FMJ MtlSainte Marguerite d’Youville – A
Frère Thomas
Jc 2, 14-18 ; Ps 145 ; Mt 25, 31-40
Jeudi 16 octobre 2014
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

La Sainteté pour tous !

Il y a un piège lorsque nous faisons mémoire des saints.
C’est d’abord que nous cherchions à tout prix à les imiter.
Saint Jean de la Croix disait :
« Nous risquons alors d’imiter leurs défauts ».
Car les saints avaient aussi leurs défauts.

Il y a un autre piège :
c’est que nous idéalisions tellement leurs vies
qu’elles ne disent plus rien à nos propres vies.
Nous risquons alors d’en faire des emblèmes
de nos nations, de nos cultures ou de nos spiritualités.
Or si l’Église se plaît tout au long de l’année liturgique
à faire mémoire des saints et des saintes,
c’est pour alimenter le feu de notre propre sainteté.

Voilà donc aujourd’hui Sainte Marguerite d’Youville.
Elle s’est surtout illustrée par la fondation
des Sœurs de la Charité de Montréal au XVIIe siècle,
venant en aide à toutes sortes de pauvres.

Ce que nous savons peut-être moins,
c’est que le nom par lequel on appelle communément ces sœurs
– jusqu’à aujourd’hui – « sœurs grises »,
était à l’origine une raillerie : ces sœurs sont grises,
elles sont ivres sous l’effet de l’alcool,
disait-on d’elles dans la bonne société de Montréal
dans leurs premières années.

Nous n’avons pas tous la vocation
à passer nos journées à secourir les nécessiteux.
Je crois aussi que pour la plupart d’entre nous,
on ne se moque pas de nous
parce que nous serions sous l’effet de l’alcool.
Mais tous nous sommes appelés par le Christ
à mettre notre foi en actes, par la charité.
Et tous nous pouvons nous attendre
à être raillés d’une façon ou d’une autre,
à un moment ou un autre de notre vie,
parce que nous posons des actes
en raison de notre foi en Christ.

Saint Paul insiste sur le salut par la foi.
C’est ce qu’il affirme notamment aux Galates
dans l’épître qu’il leur adresse
et que nous lisons ces jours-ci à la liturgie.
Il veut leur faire comprendre qu’eux,
qui sont païens d’origine,
n’ont nullement besoin de recevoir la circoncision
et d’observer toute la Loi de Moïse,
puisqu’ils ont la foi au Christ.

Traduisons aujourd’hui :
qu’est-ce qui est vraiment important dans ma vie ?
Est-ce la TV ? Est-ce l’internet ? Est-ce le sport, la piété ?
Ou bien est-ce le Christ ?
Non pas que toutes ces réalités soient forcément mauvaises,
mais où sont mes priorités ?
Et si ma priorité c’est le Christ,
en quoi cela change-t-il concrètement
ma personne, mes comportements ?
Cette deuxième question,
c’est Jacques qui la pose dans son Épître.
« Si quelqu’un prétend avoir la foi (au Christ),
alors qu’il n’agit pas, à quoi cela sert-il ? » (Jc 2,14)

Comment ma foi me fait agir, dans ma prière,
dans les attentions que j’ai envers les personnes,
dans les choix de mon travail, de mes loisirs, de mes rencontres ;
dans les renoncements à certaines paroles,
à certains comportements ?
Il importe que notre vie témoigne clairement
de notre appartenance au Christ.
Non pas tant que nous apparaissions
comme séparés des autres
par un certain nombre de pratiques
qu’ils ont du mal à comprendre,
mais que nous apparaissions comme différents des autres
par notre vie engagée dans davantage
de charité, de simplicité, de vérité.

En cela les saints et les saintes nous intéressent.
Car ils ont mis leur foi en pratique
d’une façon éloquente à la face du monde.
Ils nous stimulent ainsi à faire de même,
non pas en cherchant à imiter ce qu’ils ont fait,
mais en mettant à notre tour en pratique
notre foi dans la vie concrète qui est la nôtre
(sans rêver d’un ailleurs ni d’un autrement).

Ainsi, si Marguerite d’Youville
a fondé bien des hospices pour les miséreux,
nous pouvons chacun inventer quantité d’attentions
(à commencer par un regard d’amour)
envers les pauvres de toutes sortes que nous croisons.
Si Marguerite d’Youville a rencontré
bien des obstacles, des incompréhensions,
des railleries dans ses services de charité,
et qu’elles les a surmontés,
nous pouvons chacun supporter – et même nous réjouir –
des diverses humiliations que nous pouvons rencontrer
en raison de notre engagement authentique
pour le Christ et son Évangile.

N’oublions pas non plus que Marguerite d’Youville
a été une épouse et une mère de famille de 6 enfants
avant de se consacrer aux plus démunis,
après la mort de son mari.
Elle a donc eu des années pour mettre sa foi chrétienne
en pratique dans sa famille.
Et durant la guerre, en 1760,
elle a soigné aussi bien des Français que des Anglais,
ayant ainsi de l’amour pour toute personne,
quelle que soit son origine.

L’Évangile de ce jour nous dit combien le Christ
attend de nous des actes concrets :
donner à manger, donner à boire, accueillir, habiller.
Il va jusqu’à s’identifier avec tous ceux et celles
à qui nous faisons tous ces actes de bonté.
Il y a mille et une manières de donner à manger, à boire,
pourvu que nous soyons attentifs
aux attentes de ceux et celles que nous côtoyons,
et aux possibilités réelles qui sont les nôtres pour y répondre.

Alors, soyons créatifs pour être des saints et des saintes.

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