’est le cas en Irlande et au Québec.

*

Frères et sœurs,
ne nous détournons pas d’un vrai examen de conscience :
quelle violence ternit ma vie de foi,
ma vie en Église ?
De quelle manière je cherche du pouvoir,
du pouvoir sur les autres ?

Prions pour que toute l’Église
se laisse déranger, interpeller et convertir
et qu’elle soit libérée de tout abus de pouvoir clérical
et de toute forme de violence.

Prions aussi pour les médias
pour que les journalistes ne s’enorgueillissent pas,
ne s’enferment pas dans le mépris et la délation.
Qu’il ne leur advienne pas
le sort de Babylone tel que Jérémie nous le décrit.

*

Prions et laissons-nous « coacher »
par celui qui est le Saint Patron de l’Église :
Saint Joseph !

Le Saint Patron de l’Église
n’est pas un apôtre qui a traversé le monde entier
ni un grand fondateur d’œuvres sociales,
ni un grand évêque.
Il est celui dont l’Église a besoin :
purement et simplement
un immense modèle de foi,
de confiance en Dieu.
Il est aussi un serviteur,
et cela jusqu’à la plus extrême discrétion.

Monseigneur Elchinger († 1998),
évêque émérite de Strasbourg et père conciliaire,
m’a raconté que peu après le Concile,
il avait rendu visite à Karl Barth.
Ce dernier, grand théologien protestant lui demanda :
quel a été, à votre avis, le pas le plus marquant du Concile ?
Monseigneur Elchinger, ne sachant comment répondre
à une question si vaste, commença par une boutade :
« Oh ce n’est pas d’avoir ajouté
la mention de Saint Joseph au Canon romain ! »
Karl Barth lui répondit :
« Au contraire, cela est très significatif ! »
Et Barth de conduire l’Évêque dans sa chambre
et de lui montrer un tableau
où l’on voyait Joseph aux pieds de Jésus et de Marie
en train de les servir.

L’Église servante.
Voilà ce que Joseph nous apprend.
L’Église se défait de la violence
quand elle choisit et re-choisit le service.

La foi en Jésus ne nous donne pas de pouvoir,
sinon le pouvoir de servir,
le pouvoir de nous donner,
de remettre notre vie entre les mains de Dieu
comme Joseph.

Joseph a été un jeune homme qui,
dans la pénombre de la foi,
s’est défait de ses certitudes
pour s’en remettre à l’agir de Dieu
qui le désarçonnait complètement,
et il s’est fait serviteur,
seulement serviteur.

C’est lui Joseph que nous invoquons
pour nous-mêmes et pour toute l’Église,
lui le serviteur, mais aussi l’homme de foi.
Non pas une foi enfermée et sécurisée
dans des lois et des livres,
mais une foi qui est une remise de soi
à la personne bien vivante, bien réelle de Jésus,
de Jésus et de Marie.

Joseph ne nous apprend pas à « croire »,
il nous apprend à « croire en Jésus »,
à accueillir Jésus,
Jésus et Marie.

Et c’est cela qui nous purifie,
qui purifie toute l’Église
qui peut alors apparaître dans sa sainteté.

*

Frères et sœurs, prenons le temps
de regarder l’icône de Saint Joseph.
Un homme avec un enfant dans les bras.
Dans un contact charnel, concret, humain,
où resplendit toute la chasteté,
toute la pureté,
que Dieu veut donner à ses ministres
et à tous ses enfants.

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