FMJ MtlJeudi, 11e Semaine du Temps ordinaire – A
Frère Antoine-Emmanuel
2 Co 11, 1-11 ; Ps 110 ; Mt 6, 7-15
16 juin 2011
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Transformés par la prière

La prière du Notre Père est un don de Dieu (Mt 6,9).
Elle n’est pas une invention des hommes
mais un don du Fils de Dieu
qui veut nous faire partager sa joie d’être Fils.

Elle est un don de Dieu
qui ne remonte pas vers Lui
sans avoir porté un fruit de Vie (cf. Is 55,10-11),
sans avoir enfanté la Vie même de Dieu
dans le cœur de ceux qui la prononcent.

Cette prière qui vient de Dieu et s’adresse à Dieu,
transforme nos cœurs.
Elle est comme une eau vivifiante
qui irrigue la terre desséchée de nos existences
– terre desséchée par le vent des passions
et la tempête des tentations –
et qui remonte vers Dieu en louange.

*

Prier le Notre Père,
c’est déjà confesser la Paternité de Dieu.
C’est la première transformation
qui contient toutes les autres.

Le Notre Père est une confession de foi.
En cela il nous libère de l’idolâtrie
et nous tourne d’emblée vers le vrai Dieu,
donnant à Dieu la joie d’être appelé Père par ses enfants
qui le reconnaissent et se confient à Lui.

*

Prier le Notre Père c’est aussi consentir
à ce que notre cœur soit dilaté.
Nous ne disons pas « mon dieu à moi »,
mais notre Père.
La prière vraie n’est jamais une affaire privée ou intimiste.
Plus elle est vécue en solitude,
plus elle s’ouvre de soi à la communion.
Sans cette ouverture à l’Église et au monde,
la prière en viendrait à ramener Dieu
à notre propre mesure,
à vénérer un Dieu issu de notre sensibilité
et non plus le vrai Dieu
qui appelle tous les hommes à être ses enfants.

Aussi cette même prière du Notre Père
pose-t-elle comme exigence,
comme sceau d’authenticité,
le pardon que nous donnons
à ceux qui nous ont offensés.

Refuser délibérément de pardonner,
c’est s’interdire de dire notre Père.
C’est étouffer la prière en notre cœur.
C’est là l’expérience toute concrète
de celui qui n’arrive plus à prier
parce que sa conscience n’est pas en paix.

La prière élargit ainsi notre cœur.
Elle le dilate aux dimensions du cœur d’un enfant de Dieu.

*

Prier le Notre Père c’est aussi nous décentrer de nous-mêmes.
Nous sommes tentés de faire de nous-mêmes
le centre de notre vie.
N’y a-t-il pas en nous le désir,
séduisant mais finalement douloureux,
de ce que notre nom soit connu de tous,
de ce que notre règne vienne
et de ce que notre volonté soit faite ?

La prière du Notre Père
transforme ici notre cœur en profondeur.
Elle nous réoriente vers Dieu.
Face à la tentation de la réputation, du succès,
celle que Jésus a connue en haut du pinacle du Temple,
elle nous fait désirer que le Nom du Père, et non le nôtre,
soit sanctifié, c’est-à-dire qu’il soit connu et aimé de tous.
Elle nous mène à reconnaître notre faiblesse, notre fragilité
et à recourir au Père pour être délivré du mal,
pour être délivré de la racine du péché qui est l’orgueil.
Notre Père, que ton Nom soit sanctifié – Délivre-nous du mal.

Face à la tentation de la domination, du pouvoir,
celle que Jésus a connue quand Satan lui a présenté
tous les royaumes de la terre,
la prière du Notre Père nous fait désirer
la venue, non de notre règne, mais du règne de Dieu.
Elle nous mène à recourir au Père
pour que son règne vienne en nos vies,
c’est-à-dire pour qu’il nous pardonne nos offenses
et nous établisse en sa paix.
Notre Père, que ton règne vienne – Pardonne-nous nos offenses.

Face à la tentation de l’avoir, de la possession,
celle que Jésus a connue dans le désert,
la prière qu’il nous a enseignée
nous fait nous déposséder de notre volonté
et désirer que se fasse la volonté du Père,
jusqu’à en faire, comme Jésus, notre nourriture (cf. Jn 4,34).
Elle nous mène à recourir au Père
comme des pauvres qui demandent le pain,
c’est-à-dire qui demandent la Vie.
Notre Père, que ta volonté soit faite sur la Terre comme au Ciel
– Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour.

*

Quelle transformation, frères et sœurs !
C’est celle que le psalmiste avait déjà entrevue en confessant :
Qui regarde vers le Seigneur resplendira
et sur son visage point de honte (Ps 33,6).

Nous sommes tentés de nous servir de Dieu
et nous voici ramenés à la vérité :
nous sommes les serviteurs d’un Dieu d’Amour
qui recevons la Vie de Lui.

Nous sommes tentés de nous mettre à la place de Dieu,
et nous voici ramenés à la vérité :
nous sommes pécheurs
et sans son pardon nous sommes perdus.

Nous sommes tentés de mettre Dieu à l’épreuve,
et nous voici ramenés à la vérité :
nous sommes ses créatures
et sans sa protection, sans son salut,
nous allons au néant.

Triple retour à la vérité.
Triple retour à notre origine,
à l’humus dont nous avons été tirés.

Le Notre Père nous fait entrer dans l’humilité
pour que nous accueillons la Vie de Dieu en nous.
Pour que notre vie ne soit plus centrée sur nous-mêmes,
mais orientée vers Dieu dans la louange et l’espérance.

Très concrètement, nous pouvons ainsi
confronter nos projets, nos idées,
avec les trois premières demandes du Notre Père
et nous vérifierons si ce que nous entreprenons
est bien ce que Dieu veut.
Alors, pour l’entreprendre,
nous pourrons commencer par demander à Dieu sa grâce
à l’aide des trois demandes finales du Notre Père.
Ce Notre Père peut devenir notre règle de vie
et notre vie en sera transformée.

*

Oui, quand elle est irriguée par la Parole de Dieu,
la prière nous transforme.
Elle est ainsi une dimension vitale de notre existence.

Alors nous goûterons
et nous verrons comme est bon le Seigneur (Ps 33,9).
Car le Seigneur nous écoutera,
de toutes nos angoisses il peut nous délivrer.
Il est proche des cœurs brisés,
il sauve les esprits abattus (cf. Ps 33,18-19).

Frères et sœurs, la prière est un don de Dieu
qui dilate nos cœurs et oriente nos vies
vers Celui en qui nous reconnaissons notre Père.
Aussi elle a pour sommet l’Eucharistie
qui nous rassemble et nous tourne vers notre Père.
Oui, magnifions le Seigneur,
exaltons tous ensemble son nom (Ps 33).

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