ST-ÉLIE, prophète, père des contemplatifs – C
Frère Antoine-Emmanuel
Si 48, 1-11 ; Ps 98 ; Mt 17, 1-12
20 juillet 2013
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Solitaire et solidaire

À travers nombre de récits, d’oracles ou de prophéties,
le Premier testament révèle l’infidélité du peuple de l’Alliance.
Peuple rebelle qui se détourne de son Dieu.
Non Serviam !
Je ne servirai pas ! (Jr 2,20)
C’est la nuit de l’idolâtrie, de l’injustice et du mensonge.

Mais en pleine nuit, comme au premier jour de création,
le Dieu fidèle a le pouvoir de susciter une lumière – un feu.
À l’heure même où cette nuit était plus sombre que jamais,
au temps d’Akhab, roi d’Israël, le roi idolâtre
et de Jézabel la criminelle,
c’est en cette heure de sombres ténèbres
que surgit, venu d’on ne sait où, le prophète Élie.
Le Prophète Élie se leva comme un feu
et sa parole brûlait comme une torche (Si 48,1).

Ce prophète qui surgit dans la nuit
cet « ange fait chair » selon une tradition d’orient
est le signe de ce que Dieu n’abandonne pas son peuple.
Car la ténèbre n’est point ténèbre devant Dieu
et la nuit comme le jour illumine (Ps 138,12).

La vie du prophète Élie est comme une traînée de feu
venu brûler sur la surface de la terre
comme une flamme divine qui brûle et qui illumine.

*

Élie est d’abord l’homme au cœur brûlant.
Élie est un passionné,
passionné pour le Seigneur des puissances dont il est le serviteur.

Ce feu intérieur c’est celui que Dieu Lui-même
a allumé dans le cœur de ce grand solitaire.
Car Dieu s’est plu à appeler son serviteur
dans le silence et l’extrême solitude du ravin du Kérith
pour lui faire découvrir sa sollicitude
et lui apprendre à ne compter que sur son Dieu.

Mais la solitude d’Élie n’est pas seulement
celle des premiers temps à l’orient,
elle est aussi celle de toute sa vie.
C’est la solitude du prophète
mis à part pour Dieu,
mis à part par Dieu
pour être témoin de Dieu.

Solitude douloureuse de Celui que l’on traite
comme un porte-malheur
alors même qu’il est venu pour détourner le peuple
de son chemin de mort
et le conduire sur le chemin du bonheur.

Solitude accablante de Celui qui partage
la solitude d’un Dieu que son épouse, son peuple
ne cesse d’abandonner.

Solitude crucifiante de Celui qui offre sa vie à Dieu
jusqu’à éprouver le sentiment d’être abandonné de Lui.

C’est dans ce seul à seul du désert et de la foule
que le cœur d’Élie s’est laissé transfigurer
pour ressembler au cœur de Dieu.

Élie, confesse la veuve de Sarepta,
est vraiment un « homme de Dieu ».
C’est un homme qui a fait l’expérience de Dieu
parce qu’il s’est livré à Dieu.

Parce que son cœur était brûlant,
sa parole était une flamme de feu !
Le plus solitaire des prophètes
est aussi le plus solidaire de son peuple !

À temps et à contre temps
Élie proclame la vérité contre le mensonge :
Celui dont le nom signifie « Yahweh est mon seul Dieu »
dénonce l’idolâtrie d’un peuple au cœur partagé.

Il invite le peuple à choisir
entre ces dieux qui ne donnent ni voix ni réponse
quand on les appelle,
et le Dieu unique, Dieu d’Israël,
dont il fait descendre le feu à trois reprises.

Et pour bien nous enseigner que ce choix
est une question de vie ou de mort,
Élie lui-même égorges les faux prophètes
artisans de mensonge et de fausseté.

Ce faisant, il dénonce par sa parole de feu,
tous les compromis, les demi-mesures,
et les pactes avec l’esprit du monde.

Parce qu’il a fait l’expérience du Dieu unique et vrai
il ne peut plus laisser son peuple errer
sur des chemins de ténèbres et de mort.

Élie partage la passion de Dieu pour son peuple.
Le feu qui habite son cœur et embrase sa vie
n’est pas la flamme vacillante et passagère
des enthousiasmes humains,
mais c’est le feu brûlant et consumant d’un amour éternel.
C’est un feu qui ne s’éteint pas.

Et de cela Élie fait la douloureuse et bienheureuse expérience.
Car Élie, comme nous un jour ou l’autre,
a connu la peur, l’angoisse, le doute ;
Élie, au lendemain même de la victoire sur le culte de Baal,
a fui devant les menaces de Jézabel.
Élie a fui loin de son peuple pour sauver sa vie.
Et il en viendra à demander la mort.
L’homme de Dieu a perdu confiance.
Le voici infidèle à son peuple qu’il laisse dans la ténèbre,
infidèle à Dieu et à son appel.

Mais la fidélité de Dieu
est venue rencontrer l’infidélité de l’homme.
« Pourquoi es-tu ici Élie ? » interroge Dieu.
Pourquoi as-tu abandonné ton peuple ?
Pourquoi m’as-tu abandonné ?…

Exigence d’un Dieu jaloux
qui vaut tout parce qu’Il est tout.
Le Seigneur ton Dieu est un feu dévorant…
Mais aussi tendresse de ce Dieu
qui se manifeste à son prophète
par cette voix de fin silence
qui ranime dans le cœur du prophète le feu de la passion divine.
La voix silencieuse de Dieu est comme un souffle de vie,
un souffle de résurrection.

Seigneur, tu m’as délivré de la mort
tu as préservé mes yeux des larmes
et mes pieds de la chute
pour que je marche devant toi au pays des vivants (Ps 116).

Qu’il est admirable cet homme
revêtu d’un vêtement de poils et d’un pagne de peau
qui reprend la route de la mission,
bénissant le Dieu unique et trois fois saint
qui est venu à lui comme un bon berger
cherchant sa brebis égarée.

*

Qu’il est bon frères et sœurs de contempler
le visage de ce saint prophète
qui nous enseigne, qui nous instruit
car nous aussi nous sommes tous appelés
à être prophètes.

Comme Élie, il nous faut allumer nos cœurs
à la flamme de l’amour de Dieu par la prière,
par l’Eucharistie véritable feu divin d’amour et de tendresse.

Comme Élie, il nous faut nous ouvrir à la présence de Dieu
dans le seul à seul de la prière.
Comme lui, il nous faut devenir lumière et feu
au cœur de ce monde.
Notre vocation n’est-elle pas de transmettre ce feu d’amour
que le Christ a allumé dans nos cœurs
pour que nous le répandions sur la Terre ?

Et si un jour le doute et l’angoisse s’emparent de nous,
nous savons désormais, à l’exemple du prophète Élie,
que Dieu ne nous abandonnera pas
et que la grâce pourra surabonder là où la faute se sera multipliée.

Notre monde a besoin que nous ayons l’audace d’Élie
pour répandre la Bonne Nouvelle de la mort
et de la Résurrection de Celui qu’Élie annonçait déjà par toute sa vie !

St Élie prie pour nous.
Donne-nous d’être comme toi
emportés dans le feu de l’amour de Dieu.

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