FMJ MtlMardi, 3e Semaine de Pâques – A
Frère Antoine-Emmanuel
Ac 7, 51 – 8,1 ; Ps 30 ; Jn 6, 22-29
6 mai 2014
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Seigneur, ne leur compte pas ce péché

Au moment même où les pierres tombent sur Étienne,
et qu’Étienne s’écroule blessé à mort,
ce n’est pas la haine, le dégoût, la vengeance
qui prennent le dessus;
ce n’est même pas le cri des psaumes
qui demande à Dieu de faire justice
« tu leur feras payer leurs dus, ces gens »
C’est la miséricorde qui l’emporte….

Les personnes dont Étienne a le souci,
ce sont ses bourreaux,
les membres du grand conseil, les gardes,
ceux qui sans aucune forme de procès
se jettent sur lui pour le faire taire.

« Seigneur, ne leur compte pas ce péché » (Ac 7,60).
C’est une prière ;
c’est une supplication,
qui vient d’un cœur blessé
par l’amour du Christ.

Étienne est un juif pieux, très pieux et très bien formé,
si l’on en croit la tradition
qui dit qu’il était avec Paul parmi les disciples de Gamaliel.

Mais la rencontre de Jésus a bouleversé sa vie,
et son cœur s’est élargi.
Son cœur est désormais suffisamment grand
pour que ses propres bourreaux y trouvent place.
Ce n’est plus un cœur
qui trie,
qui sépare,
qui exclue.
C’est un cœur qui a soif du salut de tous.

Il fait lever son soleil sur les justes
comme sur les injustes ! (Mt 5,45)

En d’autres mots, il a acquis cette sagesse
qui reconnaît dans la maladie du cœur de l’autre
la même maladie qui habite son cœur.
Et il ne peut pas accueillir la miséricorde de Dieu
pour lui-même sans l’accueillir pour les autres.

*

Frères et sœurs,
où puiser la force, l’énergie, la lumière
pour être brûlés par la même miséricorde ?

Beaucoup de grands témoins
qui ont connu la prison, les camps, la persécution
répondent que l’Eucharistie est le grand trésor
pour tenir bon dans l’amour et dans la miséricorde.

Pensez aux prisonniers de camps comme Auschwitz
qui faisaient circuler l’Eucharistie cachée dans un tube d’aspirine.

Ou encore au témoignage
du Cardinal François Xavier Nguyen Van Thuan1 :

« Mon arrestation m’obligeait de partir immédiatement,
les mains vides.
Le lendemain, on m’a permis de demander par écrit
les objets dont j’avais le plus besoin :
du linge, de la pâte à dents…
Or j’ai écrit à mon correspondant :
« S’il vous plaît, pourriez-vous m’envoyer un peu de vin,
pour traiter mon estomac dérangé? »
Les fidèles comprennent ce que cela veut dire;
et ils m’envoient une petite bouteille de vin pour la Messe,
étiquetée « médicament pour l’estomac »,
ainsi que quelques hosties scellées
dans un flambeau pour réduire l’humidité.
Alors la police me demande :
« Avez-vous des troubles d’estomac? »
« Oui. »
« Voici quelques médicaments pour vous aider. »
Je n’ai jamais été capable d’exprimer mon immense joie ;
à tous les jours, avec trois gouttes de vin
et une goutte d’eau dans la paume de ma main,
j’ai pu célébrer ma Messe. »

C’est bien ce que Jésus nous fait comprendre dans l’Évangile.

Les contemporains de Jésus attendaient un Messie
qui renouvellerait le miracle de la manne.
Or Jésus leurs dévoile que la vraie manne,
ce n’est pas un pain qui nourrit le corps
mais ne peut préserver de la mort.

La vraie manne, c’est Lui.
Il est le Pain qui donne la Vie au monde,
qui donne cette vraie Vie,
qui transforme notre existence.

Pour traverser le désert de l’épreuve,
de la persécution, des humiliations,
c’est Jésus Pain de Vie dont nous avons besoin.

C’est le Père qui nous le donne.
C’est le Père qui nous donne aujourd’hui Jésus
pour que nous ne laissions pas la vengeance,
et donc la mort entrer dans notre cœur.

Jésus est le Pain de la miséricorde,
le Pain qui nourrit la miséricorde en nous.

Un prêtre espagnol proche de Mère Térésa
qui prenait soin des ouvriers haïtiens exploités
par de gros propriétaires à Saint Domingue
et dont la vie était menacée quotidiennement
raconte que face à la peur qui le nouait,
le courage, le plus grand courage ne suffisait pas.
Il fallait l’amour.

Écoutons encore le Cardinal François Xavier Nguyen Van Thuan :

Au camp de rééducation,
nous étions groupés par groupes de 50 personnes;
nous dormions sur des lits en commun,
chacun ayant droit à 50 centimètres.
Les arrangements m’ont permis
d’avoir cinq catholiques autour de moi.
On ferme les lumières à neuf heures trente,
et nous devons tous dormir.
Je m’accroupis sur le lit pour célébrer la Messe,
de mémoire,
et je distribue la Communion
en bougeant mes mains dessous le moustiquaire.
Dans le but de préserver les saintes espèces,
nous fabriquons des petits contenants
avec le papier provenant des boîtes de cigarettes.
Jésus dans l’Eucharistie est toujours avec moi
dans ma poche de chemise.

Je me souviens de ce que j’avais écrit :
« Vous croyez à une seule force :
l’Eucharistie, le Saint Corps et Sang de notre Seigneur
qui vous donne la vie.
« Je suis venu pour que vous ayez la vie,
et que vous l’ayez en abondance » (Jn 10,10).
Comme la manne qui a nourri Israël
pendant leur voyage vers la Terre promise,
l’Eucharistie vous nourrira
sur votre chemin de l’espérance (cf. Jn 6,50) »
(La Route vers l’Espoir, n 983).

1 – F.X. Nguyen Van Thuan, Archbishop. Five loaves and two fish.
The Community of Our Lady of Lavang.

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