FMJ MtlASCENSION DU SEIGNEUR – C
Frère Antoine-Emmanuel
Ac 1, 1-11 ; Ps 46 ; Hé 9, 24-28; 10, 19-23 ; Lc 24, 46-53
12 mai 2013
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Quelques mises à jour

Avec la venue du beau temps,
nous nous sommes mis à ouvrir les fenêtres.
Ça fait du bien :
laisser entre l’air du printemps,
la chaude lumière du soleil…
C’est cela l’Ascension !

L’Ascension c’est une grande ouverture pour notre humanité,
un don complètement nouveau qui nous vient de Dieu.

Saint Épiphane aux premiers siècles de l’Église disait :
« La plus grande des fêtes, celle devant laquelle tout discours
n’est qu’un balbutiement, c’est l’Ascension,
torrent de délices et comble de la joie.
Aujourd’hui, le Christ ouvre la porte des cieux
qui sont ruisselants de lumière. »

*

Pour goûter cette fête, il faut dépoussiérer notre foi
et quitter des vieilles images
qui traînent dans nos souvenirs de catéchisme un peu maladroit :
« Jésus est ressuscité, sorti du tombeau;
Il est resté 40 jours sur la terre,
dans une sorte de cache-cache ;
et le 40e jour, Il est monté aux Cieux… »
Non !

*

La Résurrection de Jésus est déjà l’entrée de Jésus avec son humanité dans la gloire du Père.
« Je monte vers mon Père et votre Père,
vers mon Dieu et votre Dieu » (Jn 20,17).
dit Jésus le jour de Pâques !
Dans Sa Pâques, Jésus est glorifié ;
avec son humanité, Il est dans la gloire de Dieu.
Cette gloire que nous appelons le « ciel ».

*

Le Ciel n’est pas un lieu !
Le « Ciel », c’est la participation des humains à la vie de Dieu.
C’est quand les humains entrent
dans la danse bienheureuse des Trois,
dans l’embrassement éternel du Père, du Fils et du Saint Esprit.

Parler de « ciel », d’« en-haut », c’est un langage
pour dire que nous entrons en Dieu,
que nous entrons dans la vie
divinement débordante d’Amour des Trois.

C’est beaucoup plus que le « paradis »
qui est jardin éternel de délices,
mais qui n’est pas encore la vie même de Dieu.

Revenons à Pâques :
à Pâques, Jésus en son humanité entre dans cette danse divine,
dans cette joie éternelle que nous appelons « ciel ».

Est-ce que cela veut dire que Jésus est désormais
distant, absent, lointain de nous et de nos problèmes quotidiens ?
Non !

Souvenez-vous des paroles de Jésus à la dernières Cène :
« Je m’en vais ET je viens vers vous » (Jn 14,28).

Ce n’est pas séparable !
Quand Jésus s’en va,
quand Il va vers le Père,
quand Il monte au Ciel,
en même temps Il vient vers nous.

Parce que la gloire de Dieu
ce n’est pas un fauteuil de velours dans le ciel,
la gloire de Dieu c’est d’aimer sans mesure,
d’est de Se donner,
de Se vider,
de Se répandre…

Et Jésus, Jésus en son humanité, est désormais dans cette gloire.
Il n’est plus présent dans un seul endroit de la terre,
Il est présent à toute la terre,
à tout ce que nous vivons
à nos joies et à nos problèmes.

C’est ce qu’il dit si clairement aux apôtres :
« Je suis avec vous les jours,
jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20).

*

Retenons donc deux choses :
Jésus ressuscité nous est présent,
Il est avec nous et
Jésus ressuscité est éternellement dans la gloire divine.

Alors, qu’est-ce qui s’est passé pendant 40 jours ?
Jésus a pris soin des apôtres :
ce que je viens de balbutier,
Jésus l’a révélé, l’a montré, aux apôtres
Non pas avec des concepts, mais avec du concret,
y compris avec du poisson grillé et du pain.

Pendant 39 jours, Jésus leur a fait découvrir
sa nouvelle présence :
Je suis là, Je suis avec vous,
et je me manifeste surtout à la fraction du pain.

Puis le 40e jour, Jésus leur a fait comprendre
qu’Il est désormais dans la gloire du Père.
Il fallait que les Apôtres voient l’enlèvement de Jésus
‒ c’est le terme grec (analambanô) ‒
le kidnapping divin de l’humanité de Jésus.

Et les apôtres ne se sont pas mis à pleurer
parce que Jésus partait après 40 jours d’amitié !
Non ! Ils sont plein de joie
et ils vont vite au temple pour louer Dieu.
Parce que Jésus est plus présent que jamais.

