FMJ MtlJeudi, 6e Semaine de Pâques – A
Frère Antoine-Emmanuel
Ac 18, 1-8 ; Ps 97 ; Jn 16, 16-20
2 juin 2011
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Sainte folie

Hier avec Paul, nous étions à Athènes devant l’aréopage.
Aujourd’hui, nous voici à Corinthe,
ce grand port, cette cité où règnent l’idolâtrie et la luxure.
Là, nous raconte Luc,
beaucoup de Corinthiens, en écoutant Paul,
devenaient croyants et se faisaient baptiser (Ac 18,8).

Quel a été le moyen employé par Paul
pour convertir les païens de Corinthe après l’échec d’Athènes ?

Lui-même nous le raconte dans la lettre
qu’il adressera aux Corinthiens probablement six ans plus tard :
« Quand je suis venu chez vous, frères,
ce n’est pas avec le prestige de la parole ou de la sagesse
que je suis venu vous annoncer le mystère de Dieu.
Car j’ai décidé de ne rien savoir parmi vous
sinon Jésus Christ, et Jésus Christ crucifié.

Aussi ai-je été devant vous faible, craintif et tout tremblant :
ma parole et ma prédication n’avaient rien
des discours persuasifs de la sagesse,
mais elles étaient une démonstration faite
par la puissance de l’Esprit
afin que votre foi ne soit pas fondée
sur la sagesse des hommes
mais sur la puissance de Dieu » (1 Co 2, 1-5).

Paul – peut-être instruit par l’expérience d’Athènes –
a pris désormais une décision :
ne rien savoir sinon Jésus Christ crucifié.
C’est désormais le logos de la croix
qui sera son unique point d’appui.

Ce « logos de la croix » qui est folie pour le monde,
folie pour ceux qui se perdent,
mais pour ceux qui sont en train d’être sauvés, pour nous,
il est puissance de Dieu. (1 Co 1,18)

Le logos de la croix était folie pour Nietzsche, par exemple,
qui voyait dans le christianisme
la rancœur des faibles
contre ceux qui sont vigoureux de nature.
Pour Nietzsche la foi chrétienne
coupait ses ailes à la nature humaine
l’empêchant d’aller vers sa grandeur.
Il la voyait comme une révolution à l’envers,
et était scandalisé par la préférence
que l’Évangile donne au service et non à la domination.

Mais l’on sait à quelles folies de cruauté,
de non sens, de violence et de mort
a conduit la prétendue sagesse de Nietzsche.

Paul nous invite à nous décider,
à choisir la sagesse de la croix,
le « logos » de la croix.
C’est-à-dire à reconnaître la croix
comme la clé pour comprendre la vie,
pour comprendre le monde.
La croix n’est pas un événement ou une réalité isolée :
elle est la vraie logique,
la vraie intelligence (intus leggere) de toute existence.

La croix, le don total de soi,
l’appel à se jeter dans l’amour, à se renier,
est folie… mais c’est folie de Dieu
et ce qui est folie de Dieu
est plus sage que les hommes,
et ce qui est faiblesse de Dieu
est plus fort que les hommes. (v. 25)

*

Frères et sœurs, nous sommes bien trop sages,
bien trop sages de la sagesse du monde.
Il faudrait que nous puissions un jour confesser comme Paul :
nous sommes fous à cause du Christ

« Que personne parmi nous ne s’abuse,
que personne parmi nous soit dans l’illusion :
si quelqu’un parmi nous se croit sage à la manière du monde,
si notre vie est organisée pour nous protéger,
nous assurer, nous sauver,
pour « tirer notre épingle du jeu »
pour sortir toujours gagnants et riches
et en position de domination,
alors qu’il devienne fou pour être sage ;
car la sagesse de ce monde est folie devant Dieu. (3,18-19)

Voilà bien ce que nous pouvons demander à l’Esprit Saint
en cette neuvaine préparatoire à Pentecôte :
qu’il nous enseigne la folie de l’amour.
Le courage de déplaire aux autres s’il le faut,
le courage de renier nos peurs et nos calculs,
pour aimer au-delà de ce que nous appelons « raisonnable ».

Car c’est l’Esprit Saint, nous dit Paul,
qui nous révèle la sagesse de Dieu : (v. 7)
ce que l’œil n’a pas vu,
ce que l’oreille n’a pas entendu,
ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme
tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment,
c’est à nous, dit Paul,
que Dieu l’a révélé par l’Esprit (v. 9-10).

Sans l’Esprit, nous sommes incapables
d’entrer dans cette folie.
Seul l’Esprit nous en donne la force !

Nous pouvons en ces neuf jours
qui nous séparent de Pentecôte,
prendre le temps de lire et de relire
les quatre premiers chapitres
de la Première lettre aux Corinthiens,
et de laisser la Parole ainsi méditée
devenir en nous prière.

Père, au nom de Jésus,
nous te demandons la grâce
de passer du côté des fous.
Que ton Esprit nous libère
de la sagesse du monde,
et nous conduise
dans la sainte folie de l’Amour.
Amen.

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