FMJ Mtl21e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – A
Frère Thomas
Is 22, 19-23 ; Ps 137 ; Rm 11, 33-36 ; Mt 16, 13-20
24 août 2014
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Pour toi, qui suis-je ?

« Et vous, que dites-vous ?
Pour vous qui suis-je ?
» (Mt 16,15)

Mais dis-le nous
– aurions-nous peut-être envie de répliquer à Jésus –
afin que nous sachions clairement qui Tu es !

Là est cependant tout à la fois la grandeur
et la vulnérabilité de Jésus,
que de nous poser la question
sur comment nous percevons son identité.
Certains, aujourd’hui, répondraient comme Pierre :
le Messie, le Sauveur, le Fils de Dieu.
Mais quel sens cela prend-il pour leur vie ?
D’autres diraient :
Jésus, c’est celui qui donne sens à ma vie,
c’est toute ma joie,
c’est mon bonheur !
Jésus fait donc pleinement partie de leur vie.

Pour d’autres, Jésus est un prophète, ou un sage,
un homme bon, un pacifiste, un écologiste.
Il y a beaucoup de manières de voir Jésus,
de l’extérieur.
Pour bien des personnes non européennes dans le monde,
Jésus c’est le Dieu des Européens.
Mais ils oublient que Jésus a vécu en Israël,
qui n’est pas en Europe.

Certains sont fâchés que l’identité de Jésus
n’est toujours pas claire pour tout le monde,
et que ce manque de clarté a été selon eux
cause de bien des divisions, de biens des querelles,
de bien des guerres depuis 2000 ans !

Mais lorsque Jésus pose la question
« Pour vous, qui suis-je ? » à ses disciples…
lorsqu’Il la pose à chacun d’entre nous aujourd’hui –
à nous qui voulons L’aimer
et toujours davantage Le découvrir –
cette question de quelqu’Un qui demande
non seulement « qu’as-tu retenu de ma Parole ?
En quoi ma Parole te touche-t-elle ? »
mais aussi « M’aimes-tu ? » (Jn 21,15)
« Est-ce que je compte pour toi ? »
Ce n’est pas une parole inquisitrice
et encore moins accusatrice.
C’est la Parole de Quelqu’un
qui veut se communiquer à nous, totalement,
sans rien nous cacher.
C’est une parole qui attend
– qui mendie même – notre réponse.

Nous nous représentons parfois Dieu
comme un bloc monolithique froid,
auquel il faudrait que nous adhérions
tout de suite et sans faute.
Comme nous ne parvenons pas
à vivre une telle adhésion,
alors soit nous ressentons
un oppressant sentiment de culpabilité,
soit nous nous révoltons
et quittons la communauté des croyants
rassemblés en Église,
de façon plus ou moins marquée,
plus ou moins bruyante.

Même si l’Église a
– comme tout groupement humain –
une doctrine, des règles,
elle est là avant tout pour manifester Jésus Christ
qui s’adresse personnellement
à chacun, chacune d’entre nous,
même à tout être humain sur cette terre.
« Et toi, que dis-tu ?
Pour toi, qui suis-Je ? »

Notre Dieu est un Dieu de relation,
Il est un Dieu de Parole.
« Notre Dieu nous parle
– écrit le Cardinal Danneels –
avec le risque d’être contredit par nous. »
Notre relation à Dieu est ainsi un chemin ;
elle peut même devenir une aventure amoureuse
si nous le voulons.

Être chrétien, ce n’est pas d’abord suivre des règles,
ni adhérer à une doctrine,
ni même conformer notre vie à une sagesse
– même si tous ces aspects interviennent
à un moment ou un autre de notre vie chrétienne.
Être chrétien, c’est d’abord être passionné de Jésus.