À vrai dire, ils ont commencé par regarder vers le ciel
avec la gorge serrée et une grosse nostalgie au cœur.
Mais les deux anges leur ont dit :
« Pourquoi regarder vers le ciel
comme si Jésus désormais n’était plus avec vous !! »

Ce Jésus qui vous a été enlevé
« Il viendra (et non Il « reviendra »)
de la même manière… »
Il viendra : c’est-à-dire il vient sans cesse vers vous,
il vous est continuellement présent dans l’amour
et à la fin des temps, il viendra dans la gloire.

Bref, l’Ascension, c’est la certitude que nous bénéficions
désormais de l’amitié de Jésus
qui ne cesse pas de venir vers nous, de se donner à nous.

*

Je reviens aux mises à jour…
Les apôtres aussi ont vécu ce jour-là
une mise à jour et pas à peu près !

Qu’est-ce qu’ils demandent à Jésus ?
« Est-ce maintenant
que tu vas rétablir la Royauté pour Israël ? » (Ac 1,6)

C’est-à-dire, est-ce maintenant que tu vas prendre le pouvoir,
avoir un palais, un trône, un sceptre, une cour… ?
Là, les apôtres sont des nostalgiques de l’Ancien Régime !
… comme nous quand nous rêvons de chrétienté !
Leur espérance est certes fondée sur les promesses de Dieu,
mais elle est teintée d’un retour au passé
parce qu’ils n’ont pas encore saisie la nouveauté du Royaume
dont Jésus leur a pourtant largement parlé (cf. Ac 1,3).

Car ce que Jésus apporte en sa Pâques,
ce n’est pas un retour au passé glorieux
des règnes de David et de Salomon !
C’est un bond en avant,
c’est une nouveauté extraordinaire.
Le Règne de Dieu n’est pas un triomphe politique,
c’est un triomphe dans le cœur des humains
qui transforme notre destinée
comme on ne savait même pas l’imaginer.

Et là, il y a encore une belle mise à jour à faire.

On pense souvent que « le ciel aurait été fermé
avant l’Ascension du Christ par un décret (…) de Dieu
pour être ouvert ensuite par un décret également (…) (de Dieu).

(En fait), La réalité « ciel » ne devient au contraire effective
que dans la rencontre intime de Dieu et de l’homme.

Le ciel est à définir comme le contact de l’être de l’homme
avec l’être de Dieu ;
cette rencontre intime de Dieu et de l’homme
a été définitivement réalisée dans le Christ,
lorsque à travers la mort,
il a passé au-delà du bios (la vie physique, la vie présente)
à la vie nouvelle.

Le ciel est ainsi l’avenir de l’homme, et de l’humanité,
que celle-ci ne peut se donner à elle-même,
qui lui demeure fermé ainsi longtemps
qu’elle ne compte que sur elle-même.

Le Ciel n’est pas pour nous une porte barrée
que Jésus a rouverte :
c’est une porte toute nouvelle que Jésus ouvre !
La lettre aux Hébreux tout à l’heure
nous a parlé d’une voie nouvelle et vivante (10,20).

La grande nouveauté d’aujourd’hui, c’est le Ciel !
Jésus nous a préparé une place,
une place flambant neuve qui avant n’existait pas.

L’apparition du 40e jour que nous appelons Ascension
est formidable :
Jésus a voulu nous montrer que l’humanité
a désormais une place à l’intérieur même de la vie divine.
Tu as une place.
J’ai une place.
L’Homme, la femme que vous allez croiser dans la rue
ou dans le métro tout à l’heure, a une place.

Car Dieu veut que tous les hommes soient sauvés (cf. 1 Tm 2,4).

Vous comprenez alors la nécessité de l’annonce de l’Évangile
Nous ne pouvons pas garder cela pour nous !
Mais nous ne pourrons porter cet Évangile
que dans la force de l’Esprit Saint ;
sinon nous ferons du prosélytisme et c’est très insalubre.

C’est pourquoi nous nous mettons ensemble
en attente de l’Esprit Saint
dont le don va nous être renouvelé dans la Pentecôte qui vient.
Quand les apôtres demandent à Jésus
quand Il va rétablir le Royaume pour Israël,
de quoi Jésus leur parle ?
Du baptême dans l’Esprit Saint !

Le Royaume de Dieu, il se répand sur la terre
non pas par un coup d’état,
mais par chacun d’entre nous
lorsque nous nous laissons baptiser dans l’Esprit !

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