Lorsque Pierre répond
« Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Mt 13,16),
c’est avec tout son cœur qu’il donne une telle réponse.
Certes le Père des cieux lui révèle une telle réponse,
mais si Pierre n’avait pas d’amour pour Jésus,
il ne pourrait pas recevoir en dedans de lui une telle réponse.
Et alors voilà que Jésus à son tour dit à Pierre qui il est :
« Tu es Pierre, et sur cette pierre Je bâtirai mon Église ;
et la puissance de la mort
ne l’emportera pas sur elle.
» (Mt 16,18)

Nous avons parfois peur de Dieu.
Nous nous imaginons que si nous nous tournons trop vers Lui,
si nous Lui consacrons trop de temps,
Il va nous aliéner,
Il va nous empêcher de nous épanouir,
Il va nous prendre notre identité d’être humain.
C’est le contraire qui se passe.
Jésus donne à Pierre une nouvelle identité,
qui épanouit et accomplit son humanité.

Jésus est bien conscient des faiblesses de Pierre.
Il y a deux semaines nous voyions Pierre manquer de foi
et couler lorsqu’il marchait sur les eaux.
Après que Jésus annonce sa Passion,
Pierre s’y oppose et se fait traiter de Satan par Jésus.
Nous savons aussi comment Pierre reniera Jésus à la Passion.
Cela n’empêche pas Jésus de bâtir son Église sur la foi de Pierre
et de lui confier les clefs du Royaume des Cieux.

Et à chacun, chacune d’entre nous,
Jésus est prêt à dire :
tu es Jean, Marie, Philippe, Isabelle…
Je fais de toi une pierre pour la construction de mon Église.
Jésus a besoin de nous…
Il se plaît à avoir besoin de nous.
Ne disons pas que nous en sommes indignes.
Jésus connaît par cœur nos faiblesses,
nos infirmités…
mais Il connaît plus encore la merveille de Dieu
que chacun, chacune nous sommes, en notre humanité…
et c’est pour cela qu’Il se plaît à nous faire confiance.
Là où nous sommes, là où nous vivons,
avec ce que nous sommes,
nous sommes capables de faire du bien.

Et lorsque nous sommes rassemblés en Église,
pour célébrer l’Eucharistie,
pour nous retrouver ensemble,
croyants en Jésus Christ pour écouter sa Parole,
communier à son Corps et à son Sang,
et pour vivre entre nous un partage fraternel,
nous pouvons nous soutenir les uns les autres
par les merveilles de Dieu que nous sommes.

En écoutant Dieu nous parler, nous redire :
« pour toi, qui suis-Je ?»,
et en Lui répondant de tout notre cœur,
nous entrons ensemble dans une nouvelle culture
de l’échange gratuit de la miséricorde :
nous entrons ensemble un peu plus
dans une véritable civilisation de l’amour.

Si Jésus donne volontiers à Pierre
les clefs du Royaume des cieux,
avec le pouvoir de délier les péchés,
c’est que Pierre fait lui-même l’expérience du pardon de Jésus.
Et nous aussi, chacun, chacune à notre place,
nous faisons l’expérience de la miséricorde de Jésus…
et nous pouvons contribuer
à délier les autres de leurs péchés,
de leur méfiance vis-à-vis de Dieu,
de leur méfiance vis-à-vis de leurs semblables.

« Et toi, que dis-tu ?
Pour toi qui suis-Je ? »
Seigneur Jésus, je ne sais pas très bien quoi Te répondre…
mais je Te rends grâce, je Te remercie,
de T’abaisser à venir me parler jour après jour.
Je T’offre en retour ma confiance,
ma foi, ma gratitude :
Tu mets mon cœur au large.
Tu m’élèves en mon humanité.
Et je Te rends grâce pour tous mes frères et sœurs chrétiens
qui croient en Toi ;
qui m’aident à mieux Te connaître
et à mieux me connaître.
Je Te rends grâce pour tous les humains de la Terre
– même ceux qui apparemment ne croient pas en Toi –
qui me font encore davantage connaître
ton visage de Messie de Fils de Dieu
lorsque je les accueille dans ma vie.

